Titre : Les Annales coloniales : organe de la "France coloniale moderne" / directeur : Marcel Ruedel
Auteur : France coloniale moderne. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1906-03-22
Contributeur : Ruedel, Marcel. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32693410p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 11726 Nombre total de vues : 11726
Description : 22 mars 1906 22 mars 1906
Description : 1906/03/22 (A7,N11). 1906/03/22 (A7,N11).
Description : Collection numérique : Bibliothèque Francophone... Collection numérique : Bibliothèque Francophone Numérique
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Appartient à l’ensemble documentaire : RfnHisg1 Appartient à l’ensemble documentaire : RfnHisg1
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6374938n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC12-252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/11/2012
78 ANNÉE N° 11.
PRIX
F-rcmce: 15 eent. --
Etranger et. -Colonic-s-: 30 cent.
JEUDI 22 MARS 1906.
m
"', ,'.
Les Annales Coloniales
Tous les maridats doivent être adressés att nom
de M. l'admnistrateur, toutes les communica-
tions concernant la rédaction au nom de M. le
Rédacteur en chef.
JOXJR.3STA.3L. IîBB330]yC-A.IDA.IR.E!
Paraissant tous les Jeudis
Rédacteur en Chef l^iuriçe RUZIÉ
4, Galerie d'Orléans (Palais.oyal, PARIS 1er)
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ABONNEMENTS
un an b mois
FRANCE 8 fr. 4 fr. 50
ETRANGER ET COLONIES. 12 » 8 fr,
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LA COLONISATION OFFICIELLE
EN ALGERIE
Depuis qu'il est à la lêlc du gouver-
nement général de l'Algérie, M. Jonnart
poursuit avec la plus grande activité l'am-
vre de colonisation et de peuplement que
la France a entreprise dans l'Afrique du
nord. Ses prédécesseurs. et Dieu
sait si la liste en est longue ! ont gé-
néralement considéré le développement
de la colonisation agricole par des Fran-
çais commeune tâche essentielle ; mais
aucun d'eux ne s'était peut-être adon-
né à cette tâche avec autant d'ardeur et
de persévérance que l'a fait M. Jonnart.
Sous son impulsion, la colonisation of-
ficielle a pris un nouvel essor et sera
certainement féconde en bons résul-
tats.
Dissipons immédiatement une confu-
sion possible. La I( colonisation offi-
cielle » ne se propose point de peupler
l'Algérie de laboureurs fonctionnaires.
Le colon libre, que l'on oppose aussi
quelquefois au forçat, est celui qui loue
une terre exactemen t comme il le ferait
en France, sans prendre aucun engage-
ment vis-à-vis de l'administration et
sans recevoir d'elle la moindre faveur.
Le colon officiel, au contraire, est celui
qui n'a pas assez de ressources pécuniai-
res pour pouvoir se passer de tout appui ;
il obtient une concession gratuite ou
achète une terre dômaniale à bas prix et
se libère par annuités; en échange de
ces avantages, il contracte certains en-
gagements qui ont beaucoup varié de-
puis soixante-dix ans, selon que tel ou
tel système de colonisation était en fa-
veur.
En attirant des émigrants en Algé-
rie, l'administration se propose de haler
la mise en valeur des territoires encore
vacants, d'augmenter la richesse de la
colonie en développant ses productions
et son commerce, en un mot, de tirer
le meilleur parti de ses ressources natu-
l'elles, Mais tel n'est pas son unique but
et M. Jonnart recherche un autre résul-
tat plus urgent peut-être. Il veut lutter
contre l'élément étranget., exlrème-
ment nombreux dans l'Afrique du Nord
en lui opposant une population françai-
se assez dense pour que la fusion des
races puissent s'opérer à notre profit. Il
importe, en effet, que nous soyons as-
sez forts, sur cette terre dont la conquê-
te et l'organisation ont été si difficiles,
pour assimiler les Espagnols, les Italiens
les Anglo-mullais qui s'y sont fixés,c'esL
à dire pour leur imposer nos mœurs et
notre esprit, et en faire, après deux ou
trois générations, de véritables Fran-
çais.
Pour opérer cette francisation, le fait
de détenir le pouvoirpolitique et (rim-
posernotre langue constitue un premier
avantage de la plus haute valeur, mais
cet avantage n'est pas entièrement suf-
fisant, et la supériorité numérique nous
est aussi indispensable. Il faut ensuite
que cette supériorité soit assurée, non
pas par un élément lâche et flottant,
mais par une population stable, forte-
ment attachée au sol et décidée à faire
souche dans la colonie. Or, si l'intérêt
nnl'CH"\nno\ îricni ro Isa nlnnnrt. ilftS !tf)fS
|^\;i OVUUVl V j/w* v
de l'homme, là propriété constitue, en
particulier, un levier singulièrement
puissant. Une population de petits pro-
priétaires sera presque fatalement sta-
ble, laborieuse, fidèle à ses traditions.
Elle pourra, mieux que toute autre, con-
server la suprématie économique et mo-
rale dans la région où elle est fixée.
Telles sont les considérations qui sem-
blent avoir inspiré à M. Jonnart la réso-
lution de consacrer lemoilleur de ses ef-
forts au développement de'la petite co-
lonisation agricole et au peuplement lie,
l'Algérie par des Français,
Il suffit d'ailleurs, pour apprécier
l'importance d'une telle politique, de je-
terun coup d'œil sur la composition de
la population algérienne.
Lors du dernier recensement, en
mars 1901, cette population s'élevait à
4.739.331 habitants, dont4.072.089 in-
digènes sujets français. Sur les 660.000
liabitants européens ou d'origine euro-
péenne, on compte seulement 292.464
Français (44 pour 100), puis 57.132 Israé-
lites jouissant de la qualité de Français,
depuis le décret de naturalisation de 1870,
71.793 étrangers naturalisés, et 248.853
étrangers non naturalisés.
Il est extrêmement difficile d'appré-
cier les caractères d'une population aussi
bigarrée, car il faudrait juger, pour cela,
du degré de francisation des 129.000
naturalisés, Israélites et au 1res, il faudrait
savoir si parmi les 248.853 individus
ayant conservé leur nationalité d'origine,
il ne s'en trouve pas qui soient beaucoup
plus Français de cœur qu'un grand
nombre de ceux qui sont devenus ci-
toyens Français par pur intérêt ou par
la volonté de la loi.
