Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1937-03-12
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 mars 1937 12 mars 1937
Description : 1937/03/12 (A38,N20). 1937/03/12 (A38,N20).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Appartient à l’ensemble documentaire : RfnHisg1 Appartient à l’ensemble documentaire : RfnHisg1
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6265476d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/01/2013
JOURNAL SEMI-QUOTIDIEN
XééseUtn & Aimini*tr*ti»n :
16 am de la Boum
PARIS <20
TÉL. t RICHELIEU Va OW
(2 lignes grolll'Eea)
38e ANNEE.—N°20
VENDREDI (13 h. 40) 12 MARS 1937
Les Annales Coloniales
Q
fondateur : Marcel RUEDEL
Directeur 1 Raoul MONMARSON
ilemmEntaTs
MM la Ram inudr*:
Va u 4 Mal* ttUU
Franot et
Caltnias 180 » 1M » H'
Etranger.. 24h 1259 7i»
Le Numéro : 30 centimes
On s'abonne sans frais dans
tous les bureaux de poste.
Le nouveau visage
-, de l'Afrique
VIII. — La Guinée, côté jardin
par Raoul Monmarson.
en mer, 20 février.
Il y a trente ans, à Paris, dans une innocente
boutique de la rue Saint-Denis, à l'angle de la
rue Turbigo, la banane de Guinée se vendait
fort modestement. Quelques kolas, violettes
comme les bajoues d'un dindon en colère, mé-
ditaient dans deux ou trois bocaux. Parfois un
ananas, mêlé à l'odeur de bonbon anglais : la
Camaysnne se défendait comme elle le pouvait.
La guerre la chassa de sa médiocre boutique.
Mais elle avait donné le ton. La Guinée sem-
bla, grâce à elle, promise à de hautes destinées.
La banane paraissait avoir trouvé, entre Kindia
et la côte, sa terre d'élection. Une armée de
braves gens subit ainsi la folie du jour, et se
mit. à gros frais d'installation, avec des mobili-
sations de capitaux hors de propos avec cette
matière pauvre à créer, à « faire de la ba-
nane ».
La Guinée n'avait point de routes. Elle
n'avait été, à aucun moment, préparée à jouer
un rôle actif. Il semblait qu'elle avait été en ef-
fet conservée, par un administrateur scrupuleuse-
ment neutre, dans sa position de serre molle et
chaude, piquetée de cocotiers romantiques, pour
servir de diorama dans les expositions, ou de
toile de fond aux touristes éventuels. Elle était
la « colonie », inutile, pittoresque et coûteuse.
L'Hôtel Dubot, le fameux baobab du port, et
les avenues rectilignes, toutes coupées à angle
droit, à l'américaine, suffisaient à charmer pen-
dant quelques instants d'escale la race de ceut
qui allaient travailler dans les colonies du Sud.
Les planteurs de banane modifièrent ce décor
de théâtre. Un esprit nouveau s'affirmait. La
Guinée allait êfaz enfin dotée d'un produit
d'exportation 1 Cela valait bien un monument
commémOratif : on édifia, sur le terre-plein d'un
port rachitique, ce frigorifique imposant où
oncques n'entra la banane, et qu'il est même
impossible de transformer en bureaux, à moins
de frais considérables.
Mais la banane existe. Elle représente aujour-
d'hui des capitaux considérables. Par voie de
conséquence, elle a entraîné la construction- du
port, et elle a permis au chemin de fer, pauvre
en matériel, peu préparé à jouer un rôle écra-
sant, de donner la mesure de son habileté et de
son activité. La ville s'est légèrement dévelop-
pée : elle est totijours aussi jolie. Nous avons,
eu l'honneur, piloté par le général Denain, de
la survoler longuement. Nous l'avons ainsi com-
prise, et nous sommes toujours disposé à l'ai-
mer.
Cela d'autant plus qu'avant-hier, après la gri-
saille si délicate de la Chambre de commerce,
nous eûmes l'occasion de connaître les deside-
rata de la Chambre d'agriculture. Il y a là des
hommes qui savent ce qu'ils veulent et ce pour-
quoi, âpremenl, ils luttent. Presque. des colons.
Entendons-nous : à côté de beaucoup qui sont
venus ici avec de l'argent dans leurs chausses,
quelques-uns sont partis du point mort, de zéro.
Ils ont lutté. Ils n'ont pas triomphé encore. Mais
c'est justement parce qu'à notre sens la banane
de Guinée nous paraît bien compromise que la
métropole se doit formellement de la soutenir,
et presque de la sauver.
*00
On nous dira aisément qu'un produit contraint
de recourir à des mesures de protection est un
produit en péril de mort. Nous le croyons.
Parce que nous pensons que la banane n'a pas,
en Guinée, sa terre d'élection. Lorsque la Cote
d'Ivoire, et le Cameroun — où s'eg installée la
Fyffe, qui connaît les meilleurs secteurs — ont
entrepris de faire à leur tour de la banane, la
Guinée a tremblé sur sa base. Elle assiste à ce
spectacle décevant de navires bananiers, naguère
spécialement construits à son intention, et qui la
délaissent en partie pour charger dans le Sud.
De ce fait, la production guinéenne n'est plus
évacuée en totalité. De plus les frets sont éle-
vés, il se produit une sorte de chantage, ag-
gravé par un laisser-aller général. qui place le
producteur dans une position délicate : il cou-
drait qu'une sorte de commission des frets fût
créée, capable de réaliser en cette matière si
délicate, et vitale pour le produit, l'arbitrage
obligatoire.
Si la question du transport peut être résolue
par les simples voies de la discussion, il est un
péril extrêmement grave dont l'Afrique entière,
du Nil au Congo, du Niger aux grands lacs, est
menacée : les sauterelles. Nous les avons, dans,
toute l'Afrique, trouvées sur notre route, au Ma-
roc il y a vingt ans, en Oubangui-Chari, au
Tchad, au Niger, et dernièrement en vols pres-
sés, compacts, actifs, durant que de la Cote
d'Ivoire nous descendîmes vers Conakry. LIns-
titut International d Agriculture, à Rome, s oc-
cupe de la question, et nous croyons qu'il a pro-
posé une solution, grâce aux heureuses recher-
ches de la science. Quoi qu'il en coûte, il est
urgent, il est vital de lutter contre ce fléau.
L'avion, la T.S.F., la chimie devraient colla-
borer. Il faudrait surtout que l'entente interna-
tionale, au moins sur ce terrain, fût, pour une
fois, réafrsée.
La banane, enfin, s'aperçoit que la forêt lui
est indispensable, que le déboisement est une
œuvre criminelle, et que le régime des eaux est
toujours dépendant du régime forestier. Il fau-
drait donc donner au chef du service des Eaux
et Forêts de la Guinée, M. Rouvin, si pas-
sionné, si actif, les moyens el l'autorité de
poursuivre son œuvre contre les feux de brousse.
L'indigène est possédé d'une rage inconcevable,
lorsque la torche à la main il réalise sciemment
la ruine de son pays. Des mesures administra-
tives rigoureuses pourraient intervenir à bref dé-
lai, et nous ne doutons pas, sur ce point, de
l'empressement que le gouverneur, M. Blacher,
apportera à les édicter.
**•
D'autres questions furent soulevées, comme
celle du fonds spécial de la banane, du crédit
agricole, de certains services publics. Devant
le transport, l'acridien et le déboisement, ces
questions s'effacent légèrement. La discussion
fut ardente : l'accord absolu ne règne point. On
connaît d'ailleurs, pour F avoir dénoncé dans ce
journal, tout le mal que se sont fait à eux-mê-
mes tous les syndicats de planteurs de banane en
Guinée : dissidents, conformistes, dissidents des
dissidents, les uns combattant les autres, les
contredisant. neutralisant leur action. Une Ad-
ministration a beau jeu, d'utiliser les divisions,
les rivalités, pour ne rien faire. Ce n'est pas
maintenant le cas, mais quelle tâche ingrate et
difficile, au cours de laquelle l'honneur du de-
voir accompli n'est pas toujours atteint !
*%
Ainsi, cahin-caha, vont les planteurs de Gui-
née. Ils ont chaussé des bottes trop lourdes
pour eux, des bottes qui ne sont pas faites pour
le pays. Il faut donc les aider à marcher. Mais,
pour cela, qu'ils coordonnent donc leurs mouve-
ments, qu'ils collaborent entre eux comme avec
l'Administration i La cie est un fardeau suffi-
samment pesant pour qu'on ne s'amuse point à
l'alourdir par de futiles et vains objets !
