Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1921-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1921 01 janvier 1921
Description : 1921/01/01 (A31,N1)-1921/12/31 (A31,N12). 1921/01/01 (A31,N1)-1921/12/31 (A31,N12).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97878865
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/07/2017
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE 135
Conseiller de gouvernement, j'ai vu à l'œuvre
M. Etienne.
Je sais quel merveilleux concours il n'a cessé
de prêter à l'Administration algérienne — je sais
quel était le charme de son commerce, la bonté
souriante de son regard, j'ai connu sa bonne et
loyale poignée de main, son accent paternel, sa
haute accolade où l'on sentait passer un peu de
son cœur, ce rayonnement enfin de sympathie
confiante qui émanait de toute sa personne.
Je n'oublierai jamais nos longues conversations
dans mon cabinet du Palais de Mustapha ou dans
celui, de la place Béauvau, son dévouement à
seconder nos efforts, sa passion du bien à faire,
négligeant la fatigue et multipliant les démar-
ches, quand il s'agissait de rendre service, sa
préoccupation d'apporter à sa chère Algérie et
aux Algériens l'appui indispensable du Gouver-
nement et du Parlement pour hâter la réalisation
des affairés qui nécessitent des lois et décrets et
qui se heurtent si souvent à nos lenteurs admi-
nistratives.
Le dernier coup de téléphone que je reçus de
lui fut UJl cri de son cœur algérien. 11 me remer-
cia, quelques jours avant sa mort, de l'effort que
j'avais tenté à la Chambre pour vaincre la résis-
tance de M. le ministre des Finances et pour
obtenir la création, qu'il avait lui-même éloquem-
ment mais vainement défendue au Sénat, de la
Direction de-l'Algérie au ministère de l'Intérieur
réclamée depuis tant d'années par tous ceux qui
ont été mêlés aux questions algériennes. Je me
rappelle cette voix émue à la pe'nsée que l'Algérie
n'avait pas été comprise et je regrette que cette
ultime joie n'ait pas pu être donnée à ce grand
ami, à ce défenseur foujours si avisé et toujours
sur la brèche de la France coloniale.
Il s'identifiait tellement avec les grandes
causes qu'il défendait, en y apportant toute l'ar-
deur de sa nature restée vibrante et jeune mal-
gré les années, qu'il ressentait comme une bles-
sure personnelle les retardsou les échecs qu'elles
subissaient malgré lui.
Combien de fois l'ai-je vu à -la Chambre en
1913, lors de la discussion de la loi de trois ans
qu'il soutenait comme Ministre de la. Guerre, se
passionner pour le. périlleux dèvoir qu'il avait à
remplir, s'inquiétant quand il lui semblait que
certains restaient réfractaires à la conviction qui
emplissait son âme et qu'il voulait communiquer
aux autres, souffrant cruellement que son état de
santé ne lui permît pas à cette époque de payer de
sa personne comme il l'aurait voulu, comme il le
fit lors des événements de Tanger, avant la Con-
férence d'Algésiras !
A cette époque devant le danger qui menaçait,
il n'hésita pas à dire à ses collaborateurs de pren-
dre .toutes les mesures, d'engager toutes les
dépenses jugées indispensables pour la sécurité
du pays : « Allez, disait-il, il s'agit de la vie de
la France, je vous couvre, c'est moi seul qui suis
responsable ; si noùs sommes attaqués à la Cham-
bre, c'est moi qui assumerai votre défense. ))
Ce vrai patriote qui avait vu les heures sombres
de 1870-71 et du Traité de Francfort, mais qui, à
l'exemple 'de Gambetta, n'avait jamais désespéré
de la France, a vécu assez pour assister à la
revanche et à la réparation, pourvoir les envoyés
de l'Allemagne vaincue signer le traité qui pro-
clamait sa défaite dans la galerie fameuse du
château de Versailles où, quarante-huit ans plus
tôt, l'arrogance de Bismark avait proclamé
l'Empire allemand.
Quelle incomparable fierté pour cet homme qui
avait orienté toute sa vie vers la plus grande
France! Malgré les incontestables services qu'on
attendait encore de lui on peut dire que le rôle
que lui avait assigné l'histoire était, à partir de
ce moment, rempli. Il avait acquitté, vis-à-vis de
son pays, le legs que lui avait transmis son maî-
tre Hambetta.
Ses amis, sa famille, la femme charmante et
dévouée qui fut sa collaboratrice, dont les soins
attentifs ont certainement prolongé sa vie et
maintenu une santé qu'un excès de travail avait
atteinte depuis plusieurs années, l'Algérie,
l'Afrique du Nord et les colonies le pleurent et ne
le remplaceront pas. Mais la France qu'il a si
bien servie sait qu'il avait accompli sa destinée.
