Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1937-03-02
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 mars 1937 02 mars 1937
Description : 1937/03/02 (A38,N17). 1937/03/02 (A38,N17).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
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Description : Appartient à l’ensemble documentaire : RfnHisg1 Appartient à l’ensemble documentaire : RfnHisg1
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62654735
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/01/2013
38e ANNEE. — N° 17 MARDI (13 h. 30) 2 MARS 1937.
JOURNAL SEMI-QUOTIDIEN
Rédmctitn & Administration :
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TÉL. t RICHELIEU 73-OS
(2 lignes groupées)
1
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Les Annales Coloniales
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Fondateur i Marcel RUEDEL -'< "- :.- Directeur 1 Raoul MONMARSON
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France et
colonies las » 100» - St»
Etranger. 249 » 125» 7t»
Le Numéro : 30 centimes
On s'abonne sans frais dans
tous les bureaux de poste.
-.i Le nouveau visage
de l'Afrique .:
V. — Le problème du Sassandra
Une des plus riches régions de la Côte
d'ivoire s est devetoppee par ses seuls moyens,
h ayant jamais été mise en vedette par le gou-
vernement de ta coionie. Aux ~Vtalle et Mou-
mer ae Grand-lanou, aux Roux-Baudrand de
àassunara, qui, vers 1VPJ, peinaient aprement
chacun aans son secteur, la colonie ne tendait
point 1 usueue main secourabie. Les Compa-
gnies de navigation ignoraient l'escale régulière
ae Sassandra. Avec le bac de Tiessalé, et le
détour de uagnoa. Sassandra était une terre
d'exil, et il J al tut la concession du colonel
Girod (1927-1928) pour que l'attention soit
enfin éveillée sur cette zone occidentale de la
colonie.
Le bassin du Sassandra étouffe aujourd'hui
d'opulence, mais le particularisme anormal
d'Abidjan ne lui a pas donné encore les
moyens économiques et rapides de réaliser les
voies de sa prospérité. Une caricature de
Wharf inutilisé, inutilisable, existe à Sassandra.
Depuis L'été dernier, sur un autre point de la
rade, un remblai en latérite a été élevé, long
d'une vingtaine de mètres, recevant à peine les
caresses des vagues expirantes. Il semble que
cette amorce soit abandonnée. Et les navires
qui mouillent en vue de ce paysage océanien
attendent que la pagaie rythmée des indigènes,
biomphant d'une barre néfaste aux charge-
ments, amène sous leur palan les produits à
embarquer. C'est ridicule et charmant. Mais
c'est aussi une honte. Nous pouvions l'accep-
ter en 1920. Nous ne pouvons plus apposer
notre aval sur cette traite, en 1937.
- •
< <
De Sassandra à Gagnoa, sur les 175 kilomè-
tres du parcours, après la scierie Schwander,
la route ne traverse plus la brousse, mais une
plantation ininterrompue. A l'effort des Per-
rot, des Josse, les indigènes ont répondu. Ils
sont devenus, à leur top, des colons. Une
innombrable armée de cacaoyers s'est emparée
de toute cette partie de la basse côte, avec
ses quartiers généraux à Soubré, lssia, Sinfra,
LaJeota, Divo, Gagnoa. En dix ans, cette
offensive victorieuse répond à celle qui fut
menée exclusivement par les indigènes dans
le cercle d'Abengourou : toute la basse Côte
d'Ivoire éclate aujourd'hui de prospérité : le
cacao, le café, le kola se Vendent. Le miracle
annoncé par M. Reste se réalise, les produits,
plantés dans les années de désespoir, sont
absorbés à pleins sabords par l' Europe. Il n'en
faut pas plus pour que le strict airain du soleil
ait fondu, dam un ciel heureux, toutes les
menaces de la tornade.
•%
Mais si les planteurs ont préparé, avec une
patience parfois héroïque, leur. actuelle pros-
périté — qui n'amortit pas encore d'ailleurs
leurs années de sacrifices — le gouvernement
local ne s'est pas préoccupé d'assurer parallè-
lement les voies de sortie du produit. Il était
dans le programme du Gouverneur Reste de
terminer la route Man-Duékoué-Buyo-Soubré-
Sassandra, 2lO kilomètres demeurant à cons-
truire sur les i50 du parcours total. Abidjan,
animé d'une passion honteuse, persiste à con-
traindre la région de Man à sortir par Port-
Bouët : 650 kilomètres.
Ainsi le bassin de Sassandra est-il dissocié,
incapable encore de mener un effort identique
en'faceur de son propre port. Le nouveau Gou-
verneur de la Côte d'Ivoire, M. Mondon, qui
fut directeur à Dakar des Affaires Economi-
ques de la Fédération, et qui semble de ce
fait porté vers les réalisations tangibles, saura-
t-ii imposer raison à Abidjan, et accorder ainsi
au bassin du Sassandra l'autonomie routière et
portuaire indispensable à sa prospérité défini-
tive ?
*
* »
Le voyage de la mission parlementaire dans
le bassin du Sassandra semble avoir été formel
à cet égard. A côté de la question de la main-
d'œuvre, que nous avons précédemment expo-
sée, la question de la vidange des produits est
très nettement, très impatiemment posée. Et
cela d'autant plus que des mesures regretta-
bles sont arrêtées à Abidjan, en ce moment,
contre Sassandra, comme l'interdiction d'y
décharger l'essence. administrative : près de
700 kilomètres de routes seront désormais à
parcourir pour ravitailler Sassandra, alors que
les navires jusqu'à présent déchargeaient direc-
tement !
Une solution d'urgence s'impose : construire
le port, ainsi que la route directe Sassandra-
Soubré. Cette route serait éventuellement le
chemin de service de la voie, ferrée en examen.
Elle permettrait, aux dires des techniciem,
l'établissement, en deux ans, des 200 kilomè-
tres jusqu'à Soubré. Ainsi toute la région occi-
dentale de la Côte d'Ivoire serait-elle équipée,
outillée, pour accomplir les fonctions qui lui
ont été demandées à l'instant où l'avenir de la
colonie pouvait paraître sombre à tous ceux
qui, isolément, librement, s'obstinaient à faire
surgir du sol cette richesse dont il est aujour-
d'hui inondé.
Nos colonies du groupe A.O.F— et ce
sera le thème de nos prochaines études, — ont
passé la puberté. Elles devraient marcher avec
le siècle, et disposer des moyens techniques
désormais mis entre les mains de tous ceux qui
en ont si instamment besoin. Il est inconceva-
ble que la crainte d'Abidjan d'abord, une cer-
taine timidité de pensée ensuite, continuent à
tenir prisonnier, bloqué derrière un fletwe, des
bacs, des routes saisonnières dont on n'est
jamais certain, un bassin si riche, capable à
lui seul d'intervenir pour moitié dans la pros-
périté de la Côte d'Ivoire. (à suivre.)
Raoul Monmarson.
1
Voir les Annales Coloniales des ':!!J janvier. 5,
2.1 et 26 février 1937. °
Le groupe colonial
de la Chambre
Le groupe colonial, qui a reçu 250 adhé-
sions, s'est reconstitué sous la présidence de
M. Léon Archimbaud. Il a complété son bu-
reau de la manière suivante :
Vice-présidents : MM. Léon Baréty, Au-
guste Brunet, Edouard Soulier, Michel Geist-
doerfer, Péri, Pinelli, Albert Dubosc, Scapini.
Secrétaires : MM. Gel lie. Baudouin-Bugnet,
André Baud, Cadic. Duchesne-Fcurnet, Pros-
per Blanc, Bloncourt.
Après une allocution du président le groupe
a estimé qu'il importait de mettre à l'ordre du
jour de ses prochains travaux :
1. La politique française en Extrême-Orient
et la question du Pacifique. (Le groupe de-
mandera à M. Albert Sarraut de venir faire un
exposé.)
20 La question des revendications coloniales
allemandes. (M. Auguste Brunet a été désigné
comme rapporteur de cette question.)
30 La question du port et du chemin de fer
de la Côte française des Somalis.
) -.- (
Autour du bulletin de vote
aux Algériens
Départ de la commission d'Enquête
Quatorze députés, formant la commission
d'Enquête, sous la présidence de M. Lagrosil-
lière, s'embarquent aujourd'hui pour l'Azé-
rie.
