114 BULLETIN DU COMITÉ
— Au cours de la discussion du budget au Sénat,
M. Poincaré, président du Conseil, a promis que le gouver-
nement s'efforcerait, de créer une chaire de berbère à
l'Ecole des langues orientales.
— Le général Bailloud, commandant le 19e corps d'ar-
mée, s'est rendu à Fez pour remettre au général Moinier
la cravate de commandeur de la Légion d'honneur.
— Si el Mokri, grand vizir, a été nommé grand croix
et Si Mohammed Guuhbas, naïlJ à Tanger, grand oflicier
de la Légion d'honneur.
— La Compagnie du P.-L.-M. a chargé sou agent com-
mercial en Algérie-Tunisie, M. de Mazières, d'aller étudier
au Maroc l'amélioration des relations commerciales entre
la France et le Maroc.
L'ACCORD FRANCO-ALLEMAND
ET
L'OPINION COLONIALE ALLEMANDE
Si l'on se rappelle les prétentions émises, l'an der-
nier, sur le Maroc, par la Société coloniale allemapde
on comprendra que l'organe de cette Société, la Ko-
lonialzeitung, ait accueilli froidement, «t avec regret,
les accords du 4 novembre dernier. De mêmè que la
Ligue pangermaniste, la Société coloniale ne récla-
mait, rien moins, en effet, qu'un morceau du terri- -
toiré marocain. Tandis que la France se serait con-
tentée de la région septentrionale, avec Fez, et que
l'Espagne aurait prisLarache et son hinterland, ]' Al-
lemagne se fût adjugée toute la partie méridionale,
au sud de Azemour, avec Merrakech et le Tafilelt.
Jusqu'au dernier moment, les coloniaux allemands
ont essayé de faire pression sur le gouvernement,
pour l'amener à céder à leurs revendications et, au
lendemain de la signature, ils ont publiquement dé-
ploré qu'on ne les eût pas écoutés. Pourtant, il faut
reconnaître, a-t-il été dit, que, dans ces accords, l'in-
térêt et l'honneur de l'Empire ont été garantis, autant
qu'il était possible, « par suite de considérations in-
ternationales ». «:Le gouvernement allemand ne se
trouvait pas dans une situation aussi favorable
qu'en 1905, où les Français craignaient l'armée alle-
mande, et redoutaient une attaque de l'Allemagne.
Les Anglais n'avaient pas alors étayé le dos de nos
vieux ennemis héréditaires, comme ils le tirent dans
le cas présent. » L'auteur de ces paroles, prononcées
dans une réunion du comité de la Société coloniale,
continuait : « Les Anglais nous contrecarrent partout.
Nous savons même, à n'en pas douter, que dans le
question de Tripoli, ce sont la France, et surtout l'An-
gleterre, qui aux côtés de l'Italie, ont joué le rôle
principal. »
Cet orateur ne se dissimulait pas que la réalisation
deprojets allemands sur le Sous eût été difficile. « Les
tribus de cette région n'ont jamais été soumises, en
totalité, au sultan. Les Arabes appartiennent à une
race fière, farouche et guerrière, et les Berbères leur
ressemblent, sinon parla parenté ethnique, du moins,
par la mentalité. Il nous aurait fallu, pour les sou-
mettre, entreprendre une guerre longue.difncile, qui
nous aurait coûté incomparablement plus que la colo-
nisation du nouveau Cameroun, et qui aurait pu affai-
blir notre puissance en Europe. » Ces dépenses, néces-
saires pour la soumission et l'occupation du pays,
c'est la France qui devra s'en charger. Aussi bien,
les Allemands ont-ils essentiellement en vue leur
profit. Assurément l'accord du 4 novembre leur as-
sure, « comme aux autres nations », divers avantages
économiques. Même « -il bâillonne fortement, et à leur
grand déplaisir, l'envie que les Français avaient d'é-
tablir leur protectorat économique ». Mais, malgré
tout, les Allemands continuent à affecter de craindre
la « tunisification » du Maroc. « Ceux qui connaissent
le pays redoutent que, dans l'avenir, comme dans
le passé, les Français ne cachent leurs visée's parti-
cularistes, et ne cherchent subrepticement' à endi-
guer, et même à supprimer notre action écon-omi-
que. » Ne sait-on pas que la liberté commerciale est
absente de toutes les colonies françaises, à tel point
que, « même en Angleterre, dans le monde des af-
faires, on eût mieux aimé voir, au Maroc, la domipa- -
tion allemande plutôt que la domination française » ?
En tout, les Français sont accusés delrop penser à
eux-mêmes. « Dans toutes les œuvres, soi-disant ci-
vilisatrices, que la France a entreprises au Maroc, dit
un rédacteur de la Koloniare Rundschau, c'est son
propre avantage qui, malheureusement, jusqu'ici, a
tenu le rôle prédominant. Les écoles et les hôpitaux
sont des agences politiques; le bien des indigènes est
le but accessoire, mais celui dont op se prévaut, aux
yeux des étrangers étonnés.