Les statistiques officielles relati ves à
la répartition de la population par dé-
partement nous disent que l'élément
français représente 70 pour 100 dans
le département d'Alger, 51,6 pour 100
dans celuid'Oran, et 74 pour 100 dans
celui de Conslantine, Si tous ceux
que le recensement compte comme
français sont réellement dignes de cette
qualification, la situation ne serait évi-
demment pas désavantageuse. Mais en
faisant abstraction des naturalisés, nous
trouvons : dans le département d'Al-
ger,124.000 Français d'originc et 73.000
étrangers non naturalisés; dans celui
d'Oran, 89*000 Français et 135.000 é-
trangers (dont 102.000 Espagnols) ; dans
dans celui de Constantine, 78.000 fran-
çais et36.000 étrangers (dont 21.000 Ha-
liens). Il n'est donc pas douteux que
l'accroissement de la population fran-
çaise de l'Algérie, spécialement dans la
province d'Oran, ne soit impérieuse-
ment nécessaire.
On ne saurait évidemment songer à
limiter l'immigration étrangère en Al-
gérie, même par des procédés détournés,
comme ceux dont on use en Australie.
Des nécessités politiques et économiques
s'y opposent formellement. 11 ne reste
donc qu'un moyen de lutter efficace-
ment contre l'influence des autres ra-
ces : le peuplement par des Français, ht
la colonisation libre se montrant insuf-
fisante à assurer ce peuplement dans la
mesure nécessaire, le gouvernement est
nécessairement conduit à pratiquer la
colonisation officielle telle que nous l'a.
vons définie. C'est pour lui nn devoir
d'aulant plus net qu'on ne saurait le con-
sidérer comme une intervention abusi-
ve de la part de l'Etat, puisque cette co-
lonisation ne porte atteinte à aucune li-
berté individuelle. Les contribuab les
eux-mêmesn'en souffrent point, car les
dépenses affectées à ce service sont rela-
tivementminimes et qu'elles sont pres-
que exclusivement absorbées par des
travaux que nous énumérerons tout à
l'heure et que les économistes les plus
libéraux ne sauraient denier à l'Etat le
droit et même le devoir d'accomplir.
..*.
La colonisation officielle a le choix
entre deux systèmes pour attirer des a-
griculteursdans une région : la con-
cession gratuite et la vente. Ces deux
systèmes ont été pratiqués en Algérie,
soit successivement,soit si mu ltanément.
Dès les premières années de l'occupa-
tion française, on commença à distri-
buer des lots de. terre dans la banlieue
d'Alger. Cette distribution se faisait à
titre purement gratuit, sans condition
etun peuau hasard. C'est seulement
en 1835 que le maréchal Clauzel prit
un arrêté décidant que chaque lot au-
rait une étendue moyenne de 4 hecta-
res, que le mèllie individu pourrait ob-
tenir un, deux ou trois lots, selon ses
ressources, enfin que les concessionnai-
res devraient défricher leurs terres et
les mettre en valeur, En 1841, le maré-
chal Bugeaud précisa cette réglementa-
tion ; il n'accorda aux concessionnaires
qu'un titre de propriété provisoire, leur
interdit de vendre ou d'hypothéquer et
leur imposa l'obligation de résidence.
Par contre, il octroyait quelquefois aux
colons peu fortunés des subsides pour
frais de premier établissement.
La République de 1848 aborda et
trancha le problème de la colonisation
avec la même hâte irréfléchie que toute
les grandes questions sociales qu'elle
croyait pouvoir résoudre instantané-
ment et d'une façon irréprochable. Une
somme de 50 millions fut affectée à l'in-
tallation de sans-travail en Algérie ;et
lion expédia au-delà de la Méditerranée
une foule de pauvres gens dont beaucoup
LES PEINTRES ORIENTALISTES ET COLONIAUX.
Joseph-Féli* ÊOUCflOÇ.
Joseph-Félix Bouchor fait bonne ligure au premier rang des peintres errants qui
ont conq uis leur renommée à la pointe de leurs pinceaux, sanssouci des écoles, en
dehors de toutes les coteries, amoureux du beau, curieux des terres lointaines et
des visions nouvelles.
Né à Paris d'un père marseillais qui fui médecin à l'ile Maurice et d'une mère
créole, il quitta de bonne heure la capitale pour s'embarquer à Nantes, abord d'un
trois-mats barque, le Lamantin, tL destination de l'Amérique duSud. De ce premier
voyage en Argentine par Buenos-Ayres, le Rio de la Plata, leRio-Negro, etlcs pam-
pas immenses, il revint par la Martinique tout imprégné de sensations nouvelles qui
devaient l'entraîner au loin une fois ses études terminées.
Incapable de se soumettre à aucune école, il cul pour modèle l'univers et pour
maître la nature. Après de brillants essais (Paysagesde la Forêt de Fontainebleau,
reçus d'emblée aux Artistes français), il passa la Méditerranée et en rapporta des
vues de Ouargla, de Biskra, de Touggourt, pleines de lumière, de soleil et de vie.
Le Caire, les Pyramides, le ciel d'Egypte tentèrent et retinrent son pinceau étin-
celant jusqu'au jour où il suivit Foureau dans le M' Zabet à Mellili des Chambaa,
d'où il rapporta une splendidc moisson.
Il a, depuis lors, abandonné les expéditions au-delà des mers pour travailler à
Preneuse où son beau talent trouve ample matière et affirme une fois de plus son
originalité.
Ses récompenses, les voici : Mentionné en 1888, médaillé à l'Exposition univer-
selle et deuxième médaille au Salon l/année suivante, - inéduille d'or à l'Expo-
sition de Hotlen 1895,–nouvelle médaille à l'Exposition Universelle de 1900,
chevalier de la Légion d'Honneur.