L'arbitrage des frets, la lutte anti-acridienne,
la répression des feux de brousse poursuivie en
même temps que le reboisement, tels nous pa-
raissent être les trois points capitaux qu'il con-
vient d'étudier de suite afin d'apporter à ces
planteurs l'aide vitale dont ils ont le plus pres-
sant besoin. Pas plus qu'eux, nous n'avons le
désir de sanctionner la lourde faillite d'une ex-
périence mal appropriée à cette colonie.
L'énergie passionnée des humains a toujours
eu raison de la nature, même lorsque les cota-
clysmes les ont combattus. Il n'est pas de rai-
son pour que la Guinée ne triomphe pas, dès
l instant où elle aura réglé les incidences admi-
nistratives ou techniques qui la gênent si nette-
ment aujourd' hui.
Raoul Monimarson.
(1) Yair les Annules Coloniales des 29 janvier,
5, 23, 20 févreir, 2, 5 et 9 mars
Au Ministère des Colonies
Le nouveau directeur
des Services militaires
- Le' général de division Verdier, de l'état-
major général des troupes coloniales, membre
du, ,comité consultatif de défense des colonies,
est nommé directeur des services militaires au
ministère en remplacement du général de divi-
sion Rinck, remis à la disposition du ministre
de la guerre.
Création d'un corps d'infirmières
coloniales
Nous avions annoncé le 29 janvier le désir
que le ministre des Colonies avait maintes fois
exprimé de procéder à la création d'un corps
d'infirmières coloniales.
Ce projet est aujourd'hui réalisé. En effet,
M. Marius Moutet vient de soumettra à lia si-
gnature du président de là République le dé-
cret qui organise ce nouveau cadre.
La constitution de ce corps unique d'infir-
mières et de sages-femmes sera recruté sur ti-
tres et nommé par arrêtés ministériels. Il limite
les inconvénients qui résultaient du manque de
statuts pour le personnel 'et complète utilement
1 armement sanitaire de nos colonies.
M Guillon revient à Paris
Ayant dû quitter précipitamment Paris, où
il venait d'arriver, samedi après-midi, pour aller
à Metlaoui arbitrer le sanglant conflit des mines
de phosphates, M. Guillon, Résident général
en Tunisie, maintenant que le calme semble
rétabli, revient à Paris.
Avec sa suite, il a quitté Tunis hier par
1 hydravion postal et arrivera demain matin. Il
va pouvoir prendre part aux dernières réunions
du Haut Comité méditerranéen.
l'or de l'A. E. F.
s'affirme de plus en pins
Les sorties d'or de VA.E.F. ont été (en
kilogs) de 59,732 en javier (0,500 en ;an,¿.ier
1956) et de 46,700 en février (25.655 en +,;-
Trier 1936). soit pour les deux premiers mois
de cette année 106 k gs 432 contre 26 kilo-
grammes 155 pour les deux premiers mois
de 1936.
Ainsi se confirment les espoirs que quel.
ques p-ionniers de l'A.E.F. ont placés dans
le Mayamba, après que les gisements de l'Ou-
bangui-Chari eurent cristallisé les recherches
européennes.
Ajoutons que l'A.E.F. a exporté en jan-
vier 456 carats de diamant.
Colonisation juive
ES Annales Coloniales
ont annoncé que le mi-
nistère des Colonies
étudiait un projet de
colonisation juive. J'aî
quelque idée que cer-
tains de nos lecteurs
en ont éprouvé une
certaine surprise.
On se figure, en ef-
fet, assez volontiers,
que la question juive
n'existe guère en dehors de l'Allemagne où le
chancelier Hitler traite les Israélites de la façon
que l'on sait. D'autre part, on éprouve quelque
scepticisme sur leurs aptitudes colonisatrices. Ce
sont là des façons de voir 'peu conformes à la
réalité.
La question juive n'est malheureusement pas
résolue. En Europe orientale, il est deux pays où
elle se pose avec acuité. Ce sont la Pologne et la
Roumanie.
En Roumanie, sous l'influence chaque jour
croissante de la propagande nazie, le gouverne-
ment se prépare à prendre contre les Israélites
des mesures qui ne tendent rien moins qu'à les
priver du droit de citoyen et à les exclure des
professions libérales, commerciales et industriel.
les. Ce sont quelques centaines de mille citoyens
qui sont menacés de perdre leurs moyens d'exis-
tence, et se verront sous peu obligés de fuir
leur pays.
En Pologne, la situation est politiquement dif-
férente, mais des raisons d'ordre démographique
interviennent qui doivent aboutir à un résultat
qui ne sera pas différent, c'est-à-dire à l'exode
d'une importante fraction des éléments juifs.
A Genève, le 6 décembre dernier, le délégué de
la Pologne, M. Komarnicki, déclarait: « La Po-
logne est surpeuplée, une émigration massive des
juifs polonais est pour elle une nécessité vitale. La
Pologne comptant une importante population jui-
ve désire voir maintenir dans sa plénitude le rôle
de la Palestine en tant que foyer national juif.
Cependant, la Palestine ne saurait suffire, et la
Société des Nations doit s'occuper activement de
la recherche, de par le monde, d'autres terrains de
colonisation pour l'émigration juive. »
Voilà donc le problème posé.
Mais on peut se demander si le juif a le tempé-
rament colonisateur. L'exemple de ce qui s'est
passé en Palestine depuis la fin de la guerre sug-
gère une réponse affirmative. Dans la déclaration
qu'il a faite à la presse le 16 janvier, M. Moutet
note avec satisfaction « que les Israélites peuvent
constituer des éléments sérieux pour la colonisa-
tion. Ils sont parfaitement aptes au travail agri-
cole qui est la base de toute entreprise colonisa-
trice. Ils en ont d'ailleurs donné la plus remarqua-
ble preuve en Palestine. »
C'est exact. Seulement, peut-être ne serait-il
pas inutile de remarquer que l'assimilation de la
Palestine avec les territoires susceptibles de rece-
voir les nouveaux colons ne doit pas être pous-
sée trop loin. Les pays du Jourdain ne sont pas
absolument comparables pour plusieurs raisons
avec Madagascar, la Nouvelle-Calédonie et la
Guyane. Le milieu géographique et moral n'est
pas tout à fait le même. Il existe des différences
que l'on ne saurait contester ni passer sous si-
lence.
Mais elles ne sont pas telles qu'elles rendent
impossible, ou même simplement imprudent, l'éta-
blissement des Israélites dans ces pays-là.
L'expérience, en tous cas, mérite d'être faite.
Elle peut réussir. Seulement, il faut en limiter
l'étendue et la préparer avec soin sFon ne veut
pas s'exposer à un échec et à de douloureux en-
nuis.
Le ministre des Colonies l'a bien compris quand
il a mis les protagonistes de ce mouvement en
garde contre les illusions et les espoirs excessifs.
Il faut, a-t-il dit, choisir les pays où l'on se pro-
pose de réaliser cet essai de colonisation. Il faut
faire des enquêtes préalables sérieuses. Enfin, il
est nécessaire de réunir les moyens financiers né-
cessaires. C'est un langage plein de sagesse. Ces
conditions ne sont certes pas impossibles à réa-
liser, d'autant que l'administration française n'y
est pas hostile. Elle y est même favorable. Elle a
raison d'adopter cette attitude. Fait avec pru-
dence, ce qui ne signifie pas avec timidité, cet
essai, à notre sens, ne peut qu'être heureux pour
nos possessions coloniales, en même temps qu'il
apportera une solution partielle mais utile à un
délicat problème de démographie européenne.
Henry Fontanier.
Ancien IUpUM,
Agrégé de l'Université
——————— ) -.- ( ———————
M. Alexandre Varenne
en Indochine
Pendant son séjour à Hanoï, M. Alexan-
dre Varenne, ancien Gouverneur général de
l'Indochine, délégué du Tonkin au Conseil
supérieur de la France d'outre-mer, a eu
de longs entretiens avec le Gouverneur gé-
néral Brevié, au cours desquels les deux
interlocuteurs ont constaté leur communau-
té de vues sur les solutions qu'il convient
d'apporter aux problèmes politiques écono-
miques et sociaux de l'heure présente.