La commission procédera à l'étude appro-
fondie de l'opportunité du projet Viollette,
Elle compte rentrer à Paris par Port-Vend res
vers le 15 avril, après avoir séjourné à Cons-
tantine, Oran et Alger.
Le projet VioUette au Parlement
La commission du Suffrage universel a
nommé M. Baréty, par 13 voix contre 6 à
M. Larguier, socialiste, rapporteur du projet
et des propositions de lois relatifs à l'exercice
des droits politiques par certaines catégories
de sujets français en Algérie. M. Barétv est
opposé, en principe, au projet gouvernemen-
tal, mais accepterait éventuellement une
transaction sur la base d'un collège électoral
indigène.
La commission entendra demain le gouver-
nement sur cette question.
la mission parlementaire
rentre a, i. o. F. en France
La mission d'Enquête de Ja commission
des Colonies de la Chambre des députés a
retrouvé à Dalaba, le 16 février, M. Lucien
Gasparin, accompagné de M. Cerveaux. MM.
Quinson et Niel avaient rejoint directement la
France, le premier sur Brazza, le second par
avion, après un arrêt au Maroc.
Trois jours à Conakry, avec le privilège de
se rencontrer avec le général Denain, en tour-
née d'inspection aérienne en A. O.F. : le
trimoteur Bloch, piloté par le général lui-même,
permit aux membres de la mission de survoler
Conakry, sa zone vénitienne, et les îles de
Loos.
A Dakar le dimanche 21, durant les quel-
ques heures rituelles de l'escale, la mission fut
reçue à déjeuner par M. de Coppet, Gouver-
neur général, entouré de quelques notabilités
de Dakar. M. Galandou Diouf, député du
Sénégal, assista à ce déjeuner.
•%
La délicate réception de Mme et du Gou-
verneur Blacher, dans cette Guinée où tant est
à faire, la réception de la Chambre d'agri-
culture, et les dernières conversations sur les
sujets généraux qui règlent actuellement le sort
de notre Fédération d'Afrique occidentale,
ont permis à la mission, durant la traversée,
de condenser les impressions qu'elle a recueil-
lies depuis le début du mois dernier.
*%
Hier matin, venant de Conakiy sur le s/s
Canada, la mission d'enquête de la commis-
sion des Colonies de la Chainbrge a débarqué
à Marseille.
MM. Georges Nouelle, président, M. Lo-
zeray, vice-président, MM. Gasparin et Vin-
cent, ont ainsi terminé la mission qui leur avait
été confiée par leurs collègues.
La mission a ainsi visité le Soudan, la Côte
d'Ivoire, la Guinée, le Togo et le Dahomey.
Demain lorsque seront débattus devant le Par-
lement les intérêts vitaux qui commandent
aujourd'hui le destin de l'Empire, on peut
espérer que cette mission portera ses fruits et
aura donné aux hommes qui l'ont faite l'auto-
rité nécessaire pour exposer avec fruit leurs
vues.
Politique et qualité
J ,
'AI sous les yeux le nu-
méro du Journal de la
Marine Marchande où
a paru un article très
judicieux à propos de
la dernière Conférence
Intercoloniale de la
Banane Française.
Il y est question, et
c'est justice, des per-
fectionnements apportés aux manutentions et aux
transports de nos bananes : transformation de
l'Allier et de l'Ardèche, que j'ai connus comme
moutonniers rapides, mise en service du navire
Guyane, achat du Guadeloupe, construction de
deux autres bananiers rapides, prise en gérance
des trois Port ; tel est l'effort de la Compagnie
Générale d'Armement Maritime. Addition de
l'Edea à ses deux autres navires, tel est celui
de la Compagnie Cyprien Fabre. Addition du
Cap de Palmes et du Tamara à ses trois autres
navires, tel est celui de la Compagnie Fraissinet.
Il faut y ajouter l'effort de l'Agence Maritime
Henry Lesage, et de notre ministère de la Ma-
rine marchande qui construit à son tout deux
bananiers.
C'est un beau tableau, et dont il ne faut pas
diminuer l'importance. On a raison de montrer
quels risques court l'armement français quand il
se hasarde à des opérations de ce genre. Le.
Journal de la Marine marchande le démontre par
des chiffres, et fait remarquer une fois de plus
combien l'exploitation est rendue difficile par la
presque impossibilité de trouver du fret de retour
pour les bananiers. Rapprochons de ces initiati-
ves, les travaux entrepris dans nos ports pour
l'importation des bananes françaises, et nous nous
associerons aux éloges qu'on décernés aux uns
et aux autres, mes collègues et amis MM. Tau-
dière, Monnerville et Gratien Candace.
C'est là un aspect du problème et non des
moins essentiels. Il y en a un autre, celui de
la propagande à ce propos, la Conférence Inter-
coloniale a proposé l'institution d'une taxe de
2 centimes par kilo de bananes entrant en
France.,C'est peu de chose et c'est beaucoup. En
1936 sur 180.000 tonnes de vente, le C.I.B.
aurait récolté environ 3.500.000 francs qui au-
raient permis une fructueuse publicité.
Mais le point principal est celui-ci : la produc-
tion coloniale française dépasse la consommation
des bananes dans la métropole, et les prix sont
trop faibles pour que le plus grand nombre des
producteurs puissent y trouver leur compte, que
dis-je ? Puissent équilibrer leurs dépenses. Au-
jourd'hui est inquiétant, demain l'est plus en-
core. Les nombres sont implacables : ceux de la
production montent très vite et très haut, ceux
de la consommation baissent très rapidement ;
depuis 1932 où elle a atteint 224.000 tonnes,
elle a diminuée de plus en plus, bien que l'an
dernier, grâce à la propagande du C.I.B., elle
ait pu remonter à 180.000 tonnes.
Théoriquement, la solution qui se présente la
première est la suivante :
Adapter les chiffres de la production à ceux
de la consommation, possible ou probable, res-
treindre celle-là pour la mettre en correspondance
avec celle-ci. Ce n'est pas la meilleure, pour une
infinité de motifs. Celle-ci paraît préférable : aug-
menter la consommation pour la mettre en har-
monie avec la production possible ou probable, et
pour cela appliquer simultanément deux métho-
des : multiplier la propagande pour la banane
française, ne livrer au consommateur français que
de bonnes et belles bananes. La seconde condi-
tionne la première qui est inutile si les bananes
livrées au public ne le satisfont pas complète-
ment. Aussi les deux vœux émis par la Confé-
rence sont :
1° Suppression de la taxe de 0,15 par kilo
perçue à l'importation en France et destinée à
compenser les pertes que subissent les planteurs.
On peut discuter tant qu'on voudra ; le but de
cette mesure est apparent : il consiste, à ne pas
pousser inconsidérément les colonies à étendre les
bananeraies ;
20 Surveillance étroite et impartiale des bana-
nes et de leur emballage et dans les ports colo-
niaux, au départ, et dans les ports français, à
l'arrivée, de telle sorte que les fruits imparfaits
ne parviennent pas sur nos marchés.
Ces mesures sont présentées comme conformes
à J'intérêt du producteur, du transporteur, du
vendeur. Me sera-t-il permis d'ajouter : et du
consommateur ?
Qu'est-ce à dire sinon que nous retrouvons ici,
mutatis mutaudis, l'aspect général du problème
qui se pose pour d'autres produits de l'agricul-
ture non seulement coloniale, mais aussi métro-
politaine ? Un exemple, un seul me dispensera de
beaucoup d'autres. Le président du Groupe viti-
cole du Sénat a à peine besoin de rappeler quel-
les difficultés analogues présentait le problème
viticole. En accord constant avec nos collègues
de la Chambre, nous en avons réglé Je plus grand
nombre. Par quoi ? Par un certain nombre de
dispositions qui se ramenaient à un souci pri-
mordial : celui de la qualité. Politique de la qua-
lité, c'est tout un programme. La banane fran-
çaise sera sauvée par là.
Mario Roustan.
Sénateur de l'Hérault, ancien ministre,
Vice-président de la Commission
des Colonies.
M. Viénot en Tunisie
Le sous-secrétaire d'Etat a quitté Tunis
ce matin pour rejoindre Paris
Au cours d'une réunion organisée vendredi
par le comité du Rassemblement populaire de
l'unis, M. Pierre Viénot, sous-secrétaire
d'Etat aux Affaires étrangères, répondant à
un discours prononcé par M. Bouzanquet, se-
crétaire gênerai du Rassemblement populaire,
a déclare notamment :
Le gouvernement de la France, est aussi le
gouvernement du Front populaire pour la Tu-
nisie comme il l'est pour la France, et son
action ici s'inspire des principes qu'il appli-
que à la métropole.