Ses principales œuvres achetées par l'lat sont : Les paysans normands sar-
clant leurs champs, au ministère des Travaux publics, –Y Avril au Musée de
Gray, –XAurore de Mai au Musée de lloucn. - Campement de nomades sa-
hariens au Musée de Digne, Y Oasis de Biskra au Musée de Nemours, etc. etc.,
enfin quaLrc envois au dernier salon des orientalistes qui l'ont conlirmé un mai-
tre : portraits de gem de Biskra, l'octsis (Biskra), Alger, –la Mosquée de
Sidi-Abderrahman. H.
n'avaient jamais vu de charrue et que la
caricature a représentés labourant en
chapeau haut de forme etun pflraplll ie à
laniaiu. Presque tous échouèrent d'ail-
leurs à cause de leur parfaite ignorance
de toute culture.
Quand le maréchal Kaudon réorga-
nisa le régime des concessions, en 1851,
on évalue à. plus de 40.000 le nombre
des colons qui étaient venus s'installer
en Algérie depuis dix ans. Mais ce résul-
tat était bien plutôt l'œuvre de Bugeaud
que celle de l'Assemblée de 1848. Ran-
don commença par accorder aux conces-
sionnaires un litre de propriété immédiat,
sauf déchéance en cas d'inexécution des
conditions. Un décret de 1852 compléta
la réorganisation du régime des con-
cessions en demandant aux futurs co-
lons de justifier d'un capital suffisant
pour défricher leur lot et attendre les
premières récoltes.
Mais on s'avisa bientôt que la liberté
absolue du colon serait peut-être préfé-
rable à la surveillance administrati ve
qui est le corollaire forcé du système de
la concession gratuite. En 1860; tous
les concessionnaires antérieurs étaient
affranchis en bloc des obligations qu'ils
avaient contractées en ce qui concerne
les plantations et le mode de culture.
La concession gratuite ne subsista que
pour les anciens soldats et pour les ré-
gions entièrement vacantes, avec fixation
à 30 hectares de l'étendue maxima de
chaque lot. Pour les autres colons et
pour les régions déjà peuplées, la vente
à prix fixe devenait le mode normal
d'attribution des terres. Toute personne
pouvait devenir propriétaire d'un lot et
en disposer à son gré en payant immé-
dialement le tiers de la valeur de ce lot.
eten s'engageahl à se libérer des deux
autres tiers dans un délai de deux ans.
Malgré les quelques modifications de
détailqu'on apporta à ce régime en 1863,
on ne tarda pas à s'apercevoir qu'il don-
nait des résultats déplorables au point
de vue du peuplement : la plupart des
terres vendues passaient aux mains des
indigènes. En négligeant l'accroisse-
ment de population des centres anciens,
on put constater que les villages créés
de 1860 à 1870 n'avaient retenu, au to-
tal, que 4.500 colons. Il fallait revenir
au régi me de la concession gratuite,
puisque l'inlérèl général de la colonie
souffrait de lalibcrlé absolue laisséeaux
acquéreurs de terres, lesquels ne réali-
i
saient d'ailleurs pas toujours de très
brillantes opérations.
Les Alsaciens-Lorrains furent les pre-
miers à profiter de ce revirement. Une
loi de juin 1871, complétée par un dé-
cret du mois d'octobre suivant, leur
tribuait cent mille hectares de terre"
sous la seule condition de posséder5.000
fr. au moment de leur entrée en jouis-
sance et de cultiver eux-mêmes leur
concession.
En dehors des Alsaciens-Lorrains, le
système de colonisation adopté en 1871
admettait les étrangers à solliciter des
concessions gratuits, et il proportion-
nait l'étendue de chaque lot à la compo-
sition de la famille, chaque personne, y
compris les serviteurs, recevant de3 à
10 hectares. Le concessionnaire était
considéré comme locataire pendant neuf.
ans, après quoi il recevait un titre de
propriété.
En 1874,le maximtim est lixé à 50 hec-
tares et le minimum à 20 ; l'obliga-
tion de résidence est limitée à cinq ans,
avec interdiction de vendre à un indigè-
ne pendant cinq autres années. On a é-
valué à 30.000, le nombre des colons
qui s'installèrent en Algérie sous le ré-
gime des décrets de 1871 et de 1874.
Le système adoplé en 1878 est celui
qui est resté en vigueur le plus long-
temps ; il n'a été abrogé qu'en 1904. Ses
principales dispositions étaient les sui-
vantes : refus de concession aux étran-
gers non natul'alisés, maximum des lots
fixé à 40 hectares pour les lots de villa-
ge et à 100 hectares pour les lots de fer-
me, exigence d'un capital de 150 fr. par
hectare pour les lots de ferme, obliga-
tion de résidence, et délivrance du titre
de propriété au bout de cinq ans. Le
décretde 1878 adoptait donc la conces-
sion gratuite comme régimenormal. Il
ne prévoyait la vente aux enchères que
dans quelques cas exceptionnels : pour
les régions impropres à la création de
villages par exemple, ou pour les proprié-
lés des concessionnaires frappés de dé-
chéance ou poursuivis par des créanciers
hypothécaires.
M. Jules Legrand, rapporteur du
budget de l'Algérie à la Chambre
des députés, appréciait , l'an der-
nier, le décret de 1878 en termes llat-
teurs, et il semble, en effet, que ses élo-
ges soient justifiés par les résultats ob-
tenus en Algérie de 1878 à 1904 :
r-i ii 'i • • « Il
« ueue regiemeniauon, aisau-u, a
été appliquée pendant vingt-six'ans.Elle
a permis de donner une grande exten-
sion à la colonisation en faisant un ap-
pel aux ressources domaniales et en
créant de nombreux villages dont le ré-
seau s'étend aujourd'hui jusque sur les
hauts plateaux. On a distribué, pendant
cette période, tant dans les nouveaux
centres que dans l'es agrandissements
d'anciens centres, une superficie totale
de 373.725 hectares et la population
rurale a été augmentée, du fait seul de
ces créations et agrandissements, de
plus de 43.000 personnes. D'autre part,
un courant régulier d'immigration s'est
établi dans la métropole ; restreint d'a-
bord aux départements méridionaux, il
commence a gagner progressivement
les régions du centre, de l'est et du nord;
chaque année, les demandes en con-
cession de terres deviennent plus nom-
breuses et il n'est même plus rare de
voir des Français émigrés dans l'une ou
l'autre des deux Amériques, s'adresser
au gouvernement général pour sollici-
ter un lot agricole qui leur procurera
en Algérie les avantages qu'ils avaient
été vainement chercher en pays étran-
ger. »
.**
On a dit du décret du 13 septembre
1904 qu'il substituait le systè me de la
vente à celui de la concession gratuite,
et que celle-ci allait devenir excep-
tionnelle. Cette appréciation nous sem-
ble exagérée, et nous n'en voulons
pour preuve que le programme de colo-
nisation de 1904 qui, sur 800 hectares
de terres, en réserve 500 pour les con-
cessions gratuites, el ILen attribue que
300 à la vente à bureau ouvert.
