Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1912-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1912 01 janvier 1912
Description : 1912/01/01 (A22,N1)-1912/12/31 (A22,N12). 1912/01/01 (A22,N1)-1912/12/31 (A22,N12).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9788417v
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/07/2017
162- BULLETIN DU COMITÉ
lait nommer un résident général qu'après la pré-
sentation du traité de protectorat aux Chambres.
Et, en attendant, il n'apparaît pas le moins du
monde que l'on se soit préoccupé d'élaborer avec
des vues d'ensemble prévoyantes un programme
d'action marocaine. Puis éclate l'affaire de Fez.
Immédiatement on nomme un résident général
militaire et on le fait partir dans les dix jours. La
gravité de la situation militaire à Fez et aux
environs exigeait-elle une telle, précipitation? Ce
qui est grave, en effet, c'pst la surprise, mais il ne
faut pas plus exagérer que diminuer la grosseur et
la consistance des harkas qui rôdent dans la ré-
gion de Fez. A près avoir envoyé au genéral Moinier
les renforts qu'il demandait, le gouvernement
aurait eu tout loisir d'arrêter avec le général
Lyautey le programme que celui-ci devra appli-
quer. Mais on semble avoir pensé que l'opinion,
frappée par l'événement, serait satisfaite d'un
départ immédiat. Cette façon de répondre à l 'ac-
tualité est peut-être moins du gouvernement que
du journalisme. Il en a d'ailleurs été de même
dans les discussions auxquelles a donné lieu cer-
tain engagement pris envers Mouley Hafid et
dont nous parlerons plus loin. Quoi qu'il en soit
d'ailleurs des sentiments qui ont inspiré ces déci-
sions, on peut trouver que des délibérations un
peu plus prolongées et approfondies entre le gou-
vernement et le général Lyautey auraient donne
plus de facilité et surtout de sécurité à la tâche
très ardue du premier résident général de France
au Maroc.
Mais le fait important est que notre politique
marocaine ait désormais une tête. Les événe-
ments de Fez en ont cruellement démontré la
nécessité. Quoi qu'on en ait dit, l'émeute de Fez
n'a pas éclaté dans un ciel serein : la théorie de
la génération spontanée n'est pas plus applicable
dans cet ordre de faits que dans les autres. Les
germes de désordre — nous les énumérons plus
longuement par ailleurs — étaient si visibles qu ils
inspiraient à nombre de nos compatriotes vi-
vant au Maroc des inquiétudes que l'on trouvait
exprimées dans des lettres écrites avant l'événe-
ment et dont les auteurs ne sauraient donc être
accusés de n'avoir que la « prévision du passé ».
Nous avons signalé nous-mêmes, dans de pré-
cédents numéros, une des principales causes de^
l'irritation qui a fini par se traduire par des vio-
lences : le fait que notre présence, peu agréable
en soi aux gens de Fez, n'ait eu pour eux aucune
contrepartie heureuse, parce qu'aucune amélio-
ration n'a été apportée à l'administration depuis
notre entrée dans la capitale en mai 1911. Cette
cause de mécontentement n'a cessé de nous être
dénoncée par tous nos correspondants. Le DrWeis-
gerber la montrait dans les termes suivants en
écrivant au Temps, le 12 avril, de Fez : « Pendant
les dix longs mois qui se sont écoulés depuis l 'oc-
cupation de Fez. aucune organisation, même pro-
visoire, n 1a été tentée. Malgré toute leur bonne
volonté, nos agents, sans fonds pour payer les
fonctionnaires du Makhzen, sans personnel pour
les surveiller, se-sont trouvés dans l'impossibi-
lité de réprimer leurs abus ; et la population en
est arrivée à se demander si nous ne sommes pas
venus uniquement pour permettre au Makhzen
de mieux l'exploiter, afin de partager avec lui le
fruit de ses rapines. Elle a perdu la confiance
qu'elle nous avait témoignée au début; et pour
la lui rendre il faut, sans plus tarder, que nous la
mettions à l'abri de ses spoliateurs... »
Nous n'avions rien fait pour cela, non seule-
ment depuis l'occupation de Fez, date à laquelle
notre responsabilité commençait aux yeux des
indigènes, mais même depuis l'accord franco-
allemand du 4 novembre 1911. Nous n'avions
même systématiquement rien fait. Des officiers '
des bureaux établis depuis l'occupation es-
sayaient-ils, sur quelque plainte de la. popula-
tion, d'atténuer tel ou tel abus, ils étaient immé-
diatement dénoncés par le Makhzen à la légation
et on leur « donnait sur les doigts ». Notre corps
d'occupation devait assister et, aux yeux des in-
digènes même, présider à tous les abus des fonc-
tionnaires d'un Makhzen*ta£ow. La jalousie que
tel des départements, entre lesquels était écarte-
lée notre politique marocaine éprouvait pour tel
autre aggravait certainement les raisons diplo-
matiques que l'on pouvait faire valoir en faveur
de cette intangibilité du Makhzen : c'était peut-
être bien un peu une plante précieusement culti-
vée par l'un, parce qu'elle servait à empêcher <
l'extension de l'action de l'autre.