Je sais bien ciue tous los problèmes qui se
posent à vous sont différents de ceux que le
gouvernement de Front populaire a normale-
ment à résoudre en France et que ce sont ,'.cs
problèmes particuliers qu'il s'agit de résoudre
d'abord.
Je sais bien que des adaptations sont néces-
saires et que l'action du gouvernement doit
tenir compte des réalités locales qui s'impo-
sent à vous comme à nous, mais je tiens à
dire très simplement que pas plus ici qu'en
France le Gouvernement ne laissera compro-
mettre les principes essentiels de son action.
Le sous-secrétaire d'Etat aux affaires étran-
gères a ensuite rappelé l'œuvre du gouverne-
r.vnit de Front populaire. Il a rendu hom-
mage à l'action du président du Conseil, et a
souligné que M. Guillon, Résident général,
a la pleine et entière confiance du gouverne-
ment.
Samedi, le sous-secrétaire d'Etat accompa-
gné de M. Guillon et de leur suite se sont
rendus à Kairouan.
Ils ont été reçus par les autorités civiles et
militaires ; les honneurs étaient rendus par
le bataillon du 48 régiment de tirailleurs tu-
nisiens.
A l'issue du déjeuner qui a eu lieu au con-
trôle civil, le ministre et le Résident général
ont visité la Grande mosquée, l'hôpital et la
mosquée du Barbier.
Enfin, hier soir, M. Viénot a prononcé au
poiste de Radio-Tunis un discours dont voici
l'essentiel :
— Je savais, dès avant mon départ que la
Tunisie connaissait une crise déjà ancienne
d'ailleurs, et qui s'étend presque à tous les
domaines de la vie publique.
Mon séjour, si court qu'il fut, m'a permis
d'en mieux comprendre certains aspects et
surtout d'en mieux pénétrer certaines causes.
le me suis convaincu que le mal est sé-
rieux, qu'il mérite toute notre attention et
que nous n'y porterons remède qu'en agis-
sant promptement et fermement.
Il s'agit d'abord d'y voir clair, de dissiper
les fumées que peut avoir laissé dans les
esprits la vieille erreur politique d'assimila-
tion avec les corollaires qu'elle comporte de-
vant un échec inévitable ; l'arbitraire et la
contrainte. Il s'agit ensuite de décider et de
réaliser les réformes qui remettront les cho-
ses en place et d'assurer à la population des
moyens normaux d'existence. Il s'agit, dans
tous les domaines , de créer une effective et
indissoluble solidarité franco-tunisienne, une
politique de détente dont le succès s'est affir-
mé au cours de ce voyage par les acclama-
tions qu'il a values à la France qui a créé
l'atmosphère favorable. Il s'agit maintenant
de réaliser.
Des abus graves que nous devons corriger
proviennent d'une certaine indécision, d'un
certain relâchement dans la conduite des
affaires gouvernementales et administratives,
qui étaient dus eux-mêmes pour une large
part, à un manque de clarté dans la politique
de la France. le dis bien : la politique de
la France, et je rappelle ainsi un principe
à la fois simple et essentiel, mais que cer-
tains ont pu parfois paraître oublier. Ce prin-
cipe, c'est que c'est la France, la France re-
présentée par son gouvernement, qui par
l'entremise dit Résident général, exerce le
protectorat et est seule dépositaire des pou-
voirs et attributions qu'il implique.
Dans le même ordre d'idées, deux fonction-
naires de France vont recevoir mission d'étu-
dier les contrats qui lient à l'heure actuelle
l'Etat tunisien et les sociétés concessionnaires
des services publics. Ils feront rapport au
résident sur la gestion des compagnies et sur
les moyens juridiques de remédier, soit par
des avenants aux contrats, si les intéressés
s'y prêtent, soit par tous autres moyens :ltri.
diques, aux abus évidents de la situation pré-
sente.
Nous sommes décidés, par ailleurs, à faire
respecter par tous les moyens de droit les li.
mites que la loi a fixées aux agitations hos-
tiles ou aux propagandes mensongères.
——————— ) ———————
AUDIENCES
A L'ELYSEE
Le président de la République a reçu ven-
dredi Mgr Leynaud, archevêque d'Alger.
Toutes les Chambres d'agriculture ne sont pas les ennemies achar-
nées de l'Empire colonial français. Celle des Landes, notamment. Elle
se souvient sans doute que l'un parmi ses parlementaires fut ministre
des Colonies.
Ayant pris connaissance de la déclaration des Délégations agricoles
métropolitaine et d'outre-mer, la Chambre d'agriculture des Landes
a émis, en effet, le vœu suivant :
Que soit établi un tarif douanier qui permette à notre économie impériale de
se développer et que les Pouvoirs publics assurent immédiatement dans notre lEmpire
colonial, par un soutien efficace et durable de 10 à 15 ans, la production des marchan-
dises que nous allons chercher à l'étranger comme : le coton, la laine, le café, le
caoutchouc, les agrumes, etc.
Les Chambres d'agriculture de Belfort, de la Saône-et-Loire, du
Tarn-et-Garonne, de la Haute-Garonne ont émis un vœu identique.
Mais ceci se passait au début de l'année dernière, en 1936 !
Les événements ont marché depuis lors, contre ces vœux pro-colo-
niaux, contre nos colonies mêmes. Le tableau de chasse est déjà beau:
introduction inopinée de milliers de tonnes de bananes des Canaries, en
décembre dernier, contingent d'arachides étrangères, abaissement de
certains droits de Douane.
L'Economie coloniale est en péril.
QueUe action prendra donc un jour la place de ces vœux éternels,
éternellement stériles ?
"--. Têt 1937 "-'
et'le devin chinois
.-TC3XB - - ca»»- - -.
- Aube - de la nouvelle année chinoise
A d'autres, tueurs d'hommes, l' usage des
canons et des engins de guerre. Ici les hommes,
tueurs impitoyables de chimères, assourdissent
le mauvais esprit à force de coups de gongs,
l'épouvantent et le mettent en déroute par le
tumulte dies pétards. Css hommes d'Extrême-
Asie ont jeté le pont entre les vivants et les
morts. Pendant la semaine du Têt, consacrée
au repos, on prend en quelque sorte ses vacan-
ces dans l' au-dela. Pas de frais de voyage. Pas
d'encombrement à redouter vu que les âmes ne
tiennent pas de place.
Une semaine de liesse, ce Têt, pendant la-
quelle l'Annamite vêtu de neuf se refait une
âme allégée des craintes et des fantômes qui
ont grandi au cours de 'l'année passée. Les an-
cêtres, paisibles vivants d'autrefois, morts in-
tranquilles d'aujourd'hui, participent aux ri-
pailles et à la chasse au ma-cui.
Si j étais d aventure le ma-cui, je me sen-
tirais fort en danger. Comment résistera-t-il
aux embûches semées sur son chsmin ? Com-
ment ne sera-t-il pas cerné, dépisté, traqué cet
hôte invisible des forêts où il rôde en compa-
gnie de la fièvre et du serpent ; des eaux
lisses et bleues dans les profondeurs desquelles
s'embusquent la tempête, le typhon et le ser-
pent de mer ? Qu'il essaie de s'enfuir ! Mais
il sera empalé par le toit crochu des pagodes.
Cependant il ne meurt jamais tout à fait.
Et enchaîné à sa proie comme un étrange es-
clave à un maître impuissant, il reprend bon
gré mal gré le chemin de terre.
Têt. Les rues sentent le nuoe-man, l'encens
des bâtonnets votifs ; les petites filles portent
des cai-ao neufs aux couleurs briIJantes comme
le plumage de l'oiseau des rizières. Elles sont
coiffées d'un fichu de soie noué chastement
sous le menton La terre cochinchinoise se meurt
de langueur si de sécheresse. Le soleil a tout
brûlé, sauf ces fleurs de lotus qui se balancent
comme des barques fragiles à la surface de
l'étang.
Février 1937 pour nous d'Occident.
Pour eux l'année du buffle. : symbole de la
paresse, ou de la force tranquille, ou du tra-
vail éternel de la terre sous le soleil fécond
des tropiques.