En réalité, la nouvelle réglementation
admet concurremment les deux systè-
mes sans donner à l'un ou à l'autre une
grande prépondérance comme le fai-
saient les régimes antérieurs.
De nombreux arguments ont été in-
voqués en faveur de la vente : outre
ses avantages pécuniaires pour le bud-
get de la colonie, elle évite à l'adminis-
tration un choix très délicat entre les
solliciteurs de concessions : elle écarte
les gens peu sérieux qui n'ont pas véri-
tablement le désir de coloniser ; enfin
elle s'oppose à la supercherie du spécu-
lateur qui demande une concession
pour la vendre dès qu'il a plus ou moins
consciensement rempli les conditions qui
lui avaient été imposées. Mais il ne faut
pas oublier, d'autre part, que, malgré
ses inconvénients, la concession gratuite
a son intérêt pour le petit cultivateur
dont les frais d'installation et les pre-
miers travaux auront vite absorbé le
modeste pécule ; elle a surtout son in-
térêt pour la colonie en ce qu'elle con-
tribue puissamment à renforcer l'effec-
tif des agriculteurs, en ce qu'elle répond,
selon l'heureuse expression de M. Jules
Legrand, à une « nécessité de peuple-
ment ». Le régime inauguré depuis
moins de deux ans s'est efforcé d'attri-
buer à chaque système la part qui doit
lui revenir. C'est dans son absence
d'exclusivisme que réside sa supériorité
essentielle sur les système antérieurs.
Une des dispositions les plus impor-
tantes du décretde 1904 consiste dans
j la suppression de tout maximum dans
1 étendue des lots. Une règle uniforme
ne serait en effet concevable que si [' Al-
gérie toute entière était composée de ter-
res présentant des avantages identiques
et douées de la même fertilité, ce qui
est loin d'être exact. Actuellement, la
seule limitation aux pouvoirs du gou-
verneur général est l'exigence d'un dé-
cret spécial pour les lots dépassant 200
hectares. ;
.:: concessions
En ce qu: concerne, ',.tes concessions
gratuites,eHes ne peuvent êlreaccordécs
qu'à un Français,chef de famille, n'ayant
jamais été concessionnaire ou acqué-
reurde terres de colonisation, possédant
des connaissances agricoles, et pouvant
disposer de 5.000 fr. D'autre part, le
concessionnaire doit s'engager à résider
dixans sur sa concession et à ne pas la
louer à des indigènes pendant une nou-
velle période de dix ans : par contre, le
colon peut céder ses droits à toute per-
sonne remplissant les mêmes conditions
que lui et contractant les mêmes obliga-
tions.
L'acquéreur de terres de colonisation
est placé dans une situation sensible-
ment analogue à celle du concession-
naire à titre gratuit. Il doit être Fran-
çais, ne peutacheler qu'unscul lot, est
soumis à l'obligation de résidence, etc.
Quant au versement du prix,il est opéré
en plusieurs annuités fixées pir l'ar-
rêté du gouverneur général qui annonce
la vente.
***
M. Jonnart affecte, bon an mal an,
une somme de cinq millions de francs
auservice de la colonisation. C-Is citiq
millions proviennent pour partie des
crédits inscrits au budget général de
l'Algérie, pour le reste, d'une fraction
des douze millions attribués à l'amélio-
ration des centres agricoles et à la créa-
tion de nouveaux centres, sur l'emprunt
de cinquante millions autorisé en 1902
et réalisé jusqu'à concurrence des trois
cinquièmes.
Ces fonds servent à. ouvrir des roules,
à alimenter les villages en eau jwtable,
à créer des écoles, à assurer l'organi-
salion des services administratifs, etc.
Une certaine somme est réservée chaque
année à la propagande intelligemment
menée à Paris par l'Office de l'Algé-
rie, en faveur de la colonisation agri-
cole dans l'Afrique du Nord. Cette pro-
pagande s'exerce surtout par la brochu-
re, par la conférence et par raffiche,
comme celle que les colonies anglaises
organisent à Londres et dans tout le
Rovaume-Uni.
oJ
Jetons maintenant un coup d'œil sur
les résultats obtenus par M. Jonnart
dans son œuvre de colonisation et de
peuplement.
En 1903, neuf centres, représentant
22.693 hectares,avaient été créés, et on
avait accordé 536 concessions dont 160
à des Algériens et 376 à des familles
d'immigrants. Ces dernières arrivaient
ensemble à un total de 1.683 personnes
possédant environ 3 millions de francs,
soit une moyenne de 8.000 fr. par fa-
mille.
Le programme de 1904 ne commença
être mis à exécution qu'à la fin de
l'année, M. Jonnart ayant tenu à lui
appliquer le nouveau décret surla colo-
nisation. Les résultats donnés par l'ap-
plication de ce programme n'ont pas été
publiés d'une façon détaillée. -
La vente à bureau ouvert a été inau-
gurée en avril 1905 et devait porter,
pour la première année, sur 168 lots
d'une étendue globale de 15“310 hec-
tares.
En moins de six mois, sur les 108
propriétés réservées aux immigrants, 68
avaient déjà trouvé acquéreur ; et sur 60
propriétés attribuées aux Algériens, 51
étaient vendues.
En même temps, le système de la
concession gratuite fonctionnait régu-
lièrement dans les conditions prévues
par le nouveau décret. Il était appliqué
au début de 1905 au peuplement des
trois villages de Roknia, Béhagle et
Gambetta.