- « Au lieu de spécialiser, avec soin, les talents de
l'indigène, de fonder des écoles d'agriculture, d'éta-
blir dés cours industriels, on ne cherche qu'à donner
à ces demi-sauvages un mince vernis d'instruction
générale, et on inculque au jeune Arabe des connais-
sances susceptibles d'en faire, plus tard, un inter-
prète, un secrétaire, dans une maison de commerce,
bref un misérable Français, au lieu d'un bon Maro-
cain. La France a peur de diriger les habitants de son
empire nord-africain dans les voies de l'intelligence
et de la vraie civilisation. Gamme dans toutes les
colonies françaises, la législation douanière, indiffé-
rente au bien du pays, tient compte uniquement des
besoins des importateurs. Ainsi,. tandis que l'on a
reconnu, partout, la nécessité de protéger les indi-
gènes contre. les méfaits de l'alcool, et que, pour ce-
motif, on grève son importation de droits très élevés, ^
ici, l'alcool ne paie que là moitié des taxes moyennes. '
La législation douanière ne profite donc qu'aux fabri-
cants d'absinthe et d'eau-de-vie et favorise l'ivro-
gnerie des Arabes. Un instrument direct de corrup-
tion, c'est encore le système dJespionnage en usage
dans les bureaux arabes, où on donne des primes à
la délation; »
L'application du tarif douanier donne lieu, paraît-
il, de la part des Allemands, à des réclamations,
dont la liste est comparée à celle de don Juan. L'ac-
cord franco-allemand prévoit bien que, par suite du
roulement adopté, un Allemand pourra être placé à la
tête de l'administration douanière, mais, « dans ces
fonctions passagères, aux prises avec la passe
récalcitrante des employés subalternes, Français,
ou ayant la mentalité française, pourra-t-il faire
triompher la justice et le bon droit? » L'égalité,
en matière de travaux publics, de chemins de
fer, etc., est seulement à l'état de promesse; or.
l'expérience donne à croire qu'on persistera à vou-
loir rpettre les Allemands de côté, burtout quand il
s'agira d'exploitation minière. Sans doute, il n'y
aura pas de droit d'exportation sur le-minerai dç fer,
mais on appliquera la nouvelle loi française sur les
mines, laquelle prévoit des impôts considérables sur „
la surface du sol exploité. Avec cela, ne pourra-t-on
pas tuer, au Maroc, les entreprises minières alle-
mandes'? Pas de monopoles, voilà ce que réclament _
instamment les Allemands du Maroc, et ils comptent,
pour réussir, sur l'appui de leur gouvernement. Ils
— Au cours de la discussion du budget au Sénat,
M. Poincaré, président du Conseil, a promis que le gouver-
nement s'efforcerait, de créer une chaire de berbère à
l'Ecole des langues orientales.
— Le général Bailloud, commandant le 19e corps d'ar-
mée, s'est rendu à Fez pour remettre au général Moinier
la cravate de commandeur de la Légion d'honneur.
— Si el Mokri, grand vizir, a été nommé grand croix
et Si Mohammed Guuhbas, naïlJ à Tanger, grand oflicier
de la Légion d'honneur.
— La Compagnie du P.-L.-M. a chargé sou agent com-
mercial en Algérie-Tunisie, M. de Mazières, d'aller étudier
au Maroc l'amélioration des relations commerciales entre
la France et le Maroc.
L'ACCORD FRANCO-ALLEMAND
ET
L'OPINION COLONIALE ALLEMANDE
Si l'on se rappelle les prétentions émises, l'an der-
nier, sur le Maroc, par la Société coloniale allemapde
on comprendra que l'organe de cette Société, la Ko-
lonialzeitung, ait accueilli froidement, «t avec regret,
les accords du 4 novembre dernier. De mêmè que la
Ligue pangermaniste, la Société coloniale ne récla-
mait, rien moins, en effet, qu'un morceau du terri- -
toiré marocain. Tandis que la France se serait con-
tentée de la région septentrionale, avec Fez, et que
l'Espagne aurait prisLarache et son hinterland, ]' Al-
lemagne se fût adjugée toute la partie méridionale,
au sud de Azemour, avec Merrakech et le Tafilelt.
Jusqu'au dernier moment, les coloniaux allemands
ont essayé de faire pression sur le gouvernement,
pour l'amener à céder à leurs revendications et, au
lendemain de la signature, ils ont publiquement dé-
ploré qu'on ne les eût pas écoutés. Pourtant, il faut
reconnaître, a-t-il été dit, que, dans ces accords, l'in-
térêt et l'honneur de l'Empire ont été garantis, autant
qu'il était possible, « par suite de considérations in-
ternationales ». «:Le gouvernement allemand ne se
trouvait pas dans une situation aussi favorable
qu'en 1905, où les Français craignaient l'armée alle-
mande, et redoutaient une attaque de l'Allemagne.
Les Anglais n'avaient pas alors étayé le dos de nos
vieux ennemis héréditaires, comme ils le tirent dans
le cas présent. » L'auteur de ces paroles, prononcées
dans une réunion du comité de la Société coloniale,
continuait : « Les Anglais nous contrecarrent partout.