A Saigon, sur la place du Marché, un vieux
Chinois vous vend en ce jour faste le secret
de votre destin. C'est bien le seul commer-
çant qui ait gardé boutique ouverte pour la
semaine du Têt qui fait les rues plus silen-
cieuses qu'un dimanche en terre saxonne. Bou-
tique ouverte ? C' est-à-dire quelques cartes
étalées sur la terre chaude, encore humide de
crachats de bétel, l'homme-prophète, tel un
Bouddha, est replié sur ses jambes à l'ombre
d'un parapluie vert.
— Vous voulez du bonheur ?
N'est-ce pas dans tous les pays du monde
la denrée qui subit le plus de variations, et pour-
tant la plus universellement demandée ? Le
vieux Chinois à l'ongle mandarinal vous en
vend : dix sous, une piastre, suivant les cas.
Un jeune intellectuel portant casque, cravate
et chaussettes a la promesse de son baccalau-
réat en fin d'année. Il ne saura qu'en faire.
Mais cela n'est plus l'affaire du prophète dis-
tingué.
Puis la petite fille au brûlant cai-ao de soie
vient acheter pour dix sous de bonheur.
(Comme les enfants, dans les jardins publics
d'avant guerre, achetaient pour deux sous
d'oubli). C'est dit : la petite fille épousera
le jeune intellectuel de son choix contre la
volonté du père.
— Mais le bonheur ?. Ma petite, il fallait
acheter hier des pétards pour chasser le ma-cui.
Aujourd'hui. toutes les boutiques seront fer-
mées. C'est ta faute. Les petites filles sont
étourdies.
Ainsi parle le vieux Chinois. Pendant qu'il
parle, le soir est tout à fait descendu: et, dans
la nuit chaude d'Extrême-Asie, de Saigon à
Cholon, le bruit des pétards, fusillade surnatu-
relle, se mêle aux longs cris des jonques sur
le fleuve. Dans la campagne, aux feux de
brousse nés de la chaleur, s'envolent des spira-
les de fumée : c'est la fumée des objets votifs,
animaux fabuleux, pagodes chimériques, bottes
de sept lieues à l'usage des bons génies.
— L'année du buffle sera prospère, a dé-
claré le vieux marchand de bonheur. Paddy,
caoutchouc, maïs, tout concourt vers une nou-
velle prospérité. Saigon retrouve la veine des
plaisirs et de la fortune qu'envieront les hom-
mes inquiétants d'Occident.
Seul ce ma-cui encore à l'affût.
D' accord avec la petite Annamite en robe
verte, je découvre un marchand d'artifices qui
nous permet d'assurer notre destin. C'est à ce
moment que me revient en tête le mot d'un
philosophe annamite : « Le Chinois, inventeur
de la poudre, l'utilise pour fabriquer des feux
d'artifices ; l'Européen tire de cette invention
la fabrication des canons : le premier et le
plus caractéristique des signes distinctifs entre
l'Orient et l'Occident. »
De retour chez moi, j'ouvre mon paquet
de munitions contre le ma-cui. Avec de telles
armes, comment l' année du buffle ne serait-elle
pas prospère ? J'incline vers l'optimisme.
Mais une marque sur chaque enveloppe
rouge, aux couleurs du Têt, me rappelle à la
dure réalité : « Made in Germany ». Est-ce
que le ma-cui ne va pas se moquer des pétards
confectionnés par des mains impures ?
Indifférents à ces scrupules, les pétards ont
éclaté toute la nuit. C'est le matin. Le buffle
aux larges cornes, pétri de terre et d'eau, et
venu lentement vers notre siècle de fer du fond
de la préhistoire, porte un petit enfant en-
dormi sur son dos. Qu'un visage blanc appa-
raisse sur la digue, du plus loin que le buffle
le voit, un éclair d'intelligence secoue la masse
pesante de son corps, et il le charge.
Mais contre buffles et ma-cui, selon le devin
chinois, que l' année nouveUe soit propice à la
France d'Asie.
Christiane Fournier.
Le général Noguès
vient en France
Appelé par la séance du Haut Comité Mé-
diterranéen qui, ainsi que nous l'avons annoncé,
doit siéger le 9 mars à Paris, le général No-
guès, Résident supérieur de France au Maroc,
a quitté Casablanca samedi par Chella.
ACCIDENT DE LA ROUTE
AU MAROC
Un grave accident d'automobile s'est pro-
duit vendredi soir, sur la route de Rabat à
Casablanca. La voiture dans laquelle se
trouvaient Si Mohamed. Filali, kalifa du pa-
cha de Casablanca ; M. Henri Rainal-
dy, collaborateur de la Vigie Marocaine. et
Mme Rainaldy, en voulant éviter une camion-
nette, fit une eieirdée et tomba dans un
oued. Les trois voyageurs sont très griève-
ment blessés.
> -+- (
LE STATUT DU SANDJAK
D'ALEXANDRETTE
Le Comité de la S. D. N. chargé de cette
question, a siégé pendant deux jours sous la
présidence de M. Bourquin, expert belge.
Samedi les experts ont décidé d'interrom-
pre leurs séances pour une huitaine de jours
après une étude préliminaire qui a surtout
consisté dans la discussion d'un projet turc
apporté à Genève par M. Numan, secrétaire
général du ministère des Affaires étrangères
de Turquie. Ce projet a une allure très démo-
cratique, il accorde, dès l'âge de iS ans, le
droit de vote aux hommes et aux femmes.
Devant la nature de ce projet, M. Robert de
Caix, délégué français, a jugé nécessaire de
consulter le gouvernement. Il rentre à Paris
samedi soir.
D'autre part, le comité d'experts a prié le
rapporteur au conseil de convoquer à Genève
les observateurs de la S. D. N. qui se trou-
vent dans le sandjak, afin de profiter de leurs
avis. On pense que ces observateurs pourront
arriver à Genève dans le courant de cette se-
maine.
Pendant cet ajournement il est probable flue
des négociations quamt à ce nouveau projet
seront menées par la voie diplomatique entre
Paris et Ankara.
liberté individuelle
et liberté du travail
à Tahiti ',\
par Roger Bourgeois.
Trois jours après sa proclamation de délé-
gué de Tahiti au Conseil Supérieur, le séna-
teur Sari faisait immédiatement une première
intervention publique pour cette malheureuse
colonie, sous forme de deux questions écrites,
signalées ici le 9 février et que nous rappe-
lons à l'occasion de la répanse ministérielle :
N° 4098. — M. Emile Sari sénateur, de-
mande, le 4 février 1937, à \1. le ministre
des Colonies : 1° si les citoyens français
perdent leur droit au bénélice des lois fran-
çaises du fait de leur venue dams une colo-
nie française ; 2° si le code d'instruction
criminelle applicable dans une colonie fran-
çaise permet à un magistrat : a) de décerner
un mandat d'arrêt et d'incarcérer sans
enquête et sans aucun interrogatoire un
aitoyen français métropolitain, jouissant de
la plénitude de ses droits civils et politi-
ques ; b) de le mettre au secret pendant
vingt jours; c) de l'inculper avant et sans
même l'avoir entendu ni interrogé; d) de
le garder au régime de la détention cellu-
laire ; e) de l'interroger plus de six jours
après son incarcération ; f) de le main-
tenir en détention depuis 75 jours ; g) de
refuser depuis 75 jours de le confronter
avec son accusateur, individu notoirement
taré, détenu depuis six mois pour crime
qu'il a avoué et reconnu : h) de refuser
de verser à l'instruction un document ad-
ministratif qui établit le caractère invrai-
semblable et de plus impossible des accusa-
tions de ce détenu.
Réponse du 26 février. - 409S - M. le
ministre des Colonies a l'honneur de faire
connaître à M. le président du Sénat qu'un
délai lui est nécessaire pour rassembler les
éléments de la réponse à faire à la ques-
tion écrite n° 4098, posée le 4 février 1937,
- par M. Emile Sari, sénateur.
Depuis plus d'un an, nous avons dénoncé
dans ces colonnes, les scandaleux abus judi-
ciaires rendus possibles à Tahiti, parce que
n'y avaient pas cours les lois françaises sur
l'instruction criminelle et la liberté indivi-
duelle, et dont inlassablement, nous avons de.
mandé la promulgation locale afin- que les
citoyens français jouissent dans la coJonie,
des garanties qu'ils ont en France.
Aucune décision en ce sens n'est intervenue
et, naturellement, grâce au régime d'excep-
tion qui continue, de nouveaux abus viennent
d'avoir lieu, comme le montre (pour une
part), la question du délégué.