Elle garde pieusement son nom inscrit à jamais
parmi les grands serviteurs de la République et
de la Patrie.
• Robert DAVID,
Député de la Dordognc.
Ancien sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur,
Ancien directeur du Cabinet du Gouverneur
général de l'Algérie.
Aux obsèques de M. Étienne, qui ont eu lieu le 17 mai.
M. Roume, ancien goibverneur général de l'A friqve occidentale
et .de l'Indochine, vice-président du Comité de l'Afrique
française, a prononcé au nom du « monde colonial » le beau
discours ci-après :
Tous les coloniaux de France, civils et militaires, fonc-
tionnaires et colons, tous les membres des grandes asso-
dations coloniales, oui, tous sans exception, s'inclinent
avec respect et avec douleur devant ce cercueil; tous res-
sentent du fond du cœur la mort de celui qui, après avoir
rté leur chef effectif, était resté pour eux le « ch^f » aimé
t vénéré, en même temps que l'ami de toujours. Tous. ils
s'associent au deuil de sa famille, car ils se regardent
comme faisant en quelque sorte, eux aussi, partie de sa
famille parce qu'ils savent quelle part ils avaient dans son
cœur.
C'est qu'en effet les sentiments que nous éprouvions,
'pour Etienne ne procédaient pas seulement de l'admiration
et de la reconnaissance que nous inspirait son œuvre colo-
niale, mais d'un autre élément encore, d'un attachement
pour ainsi dire personnel, de la sympathie spontanée
qu'éveillait en chacun de nous le rayonnement de sa
grande âme.
Peu d'hommes se sont identifiés aussi complètement que
lui avec l'œuvre à laquelle il avait consacre le meilleur de
sa vie; il la vivait intégralement. Quelque grandes char-
ges qu'il ait remplies au cours de sa carrière politique,
ministre de l'intérieur ou ministre de la guerre, jamais sa
pensée ne s'est écartée de ses chères colonies ; jusqu'au
terme extrême de sa vie il n'a cessé de leur consacrer
toute sa sollicitude, et je ne puis me rappeler sans émotion
qu'il n'y a pas un mois encore, je l'accompagnais au
Muséum d'histoire naturelle où il allait inaugurer le cours
de production coloniale du professeur Gruvel; et là dans
le modeste et vénérable amphithéâtre 01\ enseigna Cuvier,
* *
L'AFRIQUE FRANÇAISE. — N. 3.
Conseiller de gouvernement, j'ai vu à l'œuvre
M. Etienne.
Je sais quel merveilleux concours il n'a cessé
de prêter à l'Administration algérienne — je sais
quel était le charme de son commerce, la bonté
souriante de son regard, j'ai connu sa bonne et
loyale poignée de main, son accent paternel, sa
haute accolade où l'on sentait passer un peu de
son cœur, ce rayonnement enfin de sympathie
confiante qui émanait de toute sa personne.
Je n'oublierai jamais nos longues conversations
dans mon cabinet du Palais de Mustapha ou dans
celui, de la place Béauvau, son dévouement à
seconder nos efforts, sa passion du bien à faire,
négligeant la fatigue et multipliant les démar-
ches, quand il s'agissait de rendre service, sa
préoccupation d'apporter à sa chère Algérie et
aux Algériens l'appui indispensable du Gouver-
nement et du Parlement pour hâter la réalisation
des affairés qui nécessitent des lois et décrets et
qui se heurtent si souvent à nos lenteurs admi-
nistratives.
Le dernier coup de téléphone que je reçus de
lui fut UJl cri de son cœur algérien. 11 me remer-
cia, quelques jours avant sa mort, de l'effort que
j'avais tenté à la Chambre pour vaincre la résis-
tance de M. le ministre des Finances et pour
obtenir la création, qu'il avait lui-même éloquem-
ment mais vainement défendue au Sénat, de la
Direction de-l'Algérie au ministère de l'Intérieur
réclamée depuis tant d'années par tous ceux qui
ont été mêlés aux questions algériennes. Je me
rappelle cette voix émue à la pe'nsée que l'Algérie
n'avait pas été comprise et je regrette que cette
ultime joie n'ait pas pu être donnée à ce grand
ami, à ce défenseur foujours si avisé et toujours
sur la brèche de la France coloniale.
Il s'identifiait tellement avec les grandes
causes qu'il défendait, en y apportant toute l'ar-
deur de sa nature restée vibrante et jeune mal-
gré les années, qu'il ressentait comme une bles-
sure personnelle les retardsou les échecs qu'elles
subissaient malgré lui.