Hier soir, au cours d'un dîner qui a réuni
autour de lui un grand nombre de ses attns
français et annamitest M. Alexandre Va-
renne a prononcé une allocution chaleureu-
sement applaudie. Après avoir expliqué la
raison pour laquelle il avait désiré ce man-
dat « Servir encore l'Indochine », il a sou.
ligné l'indissolubilité des liens qui unissent
la colonie et la métropole et il a rappelé
qu'à l'heure où la politique de la France
s'affirme de. plus en plus généreuse, il n'est
de travail fécond que dans l'ordre. Il a ter-
miné. en exprimant sa confiance dans le des-
tin de l'Indochine qui trouvera « en le chef
éminent qu'est le Gouverneur général Ere.
vié un animateur et un guide à la hauteur
de toutes les circonstances ».
■ ) -.- ( -
Au Conseil privé
de la Guyane
Le mandat de conseiller privé du gouverne-
ment de la Guyane de MM. Roland Beauroy
et Louis Castex, conseillers privés titulaires;
Eugène Tecle et Jean-Baptiste Bouygues, con-
seillers privés suppléants a été renouvelé pour
deux ans, à compter du 1er juin prochain.
L'Océanie française
■ sous la terreur
Lettre ouverte à M. Marius Moutet,
ministre des Colonies
Un groupe de lecteurs de Papeete nous prie
de publier cette lettre ;
Monsieur le Ministre,
Nous savons, vous avez les oreilles rebattues
des étranges histoires coloniales issues des Eta-
blissements français d'Océanie. Nous n'y re-
viendrons pas puisqu'en moins de trois ans nous
connûmes trois gouverneurs plus un gouverneur
p. i., ce qui semblerait démontrer que nous ne
nous alarmâmes pas à tort.
Nous résumerons simplement quelques faits
récents très courts :
Un homme, un colon français, que nous
n'avons pas à juger, a fait une admirable pro-
pagande coloniale française. Il loua une île sa-
bleuse déserte, Chrisbnas, au gouvernement
britannique. Il y planta quelques centaines de
milliers de pieds de cocotiers pour y récolter
du coprah. 90 des travailleurs recrutés pour
œuvrer sur cette plantation demandent à y re-
tourner. Les 7 à 8.000 francs gagnés durant
leur séjour sont dépensés à Tahiti.
„2 Ce colon - français n' a pas l'heur de plaire
aux puissants du jour ; voici la conclusion. bien
française : Journal officiel des Etablissements
français d'Océanie, n° du 16 août 1936, p. 470.
arrêté n0 72 « .Article 23. - Tout recrutement,
dans la colonie, de travailleurs hommes ou fem-
mes, pour des entreprisas ou exploitations situées
en territoires étrangers, EST .FORMELLEMENT IN-
TERDIT. Signé : H. Sautot. »
Nous croyons inutile de commenter. il y a
4.000 Chinois en Océanie française.
Un colon français (il jouirait de plus grandes
faveurs s'il était d'une autre nationalité, jaune
par exemple) possède un important cheptel à
10 kilomètres de Papeete. Ses bêtes, à demi-
sauvages, en liberté sur un domaine de 6.000
hectares, sont abattues à coups de fusil et ravi-
taillent en grande partie notre petite capitale
en viande de boucherie.
Ce colon n' a pas l'heur de plaire aux puis-
sants du jour ; autre conclusion. bien fran-
çaise : Arrêté pris interdisant le transport de la
viande abattue A UNE DISTANCE DE PLUS DE
2 KILOMÈTRES DE PAPEETE.
Sans commentaires non plus.
Un colon français, possédait un motor-ship
assurant un service interinsulaire. Même cause
que précédemment. Le navire fut retenu 6 se-
maines au port ; un procès dut s'ensuivre.
Etc. etc.
Voilà quelques rapides aperçus de la « li-
berté » en Océanie ; voilà ce que la haine culti-
véc fait éclore. Etre pour les maîtres ou ne
pas être.
Nous laisserez-vous retourner à une époque
que nous pensions révolue depuis 1789 ?
Et voyez, Monsieur le Ministre des Colonies,
nous n' osons même pas signer, malgré notre
fierté de citoyens français qui vinrent s'établir
ici avec une foi coloniale intense ; nous serions
à coup sûr en proie aux mêmes tracasseries si
l'ON apprenait que nous osons en appeler à
votre justice. Nous avons assez de la haine, de
la terreur qui règnent en Océanie. Mille faits
ont été publiés par les journaux, en des livres;
ils sont inférieurs à la vérité.
Monsieur le Ministre, nous vous prions
d'être assuré que nous croyons quand même en
la France.
Quelques Français de Papeete.
———————— ) .+. ( ————————
Les travaux du Haut comité
méditerranéen
La séance du Haut Comité, hier matin, a
été présidée par M. Léon Blum, président du
Conseil.
La première séance, mardi, avait été consa-
crée à l'examen des exposés du Gouverneur
général Le Beau, sur l'Algérie, du Résident
général Noguès sur le Maroc, et des représen-
tants de MM. Guillon et de Martel sur la Tu-
nisie et la Syrie.
Les débats se sont poursuivis, mercredi et
hier.
La discussion a porté sur le fonctionnement
et la compétence du haut comité lui-même et
sur la liaison nécessaire à établir entre les di-
vers organismes s'occupant des questions mu-
sulmanes.
Elle a également porté sur l'examen des
grands courants d'opinion dans l'Islam nord-
africain, et sur la situation des indigènes nord-
africains eh France.
Des mesures à ce sujet ont été proposées. La
mise au point en a été confiée à une commis-
sion dont la composition sera prochainement
fixée.
Cette séance d'hier a été ainsi presque en-
tièrement consacrée à l'étude des divers pro-
blèmes posés par l'afflux sans cesse croissant
de l'élément nord-africain en France, et no-
tamment par le problème de la main-d'œuvre.
Des exposés ont été faits successivement par
MM. Viollette, Moutet, Le Beau, le général
Noguès et le général Huré qui représentait le
ministre de la défense nationale.
M. Léon Blum a résumé le débat et en a tiré
les conclusions.
La séance de ce matin sera consacrée au
vote des assemblées indigènes.
Demain, à l'hôtel Matignon, M. Blum of-
frira un déjeuner en l'honneur des membres du
Haut Comité.
M. Bergery
devant l'A. E. F.
Nous avions lu, de M. Gaston Bergery, à
la suite de son voyage l'été dernier en A.E.F.,
quelques articles dans la Flèche : un livre était
annoncé, qui devait contenir ses idées sur l'A.-
E.F. Ce livre a paru, Air-Afrique. Ne l'ayant
pas encore reçu, nous étions curieux de con-
naître, sur leur plan d'ensemble, les idées de
l'auteur, et l'occasion nous en a été donnée
hier, au Groupement populaire d'Action colo-
nisatrice. grâce à une conférence.
M. Bergery s'est adressé à des jeunes. Quel
plus bel auditoire ? Il y avait quelques jeunes
filles. L'ensemble était d'esprit révolutionnaire,
au sens noble du terme. Et l'orateur a fort bien
insisté sur celte révolution qui lui parait indis-
pensable, si la France a le désir que ses colo-
nies vivent, se fortifient et prospèrent.
Nous demeurerons reconnaissant à M. Ber-
gery d'avoir, in fine, affirmé que si son fils, le
jour venu, le consultait sur le choix de sa car-
rière, il lui enseignerait la grandeur de la car-
rière coloniale. C'est un excès d'amour, auquel
nous nous attachons passionnément, parce qu'il
nous indique, chez l'un des chefs politiques de
ce pays, que Vidée coloniale conquiert, plus
encore que le cœur, l'intelligence.
Les idées de M. Bergery sont nôtres. Sur
l'indispensable développement de l'aviation —
sur l'équipement à la colonie de l'aoiation sa-
nitaire — sur la lamentable insuffisance en
nombre des médecins — il nous faut de plus
des infirmiers, des infirmières, des accoucheu-
ses indigènes — sur les sociétés cotonnières
dont nous avons naguère écrit qu'elles prati-
quaient un criminel maquereautage, en interdi-
sant aux noirs le libre développement de leur
race, sur la qualité des Administrateurs, qui
doit de plus en plus être recherchée à l'Ecole
Coloniale, sur l'impuissance à se proposer, ou
à se vendre, du produit manufacturé français,
l'opinion de M. Bergery rejoint ce qu'obsti-
nément, dans notre faible sphère, nous expo-
sons, critiquons, ou défendons.