Par contre, avons-nous eu la stupéf^^,
JOURNAL SEMI-QUOTIDIEN
Rédmctitn & Administration :
1* Im i» h Inm
PARIS m
TÉL. t RICHELIEU 73-OS
(2 lignes groupées)
1
-
Les Annales Coloniales
(p on lit
Fondateur i Marcel RUEDEL -'< "- :.- Directeur 1 Raoul MONMARSON
IB01MEIEHTS
«Me Z. ltnw illustrée :
Dm aa 6 Mais Slfab
France et
colonies las » 100» - St»
Etranger. 249 » 125» 7t»
Le Numéro : 30 centimes
On s'abonne sans frais dans
tous les bureaux de poste.
-.i Le nouveau visage
de l'Afrique .:
V. — Le problème du Sassandra
Une des plus riches régions de la Côte
d'ivoire s est devetoppee par ses seuls moyens,
h ayant jamais été mise en vedette par le gou-
vernement de ta coionie. Aux ~Vtalle et Mou-
mer ae Grand-lanou, aux Roux-Baudrand de
àassunara, qui, vers 1VPJ, peinaient aprement
chacun aans son secteur, la colonie ne tendait
point 1 usueue main secourabie. Les Compa-
gnies de navigation ignoraient l'escale régulière
ae Sassandra. Avec le bac de Tiessalé, et le
détour de uagnoa. Sassandra était une terre
d'exil, et il J al tut la concession du colonel
Girod (1927-1928) pour que l'attention soit
enfin éveillée sur cette zone occidentale de la
colonie.
Le bassin du Sassandra étouffe aujourd'hui
d'opulence, mais le particularisme anormal
d'Abidjan ne lui a pas donné encore les
moyens économiques et rapides de réaliser les
voies de sa prospérité. Une caricature de
Wharf inutilisé, inutilisable, existe à Sassandra.
Depuis L'été dernier, sur un autre point de la
rade, un remblai en latérite a été élevé, long
d'une vingtaine de mètres, recevant à peine les
caresses des vagues expirantes. Il semble que
cette amorce soit abandonnée. Et les navires
qui mouillent en vue de ce paysage océanien
attendent que la pagaie rythmée des indigènes,
biomphant d'une barre néfaste aux charge-
ments, amène sous leur palan les produits à
embarquer. C'est ridicule et charmant. Mais
c'est aussi une honte. Nous pouvions l'accep-
ter en 1920. Nous ne pouvons plus apposer
notre aval sur cette traite, en 1937.
- •
< <
De Sassandra à Gagnoa, sur les 175 kilomè-
tres du parcours, après la scierie Schwander,
la route ne traverse plus la brousse, mais une
plantation ininterrompue. A l'effort des Per-
rot, des Josse, les indigènes ont répondu. Ils
sont devenus, à leur top, des colons. Une
innombrable armée de cacaoyers s'est emparée
de toute cette partie de la basse côte, avec
ses quartiers généraux à Soubré, lssia, Sinfra,
LaJeota, Divo, Gagnoa. En dix ans, cette
offensive victorieuse répond à celle qui fut
menée exclusivement par les indigènes dans
le cercle d'Abengourou : toute la basse Côte
d'Ivoire éclate aujourd'hui de prospérité : le
cacao, le café, le kola se Vendent. Le miracle
annoncé par M. Reste se réalise, les produits,
plantés dans les années de désespoir, sont
absorbés à pleins sabords par l' Europe. Il n'en
faut pas plus pour que le strict airain du soleil
ait fondu, dam un ciel heureux, toutes les
menaces de la tornade.
•%
Mais si les planteurs ont préparé, avec une
patience parfois héroïque, leur. actuelle pros-
périté — qui n'amortit pas encore d'ailleurs
leurs années de sacrifices — le gouvernement
local ne s'est pas préoccupé d'assurer parallè-
lement les voies de sortie du produit. Il était
dans le programme du Gouverneur Reste de
terminer la route Man-Duékoué-Buyo-Soubré-
Sassandra, 2lO kilomètres demeurant à cons-
truire sur les i50 du parcours total. Abidjan,
animé d'une passion honteuse, persiste à con-
traindre la région de Man à sortir par Port-
Bouët : 650 kilomètres.
Ainsi le bassin de Sassandra est-il dissocié,
incapable encore de mener un effort identique
en'faceur de son propre port. Le nouveau Gou-
verneur de la Côte d'Ivoire, M. Mondon, qui
fut directeur à Dakar des Affaires Economi-
ques de la Fédération, et qui semble de ce
fait porté vers les réalisations tangibles, saura-
t-ii imposer raison à Abidjan, et accorder ainsi
au bassin du Sassandra l'autonomie routière et
portuaire indispensable à sa prospérité défini-
tive ?
*
* »
Le voyage de la mission parlementaire dans
le bassin du Sassandra semble avoir été formel
à cet égard. A côté de la question de la main-
d'œuvre, que nous avons précédemment expo-
sée, la question de la vidange des produits est
très nettement, très impatiemment posée. Et
cela d'autant plus que des mesures regretta-
bles sont arrêtées à Abidjan, en ce moment,
contre Sassandra, comme l'interdiction d'y
décharger l'essence. administrative : près de
700 kilomètres de routes seront désormais à
parcourir pour ravitailler Sassandra, alors que
les navires jusqu'à présent déchargeaient direc-
tement !
Une solution d'urgence s'impose : construire
le port, ainsi que la route directe Sassandra-
Soubré. Cette route serait éventuellement le
chemin de service de la voie, ferrée en examen.
Elle permettrait, aux dires des techniciem,
l'établissement, en deux ans, des 200 kilomè-
tres jusqu'à Soubré. Ainsi toute la région occi-
dentale de la Côte d'Ivoire serait-elle équipée,
outillée, pour accomplir les fonctions qui lui
ont été demandées à l'instant où l'avenir de la
colonie pouvait paraître sombre à tous ceux
qui, isolément, librement, s'obstinaient à faire
surgir du sol cette richesse dont il est aujour-
d'hui inondé.
Nos colonies du groupe A.O.F— et ce
sera le thème de nos prochaines études, — ont
passé la puberté. Elles devraient marcher avec
le siècle, et disposer des moyens techniques
désormais mis entre les mains de tous ceux qui
en ont si instamment besoin. Il est inconceva-
ble que la crainte d'Abidjan d'abord, une cer-
taine timidité de pensée ensuite, continuent à
tenir prisonnier, bloqué derrière un fletwe, des
bacs, des routes saisonnières dont on n'est
jamais certain, un bassin si riche, capable à
lui seul d'intervenir pour moitié dans la pros-
périté de la Côte d'Ivoire. (à suivre.)
Raoul Monmarson.
1
Voir les Annales Coloniales des ':!!J janvier. 5,
2.1 et 26 février 1937. °
Le groupe colonial
de la Chambre
Le groupe colonial, qui a reçu 250 adhé-
sions, s'est reconstitué sous la présidence de
M. Léon Archimbaud. Il a complété son bu-
reau de la manière suivante :
Vice-présidents : MM. Léon Baréty, Au-
guste Brunet, Edouard Soulier, Michel Geist-
doerfer, Péri, Pinelli, Albert Dubosc, Scapini.
Secrétaires : MM. Gel lie. Baudouin-Bugnet,
André Baud, Cadic. Duchesne-Fcurnet, Pros-
per Blanc, Bloncourt.
Après une allocution du président le groupe
a estimé qu'il importait de mettre à l'ordre du
jour de ses prochains travaux :
1. La politique française en Extrême-Orient
et la question du Pacifique. (Le groupe de-
mandera à M. Albert Sarraut de venir faire un
exposé.)
20 La question des revendications coloniales
allemandes. (M. Auguste Brunet a été désigné
comme rapporteur de cette question.)
30 La question du port et du chemin de fer
de la Côte française des Somalis.
) -.- (
Autour du bulletin de vote
aux Algériens
Départ de la commission d'Enquête
Quatorze députés, formant la commission
d'Enquête, sous la présidence de M. Lagrosil-
lière, s'embarquent aujourd'hui pour l'Azé-
rie.
La commission procédera à l'étude appro-
fondie de l'opportunité du projet Viollette,
Elle compte rentrer à Paris par Port-Vend res
vers le 15 avril, après avoir séjourné à Cons-
tantine, Oran et Alger.