Cela n'a d'ailleurs pas détourné les matois du
Makhzen de se présenter comme des victimes. A
les en croire, leur gouvernement était réduit en
esclavage. En se posant ainsi, le Makhzen croyait
pouvoir affirmer son irresponsabilité, d'une part,
aux Français et, de l'autre, aux indigènes. On a pu
lire telle interview dans laquell-e le sultan a dé-
claré, contrairement à toute vérité, qu'il n'était
plus rien, qu'on n'avait laissé aucune liberté d'ac-
tion ni à lui ni à ses fonctionnaires. En même temps
on travaillait du Dar-el-Makzen à répandre la
même opinion au bazar et parmi les tribus. L'in-
térêt des fonctionnaires à agir ainsi était évident:
le Roumi, moins aimé encore des dirigeants ma-
rocains que des autres, devenait ainsi responsable
de tout ce dont la population avait à souffrir. Tant
pis ou même tant mieux si quelque désordre ré-
sultait du ressentiment que l'on faisq.it naître
ainsi. Le rôle du sultan lui-même a paru, depuis
quelque temps, assez.étrange àde vieux résidents
européens de Fez qui sont en situation de savoir
ce qui se raconte dans les milieux indigènes.
Devant l'énormité du danger qu'il courait au
printemps 4911, Mouley Hafid a certainement
été très heureux d'être sauvé par la protection
que lui apportait l'armée française. Mais il n'est
pas douteux que, depuis, cette protection lui a
souvent pesé. Par moments, son esprit changeant
s'irritait à toute idée de sujétion. Il avait des
velléités violentes, aggravées sans doute par l état
nerveux où le met une vie de plaisirs excessifs.
Peut-être aussi éprouvait-il quelques scrupules,
lait nommer un résident général qu'après la pré-
sentation du traité de protectorat aux Chambres.
Et, en attendant, il n'apparaît pas le moins du
monde que l'on se soit préoccupé d'élaborer avec
des vues d'ensemble prévoyantes un programme
d'action marocaine. Puis éclate l'affaire de Fez.
Immédiatement on nomme un résident général
militaire et on le fait partir dans les dix jours. La
gravité de la situation militaire à Fez et aux
environs exigeait-elle une telle, précipitation? Ce
qui est grave, en effet, c'pst la surprise, mais il ne
faut pas plus exagérer que diminuer la grosseur et
la consistance des harkas qui rôdent dans la ré-
gion de Fez. A près avoir envoyé au genéral Moinier
les renforts qu'il demandait, le gouvernement
aurait eu tout loisir d'arrêter avec le général
Lyautey le programme que celui-ci devra appli-
quer. Mais on semble avoir pensé que l'opinion,
frappée par l'événement, serait satisfaite d'un
départ immédiat. Cette façon de répondre à l 'ac-
tualité est peut-être moins du gouvernement que
du journalisme. Il en a d'ailleurs été de même
dans les discussions auxquelles a donné lieu cer-
tain engagement pris envers Mouley Hafid et
dont nous parlerons plus loin. Quoi qu'il en soit
d'ailleurs des sentiments qui ont inspiré ces déci-
sions, on peut trouver que des délibérations un
peu plus prolongées et approfondies entre le gou-
vernement et le général Lyautey auraient donne
plus de facilité et surtout de sécurité à la tâche
très ardue du premier résident général de France
au Maroc.
Mais le fait important est que notre politique
marocaine ait désormais une tête. Les événe-
ments de Fez en ont cruellement démontré la
nécessité. Quoi qu'on en ait dit, l'émeute de Fez
n'a pas éclaté dans un ciel serein : la théorie de
la génération spontanée n'est pas plus applicable
dans cet ordre de faits que dans les autres. Les
germes de désordre — nous les énumérons plus
longuement par ailleurs — étaient si visibles qu ils
inspiraient à nombre de nos compatriotes vi-
vant au Maroc des inquiétudes que l'on trouvait
exprimées dans des lettres écrites avant l'événe-
ment et dont les auteurs ne sauraient donc être
accusés de n'avoir que la « prévision du passé ».