Le programme de colonisation pour
1905-1906, en faveur duquel l'Office de
l'Algérie a commencé sa propagande au
début de cet hiver sera beaucoup plus
étendue. Trois cents propriétés, d'une
superficie de 33.000 hectares environ,
seront vendues à bureau ouvert.
Quant aux concessions gratuites, el-
les porteront sur 28.000 hectares répar-
tis en 500 lots. Quatorze villages seront
créés et trois seront agrandis; ce sont:
Souighia, Liébert, Taine, Victor-Hugo,
Pointe-Rouge, ElMarsa, Moudjebeuret
Masqueray dans le département d'Al-
ger ; Les Adbellys, Montgolfier, Wal-
deck-Rousseau, Hammam bou Iladjar
et Sebdon dans le département d'Oral ;
Catinat, Gambetta, Jeanne Ée-
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EN ALGERIE
Depuis qu'il est à la lêlc du gouver-
nement général de l'Algérie, M. Jonnart
poursuit avec la plus grande activité l'am-
vre de colonisation et de peuplement que
la France a entreprise dans l'Afrique du
nord. Ses prédécesseurs. et Dieu
sait si la liste en est longue ! ont gé-
néralement considéré le développement
de la colonisation agricole par des Fran-
çais commeune tâche essentielle ; mais
aucun d'eux ne s'était peut-être adon-
né à cette tâche avec autant d'ardeur et
de persévérance que l'a fait M. Jonnart.
Sous son impulsion, la colonisation of-
ficielle a pris un nouvel essor et sera
certainement féconde en bons résul-
tats.
Dissipons immédiatement une confu-
sion possible. La I( colonisation offi-
cielle » ne se propose point de peupler
l'Algérie de laboureurs fonctionnaires.
Le colon libre, que l'on oppose aussi
quelquefois au forçat, est celui qui loue
une terre exactemen t comme il le ferait
en France, sans prendre aucun engage-
ment vis-à-vis de l'administration et
sans recevoir d'elle la moindre faveur.
Le colon officiel, au contraire, est celui
qui n'a pas assez de ressources pécuniai-
res pour pouvoir se passer de tout appui ;
il obtient une concession gratuite ou
achète une terre dômaniale à bas prix et
se libère par annuités; en échange de
ces avantages, il contracte certains en-
gagements qui ont beaucoup varié de-
puis soixante-dix ans, selon que tel ou
tel système de colonisation était en fa-
veur.
En attirant des émigrants en Algé-
rie, l'administration se propose de haler
la mise en valeur des territoires encore
vacants, d'augmenter la richesse de la
colonie en développant ses productions
et son commerce, en un mot, de tirer
le meilleur parti de ses ressources natu-
l'elles, Mais tel n'est pas son unique but
et M. Jonnart recherche un autre résul-
tat plus urgent peut-être. Il veut lutter
contre l'élément étranget., exlrème-
ment nombreux dans l'Afrique du Nord
en lui opposant une population françai-
se assez dense pour que la fusion des
races puissent s'opérer à notre profit. Il
importe, en effet, que nous soyons as-
sez forts, sur cette terre dont la conquê-
te et l'organisation ont été si difficiles,
pour assimiler les Espagnols, les Italiens
les Anglo-mullais qui s'y sont fixés,c'esL
à dire pour leur imposer nos mœurs et
notre esprit, et en faire, après deux ou
trois générations, de véritables Fran-
çais.
Pour opérer cette francisation, le fait
de détenir le pouvoirpolitique et (rim-
posernotre langue constitue un premier
avantage de la plus haute valeur, mais
cet avantage n'est pas entièrement suf-
fisant, et la supériorité numérique nous
est aussi indispensable. Il faut ensuite
que cette supériorité soit assurée, non
pas par un élément lâche et flottant,
mais par une population stable, forte-
ment attachée au sol et décidée à faire
souche dans la colonie. Or, si l'intérêt
nnl'CH"\nno\ îricni ro Isa nlnnnrt. ilftS !tf)fS
|^\;i OVUUVl V j/w* v
de l'homme, là propriété constitue, en
particulier, un levier singulièrement
puissant. Une population de petits pro-
priétaires sera presque fatalement sta-
ble, laborieuse, fidèle à ses traditions.
Elle pourra, mieux que toute autre, con-
server la suprématie économique et mo-
rale dans la région où elle est fixée.
Telles sont les considérations qui sem-
blent avoir inspiré à M. Jonnart la réso-
lution de consacrer lemoilleur de ses ef-
forts au développement de'la petite co-
lonisation agricole et au peuplement lie,
l'Algérie par des Français,
Il suffit d'ailleurs, pour apprécier
l'importance d'une telle politique, de je-
terun coup d'œil sur la composition de
la population algérienne.
Lors du dernier recensement, en
mars 1901, cette population s'élevait à
4.739.331 habitants, dont4.072.089 in-
digènes sujets français. Sur les 660.000
liabitants européens ou d'origine euro-
péenne, on compte seulement 292.464
Français (44 pour 100), puis 57.132 Israé-
lites jouissant de la qualité de Français,
depuis le décret de naturalisation de 1870,
71.793 étrangers naturalisés, et 248.853
étrangers non naturalisés.
Il est extrêmement difficile d'appré-
cier les caractères d'une population aussi
bigarrée, car il faudrait juger, pour cela,
du degré de francisation des 129.000
naturalisés, Israélites et au 1res, il faudrait
savoir si parmi les 248.853 individus
ayant conservé leur nationalité d'origine,
il ne s'en trouve pas qui soient beaucoup
plus Français de cœur qu'un grand
nombre de ceux qui sont devenus ci-
toyens Français par pur intérêt ou par
la volonté de la loi.
Les statistiques officielles relati ves à
la répartition de la population par dé-
partement nous disent que l'élément
français représente 70 pour 100 dans
le département d'Alger, 51,6 pour 100
dans celuid'Oran, et 74 pour 100 dans
celui de Conslantine, Si tous ceux
que le recensement compte comme
français sont réellement dignes de cette
qualification, la situation ne serait évi-
demment pas désavantageuse. Mais en
faisant abstraction des naturalisés, nous
trouvons : dans le département d'Al-
ger,124.000 Français d'originc et 73.000
étrangers non naturalisés; dans celui
d'Oran, 89*000 Français et 135.000 é-
trangers (dont 102.000 Espagnols) ; dans
dans celui de Constantine, 78.000 fran-
çais et36.000 étrangers (dont 21.000 Ha-
liens). Il n'est donc pas douteux que
l'accroissement de la population fran-
çaise de l'Algérie, spécialement dans la
province d'Oran, ne soit impérieuse-
ment nécessaire.