Nous sommes heureux — enfin ! — qu'un
homme politique ait vu juste, avec une éton-
nante précision, avec une hauteur de vues re-
marquable, et que la critique de l'A.E.F.
n'ait point effacé en lui l'amour des réformes
à faire. Nous ne lui adressons qu'une critique :
à propos des bois. Non pas parce qu'il s'est
affirmé tennemi de la forêt, mais parce que le
problème forestier lui a échappé. Il s'agit là
d'une simple mise au point, qui sera facilement
faite.
Nous regardions, tendue vers l'orateur, cette
extrême jeunesse. Elle découvrait des horizons,
elle obéissait à cette magie des tâches humai-
nes de demain, séduite par l'instinct de la jus-
tice, et par l'attrait de l'équilibre : M. Bergery,
-entre beaucoup qui furent en A.E.F., n'est pas
ltrl négatif. Il entend construire.
Comment ses tentatives ne seraient-elles pas
ici suivies ?
) 1(
L'Espagne n'abandonnera
pas le Maroc
L'envoyé spécial du Temps en Espagne
gouvernementale a été reçu à Valence par
M. Largo CabaUero, président du Conseil.
M. Largo Caballero a déclaré à M. Jac-
ques Berthet « A propos du Maroc, je peux
aire que quelles que soient les déceptions
qu'il nous a apportées, il n'est pas question
pour nous, en aucune façon, d'abandonner
notre mandat sur lui. »
Le président du Conseil a ajouté qu'il en-
visageait de recourir à une coopération in-
ternationale, mais uniquement sur le plan
économique, pour la mise en valeur de ce
Protectorat. (De cette collaboration seropt
naturellement exclus l'Italie, l'Allemagne
le - Portugal. --
La ruée
Les Colonies devant Genève
Lundi et mardi se sont développés à Genève
les débats du Comité international d'études de
la répartition des matières premières.
Nous avions annoncé la réunion de ce Co-
mité, et relevé les craintes que nous formu-
lions à son endroit. Nous écrivions notamment
que les revendications coloniales pouvaient oc-
cuper largement la scène politique, mais que ces
ambitions avaient surtout une raison d'être :
en éprouvant ia résistance des « possédants »
donner aux « postulants » de fermes espoirs,
en même temps que les faire patiemment at-
tendre.
Le travail de coulisse, le travail d'ombre, est
bien plus dangereux. Il s'exprime aujourd' hui
à propos de la répartition des matières premiè.
res. Certains peuples, qui étouffent dans leur
démographie, comme naguère nos grand'mères
dans leur corset, font entendre que l'expansion
coloniale pourra seule les empêcher d'éclater.
Comme si des millions d'Européens pouvaient
être jetés sur des terres encore primitives, comme
si le nombre, la passion et l'énergie pouvaient
créer la vie, et non pas les capitaux, et non
pas l'organisation sociale, et non pas le temps !
A
L'assaut de Genève a été savamment conduit.
Après que le délégué anglais — Sir Frederik
Ijeith Ross — eut exprimé son doute quant
à la possibilité de céder un pouce de territoire
colonial, le délégué du Nippon, M. Shudo,
proposa d'appliquer à l'enaemble des territoi-
res coloniaux un régime analogue à celui du
bassin conventionnel du Congo.
M. Adam Rose, délégué polonais, brandit
l'argument de la démographie. Il eut cepen-
dant l'habileté de se cantonner dans le domaine
financier, et d'envisager l'achat des matières
premières par l'organisation d'un crédit inter-
national. Deux créations seraient nécessaires :
un sous-comité financier, un sous-comité colo-
nial. A border la question par une voie détour-
née est assez sous le commandement de la men-
talité polonaise.
Le délégué de l'Union Sud-Africaine, Sir
Henry Strakosh, le délégué de la Tchécoslo-
vaquie, M. Pospisil, le délégué des Etais-
Unis, M. Henry F. Grady, et enfin celui de
la Belgique, M. Max Léo Gérard n'apportè-
rent au débat que leur bonne volonté. Du côté
américain, cependant, une opinion formelle :
les clearings sont le plus important obstacle aux
échanges internationaux.
Avant le délégué du Brésil, M. Muniz,
le délégué français, M. Maurette, sous-direc-
teur du Bureau International du Travail, ex-
prima timidement son opinion : les cessions de
territoires, ou leur internationalisation, ne modi-
feraient en rien la circulation dans le monde
des matières premières.
Le lendemain, 10 mars, prirent la parole
M. Stucki (Suisse) et Rosenblum (U.R.S.S.).
M. Avenol, secrétaire général de la S.D.N.,
au cours de la séance de l après-midi, fixa le
programme des travaux, ainsi que la procédure.
On se souviendra que le délégué de la
France était M. Charles Rist. Cette éminente
personnalité financière fut appelée, avant que
la Conférence s'ouvrît, à résoudre des questions
plus urgentes.
Le problème colonial international vient
d'être enfin posé à Genève. Les questions pré-
liminaires sont désormais livrées, non pas à l'at-
tention du monde, mais à ses ambitions. Durant
leurs joutes oratoires, les économistes prépa-
reront les chausses-trappes des matières pre-
mières.
A nous de veiller, et de lutter sur ces deux
fronts.
Une réforme qui s'impose
L'élargissement de la représentation
de l'Indochine au Parlement
par Louis Pargoire.
Une fois le suffrage universel rénové en
Indochine par la concession de l'électorat à
tous les indigènes cultivés et par l'extension à
tout la territoire, sans distinction d' administra-
tion directe ou de protectorat, du droit d'être
représenté au Parlement, ce qui semble néces-
saire et imminent, il resterait à ifxer les moda-
lités de cette représentation.
Première question à résoudre : doit-on ac-
corder aux électeurs sujets français une repré-
sentation spéciale ou les englober dans le col-
lège électoral français ?
Personnellement, je me déclare nettement en
faveur de cette deuxième solution, et cela pour
des raisons de principe et de pratique.
La réforme électorale préconisée doit être
un pas en avant vers la fusion, l'incorporation
effective des autochtones dans la grande fat-
mille française.
Toute l'histoire de la colonisation se ré-
sume dans un fait : le rapprochement réel, ma-
tériel, de deux pays par le raccourcissement du
temps nécessaire pour communiquer entre eux,
et le rapprochement intellectuel et moral de
deux populations par un échange constant de
marchandises, de services, de conceptions et de
sentiments.
Or l'Indochine, qui était en 1860 à six
mois de Marseille, en est maintenant à sept
jours pour les personnes, deux heures pour les
idées. Marseille elle-même, au temps de
Louis XI, était moins proche de Paris.
Il est naturel, il est conforme aux lois de
l'histoire que la multiplicité et la rapidité des
communications nivellent les civilisations, uni-
fient les peuples.
Quelques timorés objecteront : « Eh quoi !
si les indigènes votent avec les Français, ceux-
ci, étant en minorité, seront fatalement évincés
des compétitions électorales ! »
Cette perspective ne comporte en soi rien de
particulièrement attristant. Il semblerait même
assez normal que les représentants de l'Indo-
chine fussent des Indochinois de naissance.
De toute façon, la France, qui s'est faite de
tous temps le champion de 1 égalité des races
et y a finalement trouvé son compte, se doit de
ne pas distinguer entre ceux de ses enfants
qu'elle reconnaît aptes à exercer des droits po-
litiques. Pour s'être montrés moins démonstra-
tifs que les populations de l'Afrique du Nord,
les sujets et protégés français d'Indochine ne
doivent pas- être plus défavorablement traités.
Comme, du reste, le rappelait ici même tout
dernièrement M. Mario Roustan, nous avons
eu deux sous-secrétaires d'Etat de couleur, et
ils ne se sont pas révélés inférieurs, je ne dis
pas à la plupart de leurs prédécesseurs, os qui
serait peu, mais a leur tache, ce qui est beau-
coup. Leur patriotisme, leur sens de l'empire
n'ont jamais failli.