Nous avons signalé nous-mêmes, dans de pré-
cédents numéros, une des principales causes de^
l'irritation qui a fini par se traduire par des vio-
lences : le fait que notre présence, peu agréable
en soi aux gens de Fez, n'ait eu pour eux aucune
contrepartie heureuse, parce qu'aucune amélio-
ration n'a été apportée à l'administration depuis
notre entrée dans la capitale en mai 1911. Cette
cause de mécontentement n'a cessé de nous être
dénoncée par tous nos correspondants. Le DrWeis-
gerber la montrait dans les termes suivants en
écrivant au Temps, le 12 avril, de Fez : « Pendant
les dix longs mois qui se sont écoulés depuis l 'oc-
cupation de Fez. aucune organisation, même pro-
visoire, n 1a été tentée. Malgré toute leur bonne
volonté, nos agents, sans fonds pour payer les
fonctionnaires du Makhzen, sans personnel pour
les surveiller, se-sont trouvés dans l'impossibi-
lité de réprimer leurs abus ; et la population en
est arrivée à se demander si nous ne sommes pas
venus uniquement pour permettre au Makhzen
de mieux l'exploiter, afin de partager avec lui le
fruit de ses rapines. Elle a perdu la confiance
qu'elle nous avait témoignée au début; et pour
la lui rendre il faut, sans plus tarder, que nous la
mettions à l'abri de ses spoliateurs... »
Nous n'avions rien fait pour cela, non seule-
ment depuis l'occupation de Fez, date à laquelle
notre responsabilité commençait aux yeux des
indigènes, mais même depuis l'accord franco-
allemand du 4 novembre 1911. Nous n'avions
même systématiquement rien fait. Des officiers '
des bureaux établis depuis l'occupation es-
sayaient-ils, sur quelque plainte de la. popula-
tion, d'atténuer tel ou tel abus, ils étaient immé-
diatement dénoncés par le Makhzen à la légation
et on leur « donnait sur les doigts ». Notre corps
d'occupation devait assister et, aux yeux des in-
digènes même, présider à tous les abus des fonc-
tionnaires d'un Makhzen*ta£ow. La jalousie que
tel des départements, entre lesquels était écarte-
lée notre politique marocaine éprouvait pour tel
autre aggravait certainement les raisons diplo-
matiques que l'on pouvait faire valoir en faveur
de cette intangibilité du Makhzen : c'était peut-
être bien un peu une plante précieusement culti-
vée par l'un, parce qu'elle servait à empêcher <
l'extension de l'action de l'autre.
Cela n'a d'ailleurs pas détourné les matois du
Makhzen de se présenter comme des victimes. A
les en croire, leur gouvernement était réduit en
esclavage. En se posant ainsi, le Makhzen croyait
pouvoir affirmer son irresponsabilité, d'une part,
aux Français et, de l'autre, aux indigènes. On a pu
lire telle interview dans laquell-e le sultan a dé-
claré, contrairement à toute vérité, qu'il n'était
plus rien, qu'on n'avait laissé aucune liberté d'ac-
tion ni à lui ni à ses fonctionnaires. En même temps
on travaillait du Dar-el-Makzen à répandre la
même opinion au bazar et parmi les tribus. L'in-
térêt des fonctionnaires à agir ainsi était évident:
le Roumi, moins aimé encore des dirigeants ma-
rocains que des autres, devenait ainsi responsable
de tout ce dont la population avait à souffrir. Tant
pis ou même tant mieux si quelque désordre ré-
sultait du ressentiment que l'on faisq.it naître
ainsi. Le rôle du sultan lui-même a paru, depuis
quelque temps, assez.étrange àde vieux résidents
européens de Fez qui sont en situation de savoir
ce qui se raconte dans les milieux indigènes.
Devant l'énormité du danger qu'il courait au
printemps 4911, Mouley Hafid a certainement
été très heureux d'être sauvé par la protection
que lui apportait l'armée française. Mais il n'est
pas douteux que, depuis, cette protection lui a
souvent pesé. Par moments, son esprit changeant
s'irritait à toute idée de sujétion. Il avait des
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nerveux où le met une vie de plaisirs excessifs.
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