On ne saurait évidemment songer à
limiter l'immigration étrangère en Al-
gérie, même par des procédés détournés,
comme ceux dont on use en Australie.
Des nécessités politiques et économiques
s'y opposent formellement. 11 ne reste
donc qu'un moyen de lutter efficace-
ment contre l'influence des autres ra-
ces : le peuplement par des Français, ht
la colonisation libre se montrant insuf-
fisante à assurer ce peuplement dans la
mesure nécessaire, le gouvernement est
nécessairement conduit à pratiquer la
colonisation officielle telle que nous l'a.
vons définie. C'est pour lui nn devoir
d'aulant plus net qu'on ne saurait le con-
sidérer comme une intervention abusi-
ve de la part de l'Etat, puisque cette co-
lonisation ne porte atteinte à aucune li-
berté individuelle. Les contribuab les
eux-mêmesn'en souffrent point, car les
dépenses affectées à ce service sont rela-
tivementminimes et qu'elles sont pres-
que exclusivement absorbées par des
travaux que nous énumérerons tout à
l'heure et que les économistes les plus
libéraux ne sauraient denier à l'Etat le
droit et même le devoir d'accomplir.
..*.
La colonisation officielle a le choix
entre deux systèmes pour attirer des a-
griculteursdans une région : la con-
cession gratuite et la vente. Ces deux
systèmes ont été pratiqués en Algérie,
soit successivement,soit si mu ltanément.
Dès les premières années de l'occupa-
tion française, on commença à distri-
buer des lots de. terre dans la banlieue
d'Alger. Cette distribution se faisait à
titre purement gratuit, sans condition
etun peuau hasard. C'est seulement
en 1835 que le maréchal Clauzel prit
un arrêté décidant que chaque lot au-
rait une étendue moyenne de 4 hecta-
res, que le mèllie individu pourrait ob-
tenir un, deux ou trois lots, selon ses
ressources, enfin que les concessionnai-
res devraient défricher leurs terres et
les mettre en valeur, En 1841, le maré-
chal Bugeaud précisa cette réglementa-
tion ; il n'accorda aux concessionnaires
qu'un titre de propriété provisoire, leur
interdit de vendre ou d'hypothéquer et
leur imposa l'obligation de résidence.
Par contre, il octroyait quelquefois aux
colons peu fortunés des subsides pour
frais de premier établissement.
La République de 1848 aborda et
trancha le problème de la colonisation
avec la même hâte irréfléchie que toute
les grandes questions sociales qu'elle
croyait pouvoir résoudre instantané-
ment et d'une façon irréprochable. Une
somme de 50 millions fut affectée à l'in-
tallation de sans-travail en Algérie ;et
lion expédia au-delà de la Méditerranée
une foule de pauvres gens dont beaucoup
LES PEINTRES ORIENTALISTES ET COLONIAUX.
Joseph-Féli* ÊOUCflOÇ.
Joseph-Félix Bouchor fait bonne ligure au premier rang des peintres errants qui
ont conq uis leur renommée à la pointe de leurs pinceaux, sanssouci des écoles, en
dehors de toutes les coteries, amoureux du beau, curieux des terres lointaines et
des visions nouvelles.
Né à Paris d'un père marseillais qui fui médecin à l'ile Maurice et d'une mère
créole, il quitta de bonne heure la capitale pour s'embarquer à Nantes, abord d'un
trois-mats barque, le Lamantin, tL destination de l'Amérique duSud. De ce premier
voyage en Argentine par Buenos-Ayres, le Rio de la Plata, leRio-Negro, etlcs pam-
pas immenses, il revint par la Martinique tout imprégné de sensations nouvelles qui
devaient l'entraîner au loin une fois ses études terminées.
Incapable de se soumettre à aucune école, il cul pour modèle l'univers et pour
maître la nature. Après de brillants essais (Paysagesde la Forêt de Fontainebleau,
reçus d'emblée aux Artistes français), il passa la Méditerranée et en rapporta des
vues de Ouargla, de Biskra, de Touggourt, pleines de lumière, de soleil et de vie.
Le Caire, les Pyramides, le ciel d'Egypte tentèrent et retinrent son pinceau étin-
celant jusqu'au jour où il suivit Foureau dans le M' Zabet à Mellili des Chambaa,
d'où il rapporta une splendidc moisson.
Il a, depuis lors, abandonné les expéditions au-delà des mers pour travailler à
Preneuse où son beau talent trouve ample matière et affirme une fois de plus son
originalité.
Ses récompenses, les voici : Mentionné en 1888, médaillé à l'Exposition univer-
selle et deuxième médaille au Salon l/année suivante, - inéduille d'or à l'Expo-
sition de Hotlen 1895,–nouvelle médaille à l'Exposition Universelle de 1900,
chevalier de la Légion d'Honneur.
Ses principales œuvres achetées par l'lat sont : Les paysans normands sar-
clant leurs champs, au ministère des Travaux publics, –Y Avril au Musée de
Gray, –XAurore de Mai au Musée de lloucn. - Campement de nomades sa-
hariens au Musée de Digne, Y Oasis de Biskra au Musée de Nemours, etc. etc.,
enfin quaLrc envois au dernier salon des orientalistes qui l'ont conlirmé un mai-
tre : portraits de gem de Biskra, l'octsis (Biskra), Alger, –la Mosquée de
Sidi-Abderrahman. H.
n'avaient jamais vu de charrue et que la
caricature a représentés labourant en
chapeau haut de forme etun pflraplll ie à
laniaiu. Presque tous échouèrent d'ail-
leurs à cause de leur parfaite ignorance
de toute culture.