Au surplus, ayant vécu ds très longues an-
nées en terre d'Annam et connaissant, je crois.
assez bien l' esprit qui y règne, tant du côté
asiatique que du côté européen, je ne pense
pas que les élections s'y fassent jamais sur une
question de races.
En Cochinchine notamment, la dépression
XééseUtn & Aimini*tr*ti»n :
16 am de la Boum
PARIS <20
TÉL. t RICHELIEU Va OW
(2 lignes grolll'Eea)
38e ANNEE.—N°20
VENDREDI (13 h. 40) 12 MARS 1937
Les Annales Coloniales
Q
fondateur : Marcel RUEDEL
Directeur 1 Raoul MONMARSON
ilemmEntaTs
MM la Ram inudr*:
Va u 4 Mal* ttUU
Franot et
Caltnias 180 » 1M » H'
Etranger.. 24h 1259 7i»
Le Numéro : 30 centimes
On s'abonne sans frais dans
tous les bureaux de poste.
Le nouveau visage
-, de l'Afrique
VIII. — La Guinée, côté jardin
par Raoul Monmarson.
en mer, 20 février.
Il y a trente ans, à Paris, dans une innocente
boutique de la rue Saint-Denis, à l'angle de la
rue Turbigo, la banane de Guinée se vendait
fort modestement. Quelques kolas, violettes
comme les bajoues d'un dindon en colère, mé-
ditaient dans deux ou trois bocaux. Parfois un
ananas, mêlé à l'odeur de bonbon anglais : la
Camaysnne se défendait comme elle le pouvait.
La guerre la chassa de sa médiocre boutique.
Mais elle avait donné le ton. La Guinée sem-
bla, grâce à elle, promise à de hautes destinées.
La banane paraissait avoir trouvé, entre Kindia
et la côte, sa terre d'élection. Une armée de
braves gens subit ainsi la folie du jour, et se
mit. à gros frais d'installation, avec des mobili-
sations de capitaux hors de propos avec cette
matière pauvre à créer, à « faire de la ba-
nane ».
La Guinée n'avait point de routes. Elle
n'avait été, à aucun moment, préparée à jouer
un rôle actif. Il semblait qu'elle avait été en ef-
fet conservée, par un administrateur scrupuleuse-
ment neutre, dans sa position de serre molle et
chaude, piquetée de cocotiers romantiques, pour
servir de diorama dans les expositions, ou de
toile de fond aux touristes éventuels. Elle était
la « colonie », inutile, pittoresque et coûteuse.
L'Hôtel Dubot, le fameux baobab du port, et
les avenues rectilignes, toutes coupées à angle
droit, à l'américaine, suffisaient à charmer pen-
dant quelques instants d'escale la race de ceut
qui allaient travailler dans les colonies du Sud.
Les planteurs de banane modifièrent ce décor
de théâtre. Un esprit nouveau s'affirmait. La
Guinée allait êfaz enfin dotée d'un produit
d'exportation 1 Cela valait bien un monument
commémOratif : on édifia, sur le terre-plein d'un
port rachitique, ce frigorifique imposant où
oncques n'entra la banane, et qu'il est même
impossible de transformer en bureaux, à moins
de frais considérables.
Mais la banane existe. Elle représente aujour-
d'hui des capitaux considérables. Par voie de
conséquence, elle a entraîné la construction- du
port, et elle a permis au chemin de fer, pauvre
en matériel, peu préparé à jouer un rôle écra-
sant, de donner la mesure de son habileté et de
son activité. La ville s'est légèrement dévelop-
pée : elle est totijours aussi jolie. Nous avons,
eu l'honneur, piloté par le général Denain, de
la survoler longuement. Nous l'avons ainsi com-
prise, et nous sommes toujours disposé à l'ai-
mer.
Cela d'autant plus qu'avant-hier, après la gri-
saille si délicate de la Chambre de commerce,
nous eûmes l'occasion de connaître les deside-
rata de la Chambre d'agriculture. Il y a là des
hommes qui savent ce qu'ils veulent et ce pour-
quoi, âpremenl, ils luttent. Presque. des colons.
Entendons-nous : à côté de beaucoup qui sont
venus ici avec de l'argent dans leurs chausses,
quelques-uns sont partis du point mort, de zéro.
Ils ont lutté. Ils n'ont pas triomphé encore. Mais
c'est justement parce qu'à notre sens la banane
de Guinée nous paraît bien compromise que la
métropole se doit formellement de la soutenir,
et presque de la sauver.
*00
On nous dira aisément qu'un produit contraint
de recourir à des mesures de protection est un
produit en péril de mort. Nous le croyons.
Parce que nous pensons que la banane n'a pas,
en Guinée, sa terre d'élection. Lorsque la Cote
d'Ivoire, et le Cameroun — où s'eg installée la
Fyffe, qui connaît les meilleurs secteurs — ont
entrepris de faire à leur tour de la banane, la
Guinée a tremblé sur sa base. Elle assiste à ce
spectacle décevant de navires bananiers, naguère
spécialement construits à son intention, et qui la
délaissent en partie pour charger dans le Sud.
De ce fait, la production guinéenne n'est plus
évacuée en totalité. De plus les frets sont éle-
vés, il se produit une sorte de chantage, ag-
gravé par un laisser-aller général. qui place le
producteur dans une position délicate : il cou-
drait qu'une sorte de commission des frets fût
créée, capable de réaliser en cette matière si
délicate, et vitale pour le produit, l'arbitrage
obligatoire.
Si la question du transport peut être résolue
par les simples voies de la discussion, il est un
péril extrêmement grave dont l'Afrique entière,
du Nil au Congo, du Niger aux grands lacs, est
menacée : les sauterelles. Nous les avons, dans,
toute l'Afrique, trouvées sur notre route, au Ma-
roc il y a vingt ans, en Oubangui-Chari, au
Tchad, au Niger, et dernièrement en vols pres-
sés, compacts, actifs, durant que de la Cote
d'Ivoire nous descendîmes vers Conakry. LIns-
titut International d Agriculture, à Rome, s oc-
cupe de la question, et nous croyons qu'il a pro-
posé une solution, grâce aux heureuses recher-
ches de la science. Quoi qu'il en coûte, il est
urgent, il est vital de lutter contre ce fléau.
L'avion, la T.S.F., la chimie devraient colla-
borer. Il faudrait surtout que l'entente interna-
tionale, au moins sur ce terrain, fût, pour une
fois, réafrsée.
La banane, enfin, s'aperçoit que la forêt lui
est indispensable, que le déboisement est une
œuvre criminelle, et que le régime des eaux est
toujours dépendant du régime forestier. Il fau-
drait donc donner au chef du service des Eaux
et Forêts de la Guinée, M. Rouvin, si pas-
sionné, si actif, les moyens el l'autorité de
poursuivre son œuvre contre les feux de brousse.
L'indigène est possédé d'une rage inconcevable,
lorsque la torche à la main il réalise sciemment
la ruine de son pays. Des mesures administra-
tives rigoureuses pourraient intervenir à bref dé-
lai, et nous ne doutons pas, sur ce point, de
l'empressement que le gouverneur, M. Blacher,
apportera à les édicter.
**•
D'autres questions furent soulevées, comme
celle du fonds spécial de la banane, du crédit
agricole, de certains services publics. Devant
le transport, l'acridien et le déboisement, ces
questions s'effacent légèrement. La discussion
fut ardente : l'accord absolu ne règne point. On
connaît d'ailleurs, pour F avoir dénoncé dans ce
journal, tout le mal que se sont fait à eux-mê-
mes tous les syndicats de planteurs de banane en
Guinée : dissidents, conformistes, dissidents des
dissidents, les uns combattant les autres, les
contredisant. neutralisant leur action. Une Ad-
ministration a beau jeu, d'utiliser les divisions,
les rivalités, pour ne rien faire. Ce n'est pas
maintenant le cas, mais quelle tâche ingrate et
difficile, au cours de laquelle l'honneur du de-
voir accompli n'est pas toujours atteint !
*%
Ainsi, cahin-caha, vont les planteurs de Gui-
née. Ils ont chaussé des bottes trop lourdes
pour eux, des bottes qui ne sont pas faites pour
le pays. Il faut donc les aider à marcher. Mais,
pour cela, qu'ils coordonnent donc leurs mouve-
ments, qu'ils collaborent entre eux comme avec
l'Administration i La cie est un fardeau suffi-
samment pesant pour qu'on ne s'amuse point à
l'alourdir par de futiles et vains objets !