Nous savons même, à n'en pas douter, que dans le
question de Tripoli, ce sont la France, et surtout l'An-
gleterre, qui aux côtés de l'Italie, ont joué le rôle
principal. »
Cet orateur ne se dissimulait pas que la réalisation
deprojets allemands sur le Sous eût été difficile. « Les
tribus de cette région n'ont jamais été soumises, en
totalité, au sultan. Les Arabes appartiennent à une
race fière, farouche et guerrière, et les Berbères leur
ressemblent, sinon parla parenté ethnique, du moins,
par la mentalité. Il nous aurait fallu, pour les sou-
mettre, entreprendre une guerre longue.difncile, qui
nous aurait coûté incomparablement plus que la colo-
nisation du nouveau Cameroun, et qui aurait pu affai-
blir notre puissance en Europe. » Ces dépenses, néces-
saires pour la soumission et l'occupation du pays,
c'est la France qui devra s'en charger. Aussi bien,
les Allemands ont-ils essentiellement en vue leur
profit. Assurément l'accord du 4 novembre leur as-
sure, « comme aux autres nations », divers avantages
économiques. Même « -il bâillonne fortement, et à leur
grand déplaisir, l'envie que les Français avaient d'é-
tablir leur protectorat économique ». Mais, malgré
tout, les Allemands continuent à affecter de craindre
la « tunisification » du Maroc. « Ceux qui connaissent
le pays redoutent que, dans l'avenir, comme dans
le passé, les Français ne cachent leurs visée's parti-
cularistes, et ne cherchent subrepticement' à endi-
guer, et même à supprimer notre action écon-omi-
que. » Ne sait-on pas que la liberté commerciale est
absente de toutes les colonies françaises, à tel point
que, « même en Angleterre, dans le monde des af-
faires, on eût mieux aimé voir, au Maroc, la domipa- -
tion allemande plutôt que la domination française » ?
En tout, les Français sont accusés delrop penser à
eux-mêmes. « Dans toutes les œuvres, soi-disant ci-
vilisatrices, que la France a entreprises au Maroc, dit
un rédacteur de la Koloniare Rundschau, c'est son
propre avantage qui, malheureusement, jusqu'ici, a
tenu le rôle prédominant. Les écoles et les hôpitaux
sont des agences politiques; le bien des indigènes est
le but accessoire, mais celui dont op se prévaut, aux
yeux des étrangers étonnés.
- « Au lieu de spécialiser, avec soin, les talents de
l'indigène, de fonder des écoles d'agriculture, d'éta-
blir dés cours industriels, on ne cherche qu'à donner
à ces demi-sauvages un mince vernis d'instruction
générale, et on inculque au jeune Arabe des connais-
sances susceptibles d'en faire, plus tard, un inter-
prète, un secrétaire, dans une maison de commerce,
bref un misérable Français, au lieu d'un bon Maro-
cain. La France a peur de diriger les habitants de son
empire nord-africain dans les voies de l'intelligence
et de la vraie civilisation. Gamme dans toutes les
colonies françaises, la législation douanière, indiffé-
rente au bien du pays, tient compte uniquement des
besoins des importateurs. Ainsi,. tandis que l'on a
reconnu, partout, la nécessité de protéger les indi-
gènes contre. les méfaits de l'alcool, et que, pour ce-
motif, on grève son importation de droits très élevés, ^
ici, l'alcool ne paie que là moitié des taxes moyennes. '
La législation douanière ne profite donc qu'aux fabri-
cants d'absinthe et d'eau-de-vie et favorise l'ivro-
gnerie des Arabes. Un instrument direct de corrup-
tion, c'est encore le système dJespionnage en usage
dans les bureaux arabes, où on donne des primes à
la délation; »
L'application du tarif douanier donne lieu, paraît-
il, de la part des Allemands, à des réclamations,
dont la liste est comparée à celle de don Juan. L'ac-
cord franco-allemand prévoit bien que, par suite du
roulement adopté, un Allemand pourra être placé à la
tête de l'administration douanière, mais, « dans ces
fonctions passagères, aux prises avec la passe
récalcitrante des employés subalternes, Français,
ou ayant la mentalité française, pourra-t-il faire
triompher la justice et le bon droit? » L'égalité,
en matière de travaux publics, de chemins de
fer, etc., est seulement à l'état de promesse; or.
l'expérience donne à croire qu'on persistera à vou-
loir rpettre les Allemands de côté, burtout quand il
s'agira d'exploitation minière. Sans doute, il n'y
aura pas de droit d'exportation sur le-minerai dç fer,
mais on appliquera la nouvelle loi française sur les
mines, laquelle prévoit des impôts considérables sur „
la surface du sol exploité. Avec cela, ne pourra-t-on
pas tuer, au Maroc, les entreprises minières alle-
mandes'? Pas de monopoles, voilà ce que réclament _
instamment les Allemands du Maroc, et ils comptent,
pour réussir, sur l'appui de leur gouvernement. Ils
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