Le projet VioUette au Parlement
La commission du Suffrage universel a
nommé M. Baréty, par 13 voix contre 6 à
M. Larguier, socialiste, rapporteur du projet
et des propositions de lois relatifs à l'exercice
des droits politiques par certaines catégories
de sujets français en Algérie. M. Barétv est
opposé, en principe, au projet gouvernemen-
tal, mais accepterait éventuellement une
transaction sur la base d'un collège électoral
indigène.
La commission entendra demain le gouver-
nement sur cette question.
la mission parlementaire
rentre a, i. o. F. en France
La mission d'Enquête de Ja commission
des Colonies de la Chambre des députés a
retrouvé à Dalaba, le 16 février, M. Lucien
Gasparin, accompagné de M. Cerveaux. MM.
Quinson et Niel avaient rejoint directement la
France, le premier sur Brazza, le second par
avion, après un arrêt au Maroc.
Trois jours à Conakry, avec le privilège de
se rencontrer avec le général Denain, en tour-
née d'inspection aérienne en A. O.F. : le
trimoteur Bloch, piloté par le général lui-même,
permit aux membres de la mission de survoler
Conakry, sa zone vénitienne, et les îles de
Loos.
A Dakar le dimanche 21, durant les quel-
ques heures rituelles de l'escale, la mission fut
reçue à déjeuner par M. de Coppet, Gouver-
neur général, entouré de quelques notabilités
de Dakar. M. Galandou Diouf, député du
Sénégal, assista à ce déjeuner.
•%
La délicate réception de Mme et du Gou-
verneur Blacher, dans cette Guinée où tant est
à faire, la réception de la Chambre d'agri-
culture, et les dernières conversations sur les
sujets généraux qui règlent actuellement le sort
de notre Fédération d'Afrique occidentale,
ont permis à la mission, durant la traversée,
de condenser les impressions qu'elle a recueil-
lies depuis le début du mois dernier.
*%
Hier matin, venant de Conakiy sur le s/s
Canada, la mission d'enquête de la commis-
sion des Colonies de la Chainbrge a débarqué
à Marseille.
MM. Georges Nouelle, président, M. Lo-
zeray, vice-président, MM. Gasparin et Vin-
cent, ont ainsi terminé la mission qui leur avait
été confiée par leurs collègues.
La mission a ainsi visité le Soudan, la Côte
d'Ivoire, la Guinée, le Togo et le Dahomey.
Demain lorsque seront débattus devant le Par-
lement les intérêts vitaux qui commandent
aujourd'hui le destin de l'Empire, on peut
espérer que cette mission portera ses fruits et
aura donné aux hommes qui l'ont faite l'auto-
rité nécessaire pour exposer avec fruit leurs
vues.
Politique et qualité
J ,
'AI sous les yeux le nu-
méro du Journal de la
Marine Marchande où
a paru un article très
judicieux à propos de
la dernière Conférence
Intercoloniale de la
Banane Française.
Il y est question, et
c'est justice, des per-
fectionnements apportés aux manutentions et aux
transports de nos bananes : transformation de
l'Allier et de l'Ardèche, que j'ai connus comme
moutonniers rapides, mise en service du navire
Guyane, achat du Guadeloupe, construction de
deux autres bananiers rapides, prise en gérance
des trois Port ; tel est l'effort de la Compagnie
Générale d'Armement Maritime. Addition de
l'Edea à ses deux autres navires, tel est celui
de la Compagnie Cyprien Fabre. Addition du
Cap de Palmes et du Tamara à ses trois autres
navires, tel est celui de la Compagnie Fraissinet.
Il faut y ajouter l'effort de l'Agence Maritime
Henry Lesage, et de notre ministère de la Ma-
rine marchande qui construit à son tout deux
bananiers.
C'est un beau tableau, et dont il ne faut pas
diminuer l'importance. On a raison de montrer
quels risques court l'armement français quand il
se hasarde à des opérations de ce genre. Le.
Journal de la Marine marchande le démontre par
des chiffres, et fait remarquer une fois de plus
combien l'exploitation est rendue difficile par la
presque impossibilité de trouver du fret de retour
pour les bananiers. Rapprochons de ces initiati-
ves, les travaux entrepris dans nos ports pour
l'importation des bananes françaises, et nous nous
associerons aux éloges qu'on décernés aux uns
et aux autres, mes collègues et amis MM. Tau-
dière, Monnerville et Gratien Candace.
C'est là un aspect du problème et non des
moins essentiels. Il y en a un autre, celui de
la propagande à ce propos, la Conférence Inter-
coloniale a proposé l'institution d'une taxe de
2 centimes par kilo de bananes entrant en
France.,C'est peu de chose et c'est beaucoup. En
1936 sur 180.000 tonnes de vente, le C.I.B.
aurait récolté environ 3.500.000 francs qui au-
raient permis une fructueuse publicité.
Mais le point principal est celui-ci : la produc-
tion coloniale française dépasse la consommation
des bananes dans la métropole, et les prix sont
trop faibles pour que le plus grand nombre des
producteurs puissent y trouver leur compte, que
dis-je ? Puissent équilibrer leurs dépenses. Au-
jourd'hui est inquiétant, demain l'est plus en-
core. Les nombres sont implacables : ceux de la
production montent très vite et très haut, ceux
de la consommation baissent très rapidement ;
depuis 1932 où elle a atteint 224.000 tonnes,
elle a diminuée de plus en plus, bien que l'an
dernier, grâce à la propagande du C.I.B., elle
ait pu remonter à 180.000 tonnes.
Théoriquement, la solution qui se présente la
première est la suivante :
Adapter les chiffres de la production à ceux
de la consommation, possible ou probable, res-
treindre celle-là pour la mettre en correspondance
avec celle-ci. Ce n'est pas la meilleure, pour une
infinité de motifs. Celle-ci paraît préférable : aug-
menter la consommation pour la mettre en har-
monie avec la production possible ou probable, et
pour cela appliquer simultanément deux métho-
des : multiplier la propagande pour la banane
française, ne livrer au consommateur français que
de bonnes et belles bananes. La seconde condi-
tionne la première qui est inutile si les bananes
livrées au public ne le satisfont pas complète-
ment. Aussi les deux vœux émis par la Confé-
rence sont :
1° Suppression de la taxe de 0,15 par kilo
perçue à l'importation en France et destinée à
compenser les pertes que subissent les planteurs.
On peut discuter tant qu'on voudra ; le but de
cette mesure est apparent : il consiste, à ne pas
pousser inconsidérément les colonies à étendre les
bananeraies ;
20 Surveillance étroite et impartiale des bana-
nes et de leur emballage et dans les ports colo-
niaux, au départ, et dans les ports français, à
l'arrivée, de telle sorte que les fruits imparfaits
ne parviennent pas sur nos marchés.
Ces mesures sont présentées comme conformes
à J'intérêt du producteur, du transporteur, du
vendeur. Me sera-t-il permis d'ajouter : et du
consommateur ?
Qu'est-ce à dire sinon que nous retrouvons ici,
mutatis mutaudis, l'aspect général du problème
qui se pose pour d'autres produits de l'agricul-
ture non seulement coloniale, mais aussi métro-
politaine ? Un exemple, un seul me dispensera de
beaucoup d'autres. Le président du Groupe viti-
cole du Sénat a à peine besoin de rappeler quel-
les difficultés analogues présentait le problème
viticole. En accord constant avec nos collègues
de la Chambre, nous en avons réglé Je plus grand
nombre. Par quoi ? Par un certain nombre de
dispositions qui se ramenaient à un souci pri-
mordial : celui de la qualité. Politique de la qua-
lité, c'est tout un programme. La banane fran-
çaise sera sauvée par là.
Mario Roustan.
Sénateur de l'Hérault, ancien ministre,
Vice-président de la Commission
des Colonies.
M. Viénot en Tunisie
Le sous-secrétaire d'Etat a quitté Tunis
ce matin pour rejoindre Paris
Au cours d'une réunion organisée vendredi
par le comité du Rassemblement populaire de
l'unis, M. Pierre Viénot, sous-secrétaire
d'Etat aux Affaires étrangères, répondant à
un discours prononcé par M. Bouzanquet, se-
crétaire gênerai du Rassemblement populaire,
a déclare notamment :
Le gouvernement de la France, est aussi le
gouvernement du Front populaire pour la Tu-
nisie comme il l'est pour la France, et son
action ici s'inspire des principes qu'il appli-
que à la métropole.