L'arbitrage des frets, la lutte anti-acridienne,
la répression des feux de brousse poursuivie en
même temps que le reboisement, tels nous pa-
raissent être les trois points capitaux qu'il con-
vient d'étudier de suite afin d'apporter à ces
planteurs l'aide vitale dont ils ont le plus pres-
sant besoin. Pas plus qu'eux, nous n'avons le
désir de sanctionner la lourde faillite d'une ex-
périence mal appropriée à cette colonie.
L'énergie passionnée des humains a toujours
eu raison de la nature, même lorsque les cota-
clysmes les ont combattus. Il n'est pas de rai-
son pour que la Guinée ne triomphe pas, dès
l instant où elle aura réglé les incidences admi-
nistratives ou techniques qui la gênent si nette-
ment aujourd' hui.
Raoul Monimarson.
(1) Yair les Annules Coloniales des 29 janvier,
5, 23, 20 févreir, 2, 5 et 9 mars
Au Ministère des Colonies
Le nouveau directeur
des Services militaires
- Le' général de division Verdier, de l'état-
major général des troupes coloniales, membre
du, ,comité consultatif de défense des colonies,
est nommé directeur des services militaires au
ministère en remplacement du général de divi-
sion Rinck, remis à la disposition du ministre
de la guerre.
Création d'un corps d'infirmières
coloniales
Nous avions annoncé le 29 janvier le désir
que le ministre des Colonies avait maintes fois
exprimé de procéder à la création d'un corps
d'infirmières coloniales.
Ce projet est aujourd'hui réalisé. En effet,
M. Marius Moutet vient de soumettra à lia si-
gnature du président de là République le dé-
cret qui organise ce nouveau cadre.
La constitution de ce corps unique d'infir-
mières et de sages-femmes sera recruté sur ti-
tres et nommé par arrêtés ministériels. Il limite
les inconvénients qui résultaient du manque de
statuts pour le personnel 'et complète utilement
1 armement sanitaire de nos colonies.
M Guillon revient à Paris
Ayant dû quitter précipitamment Paris, où
il venait d'arriver, samedi après-midi, pour aller
à Metlaoui arbitrer le sanglant conflit des mines
de phosphates, M. Guillon, Résident général
en Tunisie, maintenant que le calme semble
rétabli, revient à Paris.
Avec sa suite, il a quitté Tunis hier par
1 hydravion postal et arrivera demain matin. Il
va pouvoir prendre part aux dernières réunions
du Haut Comité méditerranéen.
l'or de l'A. E. F.
s'affirme de plus en pins
Les sorties d'or de VA.E.F. ont été (en
kilogs) de 59,732 en javier (0,500 en ;an,¿.ier
1956) et de 46,700 en février (25.655 en +,;-
Trier 1936). soit pour les deux premiers mois
de cette année 106 k gs 432 contre 26 kilo-
grammes 155 pour les deux premiers mois
de 1936.
Ainsi se confirment les espoirs que quel.
ques p-ionniers de l'A.E.F. ont placés dans
le Mayamba, après que les gisements de l'Ou-
bangui-Chari eurent cristallisé les recherches
européennes.
Ajoutons que l'A.E.F. a exporté en jan-
vier 456 carats de diamant.
Colonisation juive
ES Annales Coloniales
ont annoncé que le mi-
nistère des Colonies
étudiait un projet de
colonisation juive. J'aî
quelque idée que cer-
tains de nos lecteurs
en ont éprouvé une
certaine surprise.
On se figure, en ef-
fet, assez volontiers,
que la question juive
n'existe guère en dehors de l'Allemagne où le
chancelier Hitler traite les Israélites de la façon
que l'on sait. D'autre part, on éprouve quelque
scepticisme sur leurs aptitudes colonisatrices. Ce
sont là des façons de voir 'peu conformes à la
réalité.
La question juive n'est malheureusement pas
résolue. En Europe orientale, il est deux pays où
elle se pose avec acuité. Ce sont la Pologne et la
Roumanie.
En Roumanie, sous l'influence chaque jour
croissante de la propagande nazie, le gouverne-
ment se prépare à prendre contre les Israélites
des mesures qui ne tendent rien moins qu'à les
priver du droit de citoyen et à les exclure des
professions libérales, commerciales et industriel.
les. Ce sont quelques centaines de mille citoyens
qui sont menacés de perdre leurs moyens d'exis-
tence, et se verront sous peu obligés de fuir
leur pays.
En Pologne, la situation est politiquement dif-
férente, mais des raisons d'ordre démographique
interviennent qui doivent aboutir à un résultat
qui ne sera pas différent, c'est-à-dire à l'exode
d'une importante fraction des éléments juifs.
A Genève, le 6 décembre dernier, le délégué de
la Pologne, M. Komarnicki, déclarait: « La Po-
logne est surpeuplée, une émigration massive des
juifs polonais est pour elle une nécessité vitale. La
Pologne comptant une importante population jui-
ve désire voir maintenir dans sa plénitude le rôle
de la Palestine en tant que foyer national juif.
Cependant, la Palestine ne saurait suffire, et la
Société des Nations doit s'occuper activement de
la recherche, de par le monde, d'autres terrains de
colonisation pour l'émigration juive. »
Voilà donc le problème posé.
Mais on peut se demander si le juif a le tempé-
rament colonisateur. L'exemple de ce qui s'est
passé en Palestine depuis la fin de la guerre sug-
gère une réponse affirmative. Dans la déclaration
qu'il a faite à la presse le 16 janvier, M. Moutet
note avec satisfaction « que les Israélites peuvent
constituer des éléments sérieux pour la colonisa-
tion. Ils sont parfaitement aptes au travail agri-
cole qui est la base de toute entreprise colonisa-
trice. Ils en ont d'ailleurs donné la plus remarqua-
ble preuve en Palestine. »
C'est exact. Seulement, peut-être ne serait-il
pas inutile de remarquer que l'assimilation de la
Palestine avec les territoires susceptibles de rece-
voir les nouveaux colons ne doit pas être pous-
sée trop loin. Les pays du Jourdain ne sont pas
absolument comparables pour plusieurs raisons
avec Madagascar, la Nouvelle-Calédonie et la
Guyane. Le milieu géographique et moral n'est
pas tout à fait le même. Il existe des différences
que l'on ne saurait contester ni passer sous si-
lence.
Mais elles ne sont pas telles qu'elles rendent
impossible, ou même simplement imprudent, l'éta-
blissement des Israélites dans ces pays-là.
L'expérience, en tous cas, mérite d'être faite.
Elle peut réussir. Seulement, il faut en limiter
l'étendue et la préparer avec soin sFon ne veut
pas s'exposer à un échec et à de douloureux en-
nuis.
Le ministre des Colonies l'a bien compris quand
il a mis les protagonistes de ce mouvement en
garde contre les illusions et les espoirs excessifs.
Il faut, a-t-il dit, choisir les pays où l'on se pro-
pose de réaliser cet essai de colonisation. Il faut
faire des enquêtes préalables sérieuses. Enfin, il
est nécessaire de réunir les moyens financiers né-
cessaires. C'est un langage plein de sagesse. Ces
conditions ne sont certes pas impossibles à réa-
liser, d'autant que l'administration française n'y
est pas hostile. Elle y est même favorable. Elle a
raison d'adopter cette attitude. Fait avec pru-
dence, ce qui ne signifie pas avec timidité, cet
essai, à notre sens, ne peut qu'être heureux pour
nos possessions coloniales, en même temps qu'il
apportera une solution partielle mais utile à un
délicat problème de démographie européenne.
Henry Fontanier.
Ancien IUpUM,
Agrégé de l'Université
——————— ) -.- ( ———————
M. Alexandre Varenne
en Indochine
Pendant son séjour à Hanoï, M. Alexan-
dre Varenne, ancien Gouverneur général de
l'Indochine, délégué du Tonkin au Conseil
supérieur de la France d'outre-mer, a eu
de longs entretiens avec le Gouverneur gé-
néral Brevié, au cours desquels les deux
interlocuteurs ont constaté leur communau-
té de vues sur les solutions qu'il convient
d'apporter aux problèmes politiques écono-
miques et sociaux de l'heure présente.