Quand le maréchal Kaudon réorga-
nisa le régime des concessions, en 1851,
on évalue à. plus de 40.000 le nombre
des colons qui étaient venus s'installer
en Algérie depuis dix ans. Mais ce résul-
tat était bien plutôt l'œuvre de Bugeaud
que celle de l'Assemblée de 1848. Ran-
don commença par accorder aux conces-
sionnaires un litre de propriété immédiat,
sauf déchéance en cas d'inexécution des
conditions. Un décret de 1852 compléta
la réorganisation du régime des con-
cessions en demandant aux futurs co-
lons de justifier d'un capital suffisant
pour défricher leur lot et attendre les
premières récoltes.
Mais on s'avisa bientôt que la liberté
absolue du colon serait peut-être préfé-
rable à la surveillance administrati ve
qui est le corollaire forcé du système de
la concession gratuite. En 1860; tous
les concessionnaires antérieurs étaient
affranchis en bloc des obligations qu'ils
avaient contractées en ce qui concerne
les plantations et le mode de culture.
La concession gratuite ne subsista que
pour les anciens soldats et pour les ré-
gions entièrement vacantes, avec fixation
à 30 hectares de l'étendue maxima de
chaque lot. Pour les autres colons et
pour les régions déjà peuplées, la vente
à prix fixe devenait le mode normal
d'attribution des terres. Toute personne
pouvait devenir propriétaire d'un lot et
en disposer à son gré en payant immé-
dialement le tiers de la valeur de ce lot.
eten s'engageahl à se libérer des deux
autres tiers dans un délai de deux ans.
Malgré les quelques modifications de
détailqu'on apporta à ce régime en 1863,
on ne tarda pas à s'apercevoir qu'il don-
nait des résultats déplorables au point
de vue du peuplement : la plupart des
terres vendues passaient aux mains des
indigènes. En négligeant l'accroisse-
ment de population des centres anciens,
on put constater que les villages créés
de 1860 à 1870 n'avaient retenu, au to-
tal, que 4.500 colons. Il fallait revenir
au régi me de la concession gratuite,
puisque l'inlérèl général de la colonie
souffrait de lalibcrlé absolue laisséeaux
acquéreurs de terres, lesquels ne réali-
i
saient d'ailleurs pas toujours de très
brillantes opérations.
Les Alsaciens-Lorrains furent les pre-
miers à profiter de ce revirement. Une
loi de juin 1871, complétée par un dé-
cret du mois d'octobre suivant, leur
tribuait cent mille hectares de terre"
sous la seule condition de posséder5.000
fr. au moment de leur entrée en jouis-
sance et de cultiver eux-mêmes leur
concession.
En dehors des Alsaciens-Lorrains, le
système de colonisation adopté en 1871
admettait les étrangers à solliciter des
concessions gratuits, et il proportion-
nait l'étendue de chaque lot à la compo-
sition de la famille, chaque personne, y
compris les serviteurs, recevant de3 à
10 hectares. Le concessionnaire était
considéré comme locataire pendant neuf.
ans, après quoi il recevait un titre de
propriété.
En 1874,le maximtim est lixé à 50 hec-
tares et le minimum à 20 ; l'obliga-
tion de résidence est limitée à cinq ans,
avec interdiction de vendre à un indigè-
ne pendant cinq autres années. On a é-
valué à 30.000, le nombre des colons
qui s'installèrent en Algérie sous le ré-
gime des décrets de 1871 et de 1874.
Le système adoplé en 1878 est celui
qui est resté en vigueur le plus long-
temps ; il n'a été abrogé qu'en 1904. Ses
principales dispositions étaient les sui-
vantes : refus de concession aux étran-
gers non natul'alisés, maximum des lots
fixé à 40 hectares pour les lots de villa-
ge et à 100 hectares pour les lots de fer-
me, exigence d'un capital de 150 fr. par
hectare pour les lots de ferme, obliga-
tion de résidence, et délivrance du titre
de propriété au bout de cinq ans. Le
décretde 1878 adoptait donc la conces-
sion gratuite comme régimenormal. Il
ne prévoyait la vente aux enchères que
dans quelques cas exceptionnels : pour
les régions impropres à la création de
villages par exemple, ou pour les proprié-
lés des concessionnaires frappés de dé-
chéance ou poursuivis par des créanciers
hypothécaires.
M. Jules Legrand, rapporteur du
budget de l'Algérie à la Chambre
des députés, appréciait , l'an der-
nier, le décret de 1878 en termes llat-
teurs, et il semble, en effet, que ses élo-
ges soient justifiés par les résultats ob-
tenus en Algérie de 1878 à 1904 :
r-i ii 'i • • « Il
« ueue regiemeniauon, aisau-u, a
été appliquée pendant vingt-six'ans.Elle
a permis de donner une grande exten-
sion à la colonisation en faisant un ap-
pel aux ressources domaniales et en
créant de nombreux villages dont le ré-
seau s'étend aujourd'hui jusque sur les
hauts plateaux. On a distribué, pendant
cette période, tant dans les nouveaux
centres que dans l'es agrandissements
d'anciens centres, une superficie totale
de 373.725 hectares et la population
rurale a été augmentée, du fait seul de
ces créations et agrandissements, de
plus de 43.000 personnes. D'autre part,
un courant régulier d'immigration s'est
établi dans la métropole ; restreint d'a-
bord aux départements méridionaux, il
commence a gagner progressivement
les régions du centre, de l'est et du nord;
chaque année, les demandes en con-
cession de terres deviennent plus nom-
breuses et il n'est même plus rare de
voir des Français émigrés dans l'une ou
l'autre des deux Amériques, s'adresser
au gouvernement général pour sollici-
ter un lot agricole qui leur procurera
en Algérie les avantages qu'ils avaient
été vainement chercher en pays étran-
ger. »
.**
On a dit du décret du 13 septembre
1904 qu'il substituait le systè me de la
vente à celui de la concession gratuite,
et que celle-ci allait devenir excep-
tionnelle. Cette appréciation nous sem-
ble exagérée, et nous n'en voulons
pour preuve que le programme de colo-
nisation de 1904 qui, sur 800 hectares
de terres, en réserve 500 pour les con-
cessions gratuites, el ILen attribue que
300 à la vente à bureau ouvert.