Je sais bien ciue tous los problèmes qui se
posent à vous sont différents de ceux que le
gouvernement de Front populaire a normale-
ment à résoudre en France et que ce sont ,'.cs
problèmes particuliers qu'il s'agit de résoudre
d'abord.
Je sais bien que des adaptations sont néces-
saires et que l'action du gouvernement doit
tenir compte des réalités locales qui s'impo-
sent à vous comme à nous, mais je tiens à
dire très simplement que pas plus ici qu'en
France le Gouvernement ne laissera compro-
mettre les principes essentiels de son action.
Le sous-secrétaire d'Etat aux affaires étran-
gères a ensuite rappelé l'œuvre du gouverne-
r.vnit de Front populaire. Il a rendu hom-
mage à l'action du président du Conseil, et a
souligné que M. Guillon, Résident général,
a la pleine et entière confiance du gouverne-
ment.
Samedi, le sous-secrétaire d'Etat accompa-
gné de M. Guillon et de leur suite se sont
rendus à Kairouan.
Ils ont été reçus par les autorités civiles et
militaires ; les honneurs étaient rendus par
le bataillon du 48 régiment de tirailleurs tu-
nisiens.
A l'issue du déjeuner qui a eu lieu au con-
trôle civil, le ministre et le Résident général
ont visité la Grande mosquée, l'hôpital et la
mosquée du Barbier.
Enfin, hier soir, M. Viénot a prononcé au
poiste de Radio-Tunis un discours dont voici
l'essentiel :
— Je savais, dès avant mon départ que la
Tunisie connaissait une crise déjà ancienne
d'ailleurs, et qui s'étend presque à tous les
domaines de la vie publique.
Mon séjour, si court qu'il fut, m'a permis
d'en mieux comprendre certains aspects et
surtout d'en mieux pénétrer certaines causes.
le me suis convaincu que le mal est sé-
rieux, qu'il mérite toute notre attention et
que nous n'y porterons remède qu'en agis-
sant promptement et fermement.
Il s'agit d'abord d'y voir clair, de dissiper
les fumées que peut avoir laissé dans les
esprits la vieille erreur politique d'assimila-
tion avec les corollaires qu'elle comporte de-
vant un échec inévitable ; l'arbitraire et la
contrainte. Il s'agit ensuite de décider et de
réaliser les réformes qui remettront les cho-
ses en place et d'assurer à la population des
moyens normaux d'existence. Il s'agit, dans
tous les domaines , de créer une effective et
indissoluble solidarité franco-tunisienne, une
politique de détente dont le succès s'est affir-
mé au cours de ce voyage par les acclama-
tions qu'il a values à la France qui a créé
l'atmosphère favorable. Il s'agit maintenant
de réaliser.
Des abus graves que nous devons corriger
proviennent d'une certaine indécision, d'un
certain relâchement dans la conduite des
affaires gouvernementales et administratives,
qui étaient dus eux-mêmes pour une large
part, à un manque de clarté dans la politique
de la France. le dis bien : la politique de
la France, et je rappelle ainsi un principe
à la fois simple et essentiel, mais que cer-
tains ont pu parfois paraître oublier. Ce prin-
cipe, c'est que c'est la France, la France re-
présentée par son gouvernement, qui par
l'entremise dit Résident général, exerce le
protectorat et est seule dépositaire des pou-
voirs et attributions qu'il implique.
Dans le même ordre d'idées, deux fonction-
naires de France vont recevoir mission d'étu-
dier les contrats qui lient à l'heure actuelle
l'Etat tunisien et les sociétés concessionnaires
des services publics. Ils feront rapport au
résident sur la gestion des compagnies et sur
les moyens juridiques de remédier, soit par
des avenants aux contrats, si les intéressés
s'y prêtent, soit par tous autres moyens :ltri.
diques, aux abus évidents de la situation pré-
sente.
Nous sommes décidés, par ailleurs, à faire
respecter par tous les moyens de droit les li.
mites que la loi a fixées aux agitations hos-
tiles ou aux propagandes mensongères.
——————— ) ———————
AUDIENCES
A L'ELYSEE
Le président de la République a reçu ven-
dredi Mgr Leynaud, archevêque d'Alger.
Toutes les Chambres d'agriculture ne sont pas les ennemies achar-
nées de l'Empire colonial français. Celle des Landes, notamment. Elle
se souvient sans doute que l'un parmi ses parlementaires fut ministre
des Colonies.
Ayant pris connaissance de la déclaration des Délégations agricoles
métropolitaine et d'outre-mer, la Chambre d'agriculture des Landes
a émis, en effet, le vœu suivant :
Que soit établi un tarif douanier qui permette à notre économie impériale de
se développer et que les Pouvoirs publics assurent immédiatement dans notre lEmpire
colonial, par un soutien efficace et durable de 10 à 15 ans, la production des marchan-
dises que nous allons chercher à l'étranger comme : le coton, la laine, le café, le
caoutchouc, les agrumes, etc.
Les Chambres d'agriculture de Belfort, de la Saône-et-Loire, du
Tarn-et-Garonne, de la Haute-Garonne ont émis un vœu identique.
Mais ceci se passait au début de l'année dernière, en 1936 !
Les événements ont marché depuis lors, contre ces vœux pro-colo-
niaux, contre nos colonies mêmes. Le tableau de chasse est déjà beau:
introduction inopinée de milliers de tonnes de bananes des Canaries, en
décembre dernier, contingent d'arachides étrangères, abaissement de
certains droits de Douane.
L'Economie coloniale est en péril.
QueUe action prendra donc un jour la place de ces vœux éternels,
éternellement stériles ?
"--. Têt 1937 "-'
et'le devin chinois
.-TC3XB - - ca»»- - -.
- Aube - de la nouvelle année chinoise
A d'autres, tueurs d'hommes, l' usage des
canons et des engins de guerre. Ici les hommes,
tueurs impitoyables de chimères, assourdissent
le mauvais esprit à force de coups de gongs,
l'épouvantent et le mettent en déroute par le
tumulte dies pétards. Css hommes d'Extrême-
Asie ont jeté le pont entre les vivants et les
morts. Pendant la semaine du Têt, consacrée
au repos, on prend en quelque sorte ses vacan-
ces dans l' au-dela. Pas de frais de voyage. Pas
d'encombrement à redouter vu que les âmes ne
tiennent pas de place.
Une semaine de liesse, ce Têt, pendant la-
quelle l'Annamite vêtu de neuf se refait une
âme allégée des craintes et des fantômes qui
ont grandi au cours de 'l'année passée. Les an-
cêtres, paisibles vivants d'autrefois, morts in-
tranquilles d'aujourd'hui, participent aux ri-
pailles et à la chasse au ma-cui.
Si j étais d aventure le ma-cui, je me sen-
tirais fort en danger. Comment résistera-t-il
aux embûches semées sur son chsmin ? Com-
ment ne sera-t-il pas cerné, dépisté, traqué cet
hôte invisible des forêts où il rôde en compa-
gnie de la fièvre et du serpent ; des eaux
lisses et bleues dans les profondeurs desquelles
s'embusquent la tempête, le typhon et le ser-
pent de mer ? Qu'il essaie de s'enfuir ! Mais
il sera empalé par le toit crochu des pagodes.
Cependant il ne meurt jamais tout à fait.
Et enchaîné à sa proie comme un étrange es-
clave à un maître impuissant, il reprend bon
gré mal gré le chemin de terre.
Têt. Les rues sentent le nuoe-man, l'encens
des bâtonnets votifs ; les petites filles portent
des cai-ao neufs aux couleurs briIJantes comme
le plumage de l'oiseau des rizières. Elles sont
coiffées d'un fichu de soie noué chastement
sous le menton La terre cochinchinoise se meurt
de langueur si de sécheresse. Le soleil a tout
brûlé, sauf ces fleurs de lotus qui se balancent
comme des barques fragiles à la surface de
l'étang.
Février 1937 pour nous d'Occident.
Pour eux l'année du buffle. : symbole de la
paresse, ou de la force tranquille, ou du tra-
vail éternel de la terre sous le soleil fécond
des tropiques.