Hier soir, au cours d'un dîner qui a réuni
autour de lui un grand nombre de ses attns
français et annamitest M. Alexandre Va-
renne a prononcé une allocution chaleureu-
sement applaudie. Après avoir expliqué la
raison pour laquelle il avait désiré ce man-
dat « Servir encore l'Indochine », il a sou.
ligné l'indissolubilité des liens qui unissent
la colonie et la métropole et il a rappelé
qu'à l'heure où la politique de la France
s'affirme de. plus en plus généreuse, il n'est
de travail fécond que dans l'ordre. Il a ter-
miné. en exprimant sa confiance dans le des-
tin de l'Indochine qui trouvera « en le chef
éminent qu'est le Gouverneur général Ere.
vié un animateur et un guide à la hauteur
de toutes les circonstances ».
■ ) -.- ( -
Au Conseil privé
de la Guyane
Le mandat de conseiller privé du gouverne-
ment de la Guyane de MM. Roland Beauroy
et Louis Castex, conseillers privés titulaires;
Eugène Tecle et Jean-Baptiste Bouygues, con-
seillers privés suppléants a été renouvelé pour
deux ans, à compter du 1er juin prochain.
L'Océanie française
■ sous la terreur
Lettre ouverte à M. Marius Moutet,
ministre des Colonies
Un groupe de lecteurs de Papeete nous prie
de publier cette lettre ;
Monsieur le Ministre,
Nous savons, vous avez les oreilles rebattues
des étranges histoires coloniales issues des Eta-
blissements français d'Océanie. Nous n'y re-
viendrons pas puisqu'en moins de trois ans nous
connûmes trois gouverneurs plus un gouverneur
p. i., ce qui semblerait démontrer que nous ne
nous alarmâmes pas à tort.
Nous résumerons simplement quelques faits
récents très courts :
Un homme, un colon français, que nous
n'avons pas à juger, a fait une admirable pro-
pagande coloniale française. Il loua une île sa-
bleuse déserte, Chrisbnas, au gouvernement
britannique. Il y planta quelques centaines de
milliers de pieds de cocotiers pour y récolter
du coprah. 90 des travailleurs recrutés pour
œuvrer sur cette plantation demandent à y re-
tourner. Les 7 à 8.000 francs gagnés durant
leur séjour sont dépensés à Tahiti.
„2 Ce colon - français n' a pas l'heur de plaire
aux puissants du jour ; voici la conclusion. bien
française : Journal officiel des Etablissements
français d'Océanie, n° du 16 août 1936, p. 470.
arrêté n0 72 « .Article 23. - Tout recrutement,
dans la colonie, de travailleurs hommes ou fem-
mes, pour des entreprisas ou exploitations situées
en territoires étrangers, EST .FORMELLEMENT IN-
TERDIT. Signé : H. Sautot. »
Nous croyons inutile de commenter. il y a
4.000 Chinois en Océanie française.
Un colon français (il jouirait de plus grandes
faveurs s'il était d'une autre nationalité, jaune
par exemple) possède un important cheptel à
10 kilomètres de Papeete. Ses bêtes, à demi-
sauvages, en liberté sur un domaine de 6.000
hectares, sont abattues à coups de fusil et ravi-
taillent en grande partie notre petite capitale
en viande de boucherie.
Ce colon n' a pas l'heur de plaire aux puis-
sants du jour ; autre conclusion. bien fran-
çaise : Arrêté pris interdisant le transport de la
viande abattue A UNE DISTANCE DE PLUS DE
2 KILOMÈTRES DE PAPEETE.
Sans commentaires non plus.
Un colon français, possédait un motor-ship
assurant un service interinsulaire. Même cause
que précédemment. Le navire fut retenu 6 se-
maines au port ; un procès dut s'ensuivre.
Etc. etc.
Voilà quelques rapides aperçus de la « li-
berté » en Océanie ; voilà ce que la haine culti-
véc fait éclore. Etre pour les maîtres ou ne
pas être.
Nous laisserez-vous retourner à une époque
que nous pensions révolue depuis 1789 ?
Et voyez, Monsieur le Ministre des Colonies,
nous n' osons même pas signer, malgré notre
fierté de citoyens français qui vinrent s'établir
ici avec une foi coloniale intense ; nous serions
à coup sûr en proie aux mêmes tracasseries si
l'ON apprenait que nous osons en appeler à
votre justice. Nous avons assez de la haine, de
la terreur qui règnent en Océanie. Mille faits
ont été publiés par les journaux, en des livres;
ils sont inférieurs à la vérité.
Monsieur le Ministre, nous vous prions
d'être assuré que nous croyons quand même en
la France.
Quelques Français de Papeete.
———————— ) .+. ( ————————
Les travaux du Haut comité
méditerranéen
La séance du Haut Comité, hier matin, a
été présidée par M. Léon Blum, président du
Conseil.
La première séance, mardi, avait été consa-
crée à l'examen des exposés du Gouverneur
général Le Beau, sur l'Algérie, du Résident
général Noguès sur le Maroc, et des représen-
tants de MM. Guillon et de Martel sur la Tu-
nisie et la Syrie.
Les débats se sont poursuivis, mercredi et
hier.
La discussion a porté sur le fonctionnement
et la compétence du haut comité lui-même et
sur la liaison nécessaire à établir entre les di-
vers organismes s'occupant des questions mu-
sulmanes.
Elle a également porté sur l'examen des
grands courants d'opinion dans l'Islam nord-
africain, et sur la situation des indigènes nord-
africains eh France.
Des mesures à ce sujet ont été proposées. La
mise au point en a été confiée à une commis-
sion dont la composition sera prochainement
fixée.
Cette séance d'hier a été ainsi presque en-
tièrement consacrée à l'étude des divers pro-
blèmes posés par l'afflux sans cesse croissant
de l'élément nord-africain en France, et no-
tamment par le problème de la main-d'œuvre.
Des exposés ont été faits successivement par
MM. Viollette, Moutet, Le Beau, le général
Noguès et le général Huré qui représentait le
ministre de la défense nationale.
M. Léon Blum a résumé le débat et en a tiré
les conclusions.
La séance de ce matin sera consacrée au
vote des assemblées indigènes.
Demain, à l'hôtel Matignon, M. Blum of-
frira un déjeuner en l'honneur des membres du
Haut Comité.
M. Bergery
devant l'A. E. F.
Nous avions lu, de M. Gaston Bergery, à
la suite de son voyage l'été dernier en A.E.F.,
quelques articles dans la Flèche : un livre était
annoncé, qui devait contenir ses idées sur l'A.-
E.F. Ce livre a paru, Air-Afrique. Ne l'ayant
pas encore reçu, nous étions curieux de con-
naître, sur leur plan d'ensemble, les idées de
l'auteur, et l'occasion nous en a été donnée
hier, au Groupement populaire d'Action colo-
nisatrice. grâce à une conférence.
M. Bergery s'est adressé à des jeunes. Quel
plus bel auditoire ? Il y avait quelques jeunes
filles. L'ensemble était d'esprit révolutionnaire,
au sens noble du terme. Et l'orateur a fort bien
insisté sur celte révolution qui lui parait indis-
pensable, si la France a le désir que ses colo-
nies vivent, se fortifient et prospèrent.
Nous demeurerons reconnaissant à M. Ber-
gery d'avoir, in fine, affirmé que si son fils, le
jour venu, le consultait sur le choix de sa car-
rière, il lui enseignerait la grandeur de la car-
rière coloniale. C'est un excès d'amour, auquel
nous nous attachons passionnément, parce qu'il
nous indique, chez l'un des chefs politiques de
ce pays, que Vidée coloniale conquiert, plus
encore que le cœur, l'intelligence.
Les idées de M. Bergery sont nôtres. Sur
l'indispensable développement de l'aviation —
sur l'équipement à la colonie de l'aoiation sa-
nitaire — sur la lamentable insuffisance en
nombre des médecins — il nous faut de plus
des infirmiers, des infirmières, des accoucheu-
ses indigènes — sur les sociétés cotonnières
dont nous avons naguère écrit qu'elles prati-
quaient un criminel maquereautage, en interdi-
sant aux noirs le libre développement de leur
race, sur la qualité des Administrateurs, qui
doit de plus en plus être recherchée à l'Ecole
Coloniale, sur l'impuissance à se proposer, ou
à se vendre, du produit manufacturé français,
l'opinion de M. Bergery rejoint ce qu'obsti-
nément, dans notre faible sphère, nous expo-
sons, critiquons, ou défendons.