En réalité, la nouvelle réglementation
admet concurremment les deux systè-
mes sans donner à l'un ou à l'autre une
grande prépondérance comme le fai-
saient les régimes antérieurs.
De nombreux arguments ont été in-
voqués en faveur de la vente : outre
ses avantages pécuniaires pour le bud-
get de la colonie, elle évite à l'adminis-
tration un choix très délicat entre les
solliciteurs de concessions : elle écarte
les gens peu sérieux qui n'ont pas véri-
tablement le désir de coloniser ; enfin
elle s'oppose à la supercherie du spécu-
lateur qui demande une concession
pour la vendre dès qu'il a plus ou moins
consciensement rempli les conditions qui
lui avaient été imposées. Mais il ne faut
pas oublier, d'autre part, que, malgré
ses inconvénients, la concession gratuite
a son intérêt pour le petit cultivateur
dont les frais d'installation et les pre-
miers travaux auront vite absorbé le
modeste pécule ; elle a surtout son in-
térêt pour la colonie en ce qu'elle con-
tribue puissamment à renforcer l'effec-
tif des agriculteurs, en ce qu'elle répond,
selon l'heureuse expression de M. Jules
Legrand, à une « nécessité de peuple-
ment ». Le régime inauguré depuis
moins de deux ans s'est efforcé d'attri-
buer à chaque système la part qui doit
lui revenir. C'est dans son absence
d'exclusivisme que réside sa supériorité
essentielle sur les système antérieurs.
Une des dispositions les plus impor-
tantes du décretde 1904 consiste dans
j la suppression de tout maximum dans
1 étendue des lots. Une règle uniforme
ne serait en effet concevable que si [' Al-
gérie toute entière était composée de ter-
res présentant des avantages identiques
et douées de la même fertilité, ce qui
est loin d'être exact. Actuellement, la
seule limitation aux pouvoirs du gou-
verneur général est l'exigence d'un dé-
cret spécial pour les lots dépassant 200
hectares. ;
.:: concessions
En ce qu: concerne, ',.tes concessions
gratuites,eHes ne peuvent êlreaccordécs
qu'à un Français,chef de famille, n'ayant
jamais été concessionnaire ou acqué-
reurde terres de colonisation, possédant
des connaissances agricoles, et pouvant
disposer de 5.000 fr. D'autre part, le
concessionnaire doit s'engager à résider
dixans sur sa concession et à ne pas la
louer à des indigènes pendant une nou-
velle période de dix ans : par contre, le
colon peut céder ses droits à toute per-
sonne remplissant les mêmes conditions
que lui et contractant les mêmes obliga-
tions.
L'acquéreur de terres de colonisation
est placé dans une situation sensible-
ment analogue à celle du concession-
naire à titre gratuit. Il doit être Fran-
çais, ne peutacheler qu'unscul lot, est
soumis à l'obligation de résidence, etc.
Quant au versement du prix,il est opéré
en plusieurs annuités fixées pir l'ar-
rêté du gouverneur général qui annonce
la vente.
***
M. Jonnart affecte, bon an mal an,
une somme de cinq millions de francs
auservice de la colonisation. C-Is citiq
millions proviennent pour partie des
crédits inscrits au budget général de
l'Algérie, pour le reste, d'une fraction
des douze millions attribués à l'amélio-
ration des centres agricoles et à la créa-
tion de nouveaux centres, sur l'emprunt
de cinquante millions autorisé en 1902
et réalisé jusqu'à concurrence des trois
cinquièmes.
Ces fonds servent à. ouvrir des roules,
à alimenter les villages en eau jwtable,
à créer des écoles, à assurer l'organi-
salion des services administratifs, etc.
Une certaine somme est réservée chaque
année à la propagande intelligemment
menée à Paris par l'Office de l'Algé-
rie, en faveur de la colonisation agri-
cole dans l'Afrique du Nord. Cette pro-
pagande s'exerce surtout par la brochu-
re, par la conférence et par raffiche,
comme celle que les colonies anglaises
organisent à Londres et dans tout le
Rovaume-Uni.
oJ
Jetons maintenant un coup d'œil sur
les résultats obtenus par M. Jonnart
dans son œuvre de colonisation et de
peuplement.
En 1903, neuf centres, représentant
22.693 hectares,avaient été créés, et on
avait accordé 536 concessions dont 160
à des Algériens et 376 à des familles
d'immigrants. Ces dernières arrivaient
ensemble à un total de 1.683 personnes
possédant environ 3 millions de francs,
soit une moyenne de 8.000 fr. par fa-
mille.
Le programme de 1904 ne commença
être mis à exécution qu'à la fin de
l'année, M. Jonnart ayant tenu à lui
appliquer le nouveau décret surla colo-
nisation. Les résultats donnés par l'ap-
plication de ce programme n'ont pas été
publiés d'une façon détaillée. -
La vente à bureau ouvert a été inau-
gurée en avril 1905 et devait porter,
pour la première année, sur 168 lots
d'une étendue globale de 15“310 hec-
tares.
En moins de six mois, sur les 108
propriétés réservées aux immigrants, 68
avaient déjà trouvé acquéreur ; et sur 60
propriétés attribuées aux Algériens, 51
étaient vendues.
En même temps, le système de la
concession gratuite fonctionnait régu-
lièrement dans les conditions prévues
par le nouveau décret. Il était appliqué
au début de 1905 au peuplement des
trois villages de Roknia, Béhagle et
Gambetta.
Le programme de colonisation pour
1905-1906, en faveur duquel l'Office de
l'Algérie a commencé sa propagande au
début de cet hiver sera beaucoup plus
étendue. Trois cents propriétés, d'une
superficie de 33.000 hectares environ,
seront vendues à bureau ouvert.
Quant aux concessions gratuites, el-
les porteront sur 28.000 hectares répar-
tis en 500 lots. Quatorze villages seront
créés et trois seront agrandis; ce sont:
Souighia, Liébert, Taine, Victor-Hugo,
Pointe-Rouge, ElMarsa, Moudjebeuret
Masqueray dans le département d'Al-
ger ; Les Adbellys, Montgolfier, Wal-
deck-Rousseau, Hammam bou Iladjar
et Sebdon dans le département d'Oral ;
Catinat, Gambetta, Jeanne Ée-
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