A Saigon, sur la place du Marché, un vieux
Chinois vous vend en ce jour faste le secret
de votre destin. C'est bien le seul commer-
çant qui ait gardé boutique ouverte pour la
semaine du Têt qui fait les rues plus silen-
cieuses qu'un dimanche en terre saxonne. Bou-
tique ouverte ? C' est-à-dire quelques cartes
étalées sur la terre chaude, encore humide de
crachats de bétel, l'homme-prophète, tel un
Bouddha, est replié sur ses jambes à l'ombre
d'un parapluie vert.
— Vous voulez du bonheur ?
N'est-ce pas dans tous les pays du monde
la denrée qui subit le plus de variations, et pour-
tant la plus universellement demandée ? Le
vieux Chinois à l'ongle mandarinal vous en
vend : dix sous, une piastre, suivant les cas.
Un jeune intellectuel portant casque, cravate
et chaussettes a la promesse de son baccalau-
réat en fin d'année. Il ne saura qu'en faire.
Mais cela n'est plus l'affaire du prophète dis-
tingué.
Puis la petite fille au brûlant cai-ao de soie
vient acheter pour dix sous de bonheur.
(Comme les enfants, dans les jardins publics
d'avant guerre, achetaient pour deux sous
d'oubli). C'est dit : la petite fille épousera
le jeune intellectuel de son choix contre la
volonté du père.
— Mais le bonheur ?. Ma petite, il fallait
acheter hier des pétards pour chasser le ma-cui.
Aujourd'hui. toutes les boutiques seront fer-
mées. C'est ta faute. Les petites filles sont
étourdies.
Ainsi parle le vieux Chinois. Pendant qu'il
parle, le soir est tout à fait descendu: et, dans
la nuit chaude d'Extrême-Asie, de Saigon à
Cholon, le bruit des pétards, fusillade surnatu-
relle, se mêle aux longs cris des jonques sur
le fleuve. Dans la campagne, aux feux de
brousse nés de la chaleur, s'envolent des spira-
les de fumée : c'est la fumée des objets votifs,
animaux fabuleux, pagodes chimériques, bottes
de sept lieues à l'usage des bons génies.
— L'année du buffle sera prospère, a dé-
claré le vieux marchand de bonheur. Paddy,
caoutchouc, maïs, tout concourt vers une nou-
velle prospérité. Saigon retrouve la veine des
plaisirs et de la fortune qu'envieront les hom-
mes inquiétants d'Occident.
Seul ce ma-cui encore à l'affût.
D' accord avec la petite Annamite en robe
verte, je découvre un marchand d'artifices qui
nous permet d'assurer notre destin. C'est à ce
moment que me revient en tête le mot d'un
philosophe annamite : « Le Chinois, inventeur
de la poudre, l'utilise pour fabriquer des feux
d'artifices ; l'Européen tire de cette invention
la fabrication des canons : le premier et le
plus caractéristique des signes distinctifs entre
l'Orient et l'Occident. »
De retour chez moi, j'ouvre mon paquet
de munitions contre le ma-cui. Avec de telles
armes, comment l' année du buffle ne serait-elle
pas prospère ? J'incline vers l'optimisme.
Mais une marque sur chaque enveloppe
rouge, aux couleurs du Têt, me rappelle à la
dure réalité : « Made in Germany ». Est-ce
que le ma-cui ne va pas se moquer des pétards
confectionnés par des mains impures ?
Indifférents à ces scrupules, les pétards ont
éclaté toute la nuit. C'est le matin. Le buffle
aux larges cornes, pétri de terre et d'eau, et
venu lentement vers notre siècle de fer du fond
de la préhistoire, porte un petit enfant en-
dormi sur son dos. Qu'un visage blanc appa-
raisse sur la digue, du plus loin que le buffle
le voit, un éclair d'intelligence secoue la masse
pesante de son corps, et il le charge.
Mais contre buffles et ma-cui, selon le devin
chinois, que l' année nouveUe soit propice à la
France d'Asie.
Christiane Fournier.
Le général Noguès
vient en France
Appelé par la séance du Haut Comité Mé-
diterranéen qui, ainsi que nous l'avons annoncé,
doit siéger le 9 mars à Paris, le général No-
guès, Résident supérieur de France au Maroc,
a quitté Casablanca samedi par Chella.
ACCIDENT DE LA ROUTE
AU MAROC
Un grave accident d'automobile s'est pro-
duit vendredi soir, sur la route de Rabat à
Casablanca. La voiture dans laquelle se
trouvaient Si Mohamed. Filali, kalifa du pa-
cha de Casablanca ; M. Henri Rainal-
dy, collaborateur de la Vigie Marocaine. et
Mme Rainaldy, en voulant éviter une camion-
nette, fit une eieirdée et tomba dans un
oued. Les trois voyageurs sont très griève-
ment blessés.
> -+- (
LE STATUT DU SANDJAK
D'ALEXANDRETTE
Le Comité de la S. D. N. chargé de cette
question, a siégé pendant deux jours sous la
présidence de M. Bourquin, expert belge.
Samedi les experts ont décidé d'interrom-
pre leurs séances pour une huitaine de jours
après une étude préliminaire qui a surtout
consisté dans la discussion d'un projet turc
apporté à Genève par M. Numan, secrétaire
général du ministère des Affaires étrangères
de Turquie. Ce projet a une allure très démo-
cratique, il accorde, dès l'âge de iS ans, le
droit de vote aux hommes et aux femmes.
Devant la nature de ce projet, M. Robert de
Caix, délégué français, a jugé nécessaire de
consulter le gouvernement. Il rentre à Paris
samedi soir.
D'autre part, le comité d'experts a prié le
rapporteur au conseil de convoquer à Genève
les observateurs de la S. D. N. qui se trou-
vent dans le sandjak, afin de profiter de leurs
avis. On pense que ces observateurs pourront
arriver à Genève dans le courant de cette se-
maine.
Pendant cet ajournement il est probable flue
des négociations quamt à ce nouveau projet
seront menées par la voie diplomatique entre
Paris et Ankara.
liberté individuelle
et liberté du travail
à Tahiti ',\
par Roger Bourgeois.
Trois jours après sa proclamation de délé-
gué de Tahiti au Conseil Supérieur, le séna-
teur Sari faisait immédiatement une première
intervention publique pour cette malheureuse
colonie, sous forme de deux questions écrites,
signalées ici le 9 février et que nous rappe-
lons à l'occasion de la répanse ministérielle :
N° 4098. — M. Emile Sari sénateur, de-
mande, le 4 février 1937, à \1. le ministre
des Colonies : 1° si les citoyens français
perdent leur droit au bénélice des lois fran-
çaises du fait de leur venue dams une colo-
nie française ; 2° si le code d'instruction
criminelle applicable dans une colonie fran-
çaise permet à un magistrat : a) de décerner
un mandat d'arrêt et d'incarcérer sans
enquête et sans aucun interrogatoire un
aitoyen français métropolitain, jouissant de
la plénitude de ses droits civils et politi-
ques ; b) de le mettre au secret pendant
vingt jours; c) de l'inculper avant et sans
même l'avoir entendu ni interrogé; d) de
le garder au régime de la détention cellu-
laire ; e) de l'interroger plus de six jours
après son incarcération ; f) de le main-
tenir en détention depuis 75 jours ; g) de
refuser depuis 75 jours de le confronter
avec son accusateur, individu notoirement
taré, détenu depuis six mois pour crime
qu'il a avoué et reconnu : h) de refuser
de verser à l'instruction un document ad-
ministratif qui établit le caractère invrai-
semblable et de plus impossible des accusa-
tions de ce détenu.
Réponse du 26 février. - 409S - M. le
ministre des Colonies a l'honneur de faire
connaître à M. le président du Sénat qu'un
délai lui est nécessaire pour rassembler les
éléments de la réponse à faire à la ques-
tion écrite n° 4098, posée le 4 février 1937,
- par M. Emile Sari, sénateur.
Depuis plus d'un an, nous avons dénoncé
dans ces colonnes, les scandaleux abus judi-
ciaires rendus possibles à Tahiti, parce que
n'y avaient pas cours les lois françaises sur
l'instruction criminelle et la liberté indivi-
duelle, et dont inlassablement, nous avons de.
mandé la promulgation locale afin- que les
citoyens français jouissent dans la coJonie,
des garanties qu'ils ont en France.
Aucune décision en ce sens n'est intervenue
et, naturellement, grâce au régime d'excep-
tion qui continue, de nouveaux abus viennent
d'avoir lieu, comme le montre (pour une
part), la question du délégué.
Par contre, avons-nous eu la stupéf^^,
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