Nous sommes heureux — enfin ! — qu'un
homme politique ait vu juste, avec une éton-
nante précision, avec une hauteur de vues re-
marquable, et que la critique de l'A.E.F.
n'ait point effacé en lui l'amour des réformes
à faire. Nous ne lui adressons qu'une critique :
à propos des bois. Non pas parce qu'il s'est
affirmé tennemi de la forêt, mais parce que le
problème forestier lui a échappé. Il s'agit là
d'une simple mise au point, qui sera facilement
faite.
Nous regardions, tendue vers l'orateur, cette
extrême jeunesse. Elle découvrait des horizons,
elle obéissait à cette magie des tâches humai-
nes de demain, séduite par l'instinct de la jus-
tice, et par l'attrait de l'équilibre : M. Bergery,
-entre beaucoup qui furent en A.E.F., n'est pas
ltrl négatif. Il entend construire.
Comment ses tentatives ne seraient-elles pas
ici suivies ?
) 1(
L'Espagne n'abandonnera
pas le Maroc
L'envoyé spécial du Temps en Espagne
gouvernementale a été reçu à Valence par
M. Largo CabaUero, président du Conseil.
M. Largo Caballero a déclaré à M. Jac-
ques Berthet « A propos du Maroc, je peux
aire que quelles que soient les déceptions
qu'il nous a apportées, il n'est pas question
pour nous, en aucune façon, d'abandonner
notre mandat sur lui. »
Le président du Conseil a ajouté qu'il en-
visageait de recourir à une coopération in-
ternationale, mais uniquement sur le plan
économique, pour la mise en valeur de ce
Protectorat. (De cette collaboration seropt
naturellement exclus l'Italie, l'Allemagne
le - Portugal. --
La ruée
Les Colonies devant Genève
Lundi et mardi se sont développés à Genève
les débats du Comité international d'études de
la répartition des matières premières.
Nous avions annoncé la réunion de ce Co-
mité, et relevé les craintes que nous formu-
lions à son endroit. Nous écrivions notamment
que les revendications coloniales pouvaient oc-
cuper largement la scène politique, mais que ces
ambitions avaient surtout une raison d'être :
en éprouvant ia résistance des « possédants »
donner aux « postulants » de fermes espoirs,
en même temps que les faire patiemment at-
tendre.
Le travail de coulisse, le travail d'ombre, est
bien plus dangereux. Il s'exprime aujourd' hui
à propos de la répartition des matières premiè.
res. Certains peuples, qui étouffent dans leur
démographie, comme naguère nos grand'mères
dans leur corset, font entendre que l'expansion
coloniale pourra seule les empêcher d'éclater.
Comme si des millions d'Européens pouvaient
être jetés sur des terres encore primitives, comme
si le nombre, la passion et l'énergie pouvaient
créer la vie, et non pas les capitaux, et non
pas l'organisation sociale, et non pas le temps !
A
L'assaut de Genève a été savamment conduit.
Après que le délégué anglais — Sir Frederik
Ijeith Ross — eut exprimé son doute quant
à la possibilité de céder un pouce de territoire
colonial, le délégué du Nippon, M. Shudo,
proposa d'appliquer à l'enaemble des territoi-
res coloniaux un régime analogue à celui du
bassin conventionnel du Congo.
M. Adam Rose, délégué polonais, brandit
l'argument de la démographie. Il eut cepen-
dant l'habileté de se cantonner dans le domaine
financier, et d'envisager l'achat des matières
premières par l'organisation d'un crédit inter-
national. Deux créations seraient nécessaires :
un sous-comité financier, un sous-comité colo-
nial. A border la question par une voie détour-
née est assez sous le commandement de la men-
talité polonaise.
Le délégué de l'Union Sud-Africaine, Sir
Henry Strakosh, le délégué de la Tchécoslo-
vaquie, M. Pospisil, le délégué des Etais-
Unis, M. Henry F. Grady, et enfin celui de
la Belgique, M. Max Léo Gérard n'apportè-
rent au débat que leur bonne volonté. Du côté
américain, cependant, une opinion formelle :
les clearings sont le plus important obstacle aux
échanges internationaux.
Avant le délégué du Brésil, M. Muniz,
le délégué français, M. Maurette, sous-direc-
teur du Bureau International du Travail, ex-
prima timidement son opinion : les cessions de
territoires, ou leur internationalisation, ne modi-
feraient en rien la circulation dans le monde
des matières premières.
Le lendemain, 10 mars, prirent la parole
M. Stucki (Suisse) et Rosenblum (U.R.S.S.).
M. Avenol, secrétaire général de la S.D.N.,
au cours de la séance de l après-midi, fixa le
programme des travaux, ainsi que la procédure.
On se souviendra que le délégué de la
France était M. Charles Rist. Cette éminente
personnalité financière fut appelée, avant que
la Conférence s'ouvrît, à résoudre des questions
plus urgentes.
Le problème colonial international vient
d'être enfin posé à Genève. Les questions pré-
liminaires sont désormais livrées, non pas à l'at-
tention du monde, mais à ses ambitions. Durant
leurs joutes oratoires, les économistes prépa-
reront les chausses-trappes des matières pre-
mières.
A nous de veiller, et de lutter sur ces deux
fronts.
Une réforme qui s'impose
L'élargissement de la représentation
de l'Indochine au Parlement
par Louis Pargoire.
Une fois le suffrage universel rénové en
Indochine par la concession de l'électorat à
tous les indigènes cultivés et par l'extension à
tout la territoire, sans distinction d' administra-
tion directe ou de protectorat, du droit d'être
représenté au Parlement, ce qui semble néces-
saire et imminent, il resterait à ifxer les moda-
lités de cette représentation.
Première question à résoudre : doit-on ac-
corder aux électeurs sujets français une repré-
sentation spéciale ou les englober dans le col-
lège électoral français ?
Personnellement, je me déclare nettement en
faveur de cette deuxième solution, et cela pour
des raisons de principe et de pratique.
La réforme électorale préconisée doit être
un pas en avant vers la fusion, l'incorporation
effective des autochtones dans la grande fat-
mille française.
Toute l'histoire de la colonisation se ré-
sume dans un fait : le rapprochement réel, ma-
tériel, de deux pays par le raccourcissement du
temps nécessaire pour communiquer entre eux,
et le rapprochement intellectuel et moral de
deux populations par un échange constant de
marchandises, de services, de conceptions et de
sentiments.
Or l'Indochine, qui était en 1860 à six
mois de Marseille, en est maintenant à sept
jours pour les personnes, deux heures pour les
idées. Marseille elle-même, au temps de
Louis XI, était moins proche de Paris.
Il est naturel, il est conforme aux lois de
l'histoire que la multiplicité et la rapidité des
communications nivellent les civilisations, uni-
fient les peuples.
Quelques timorés objecteront : « Eh quoi !
si les indigènes votent avec les Français, ceux-
ci, étant en minorité, seront fatalement évincés
des compétitions électorales ! »
Cette perspective ne comporte en soi rien de
particulièrement attristant. Il semblerait même
assez normal que les représentants de l'Indo-
chine fussent des Indochinois de naissance.
De toute façon, la France, qui s'est faite de
tous temps le champion de 1 égalité des races
et y a finalement trouvé son compte, se doit de
ne pas distinguer entre ceux de ses enfants
qu'elle reconnaît aptes à exercer des droits po-
litiques. Pour s'être montrés moins démonstra-
tifs que les populations de l'Afrique du Nord,
les sujets et protégés français d'Indochine ne
doivent pas- être plus défavorablement traités.
Comme, du reste, le rappelait ici même tout
dernièrement M. Mario Roustan, nous avons
eu deux sous-secrétaires d'Etat de couleur, et
ils ne se sont pas révélés inférieurs, je ne dis
pas à la plupart de leurs prédécesseurs, os qui
serait peu, mais a leur tache, ce qui est beau-
coup. Leur patriotisme, leur sens de l'empire
n'ont jamais failli.
Au surplus, ayant vécu ds très longues an-
nées en terre d'Annam et connaissant, je crois.
assez bien l' esprit qui y règne, tant du côté
asiatique que du côté européen, je ne pense
pas que les élections s'y fassent jamais sur une
question de races.
En Cochinchine notamment, la dépression
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