Combien de fois l'ai-je vu à -la Chambre en
1913, lors de la discussion de la loi de trois ans
qu'il soutenait comme Ministre de la. Guerre, se
passionner pour le. périlleux dèvoir qu'il avait à
remplir, s'inquiétant quand il lui semblait que
certains restaient réfractaires à la conviction qui
emplissait son âme et qu'il voulait communiquer
aux autres, souffrant cruellement que son état de
santé ne lui permît pas à cette époque de payer de
sa personne comme il l'aurait voulu, comme il le
fit lors des événements de Tanger, avant la Con-
férence d'Algésiras !
A cette époque devant le danger qui menaçait,
il n'hésita pas à dire à ses collaborateurs de pren-
dre .toutes les mesures, d'engager toutes les
dépenses jugées indispensables pour la sécurité
du pays : « Allez, disait-il, il s'agit de la vie de
la France, je vous couvre, c'est moi seul qui suis
responsable ; si noùs sommes attaqués à la Cham-
bre, c'est moi qui assumerai votre défense. ))
Ce vrai patriote qui avait vu les heures sombres
de 1870-71 et du Traité de Francfort, mais qui, à
l'exemple 'de Gambetta, n'avait jamais désespéré
de la France, a vécu assez pour assister à la
revanche et à la réparation, pourvoir les envoyés
de l'Allemagne vaincue signer le traité qui pro-
clamait sa défaite dans la galerie fameuse du
château de Versailles où, quarante-huit ans plus
tôt, l'arrogance de Bismark avait proclamé
l'Empire allemand.
Quelle incomparable fierté pour cet homme qui
avait orienté toute sa vie vers la plus grande
France! Malgré les incontestables services qu'on
attendait encore de lui on peut dire que le rôle
que lui avait assigné l'histoire était, à partir de
ce moment, rempli. Il avait acquitté, vis-à-vis de
son pays, le legs que lui avait transmis son maî-
tre Hambetta.
Ses amis, sa famille, la femme charmante et
dévouée qui fut sa collaboratrice, dont les soins
attentifs ont certainement prolongé sa vie et
maintenu une santé qu'un excès de travail avait
atteinte depuis plusieurs années, l'Algérie,
l'Afrique du Nord et les colonies le pleurent et ne
le remplaceront pas. Mais la France qu'il a si
bien servie sait qu'il avait accompli sa destinée.
Elle garde pieusement son nom inscrit à jamais
parmi les grands serviteurs de la République et
de la Patrie.
• Robert DAVID,
Député de la Dordognc.
Ancien sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur,
Ancien directeur du Cabinet du Gouverneur
général de l'Algérie.
Aux obsèques de M. Étienne, qui ont eu lieu le 17 mai.
M. Roume, ancien goibverneur général de l'A friqve occidentale
et .de l'Indochine, vice-président du Comité de l'Afrique
française, a prononcé au nom du « monde colonial » le beau
discours ci-après :
Tous les coloniaux de France, civils et militaires, fonc-
tionnaires et colons, tous les membres des grandes asso-
dations coloniales, oui, tous sans exception, s'inclinent
avec respect et avec douleur devant ce cercueil; tous res-
sentent du fond du cœur la mort de celui qui, après avoir
rté leur chef effectif, était resté pour eux le « ch^f » aimé
t vénéré, en même temps que l'ami de toujours. Tous. ils
s'associent au deuil de sa famille, car ils se regardent
comme faisant en quelque sorte, eux aussi, partie de sa
famille parce qu'ils savent quelle part ils avaient dans son
cœur.
C'est qu'en effet les sentiments que nous éprouvions,
'pour Etienne ne procédaient pas seulement de l'admiration
et de la reconnaissance que nous inspirait son œuvre colo-
niale, mais d'un autre élément encore, d'un attachement
pour ainsi dire personnel, de la sympathie spontanée
qu'éveillait en chacun de nous le rayonnement de sa
grande âme.
Peu d'hommes se sont identifiés aussi complètement que
lui avec l'œuvre à laquelle il avait consacre le meilleur de
sa vie; il la vivait intégralement. Quelque grandes char-
ges qu'il ait remplies au cours de sa carrière politique,
ministre de l'intérieur ou ministre de la guerre, jamais sa
pensée ne s'est écartée de ses chères colonies ; jusqu'au
terme extrême de sa vie il n'a cessé de leur consacrer
toute sa sollicitude, et je ne puis me rappeler sans émotion
qu'il n'y a pas un mois encore, je l'accompagnais au
Muséum d'histoire naturelle où il allait inaugurer le cours
de production coloniale du professeur Gruvel; et là dans
le modeste et vénérable amphithéâtre 01\ enseigna Cuvier,
* *
L'AFRIQUE FRANÇAISE. — N. 3.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.66%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.66%.
- Auteurs similaires Comité de l'Afrique française Comité de l'Afrique française /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Comité de l'Afrique française" or dc.contributor adj "Comité de l'Afrique française")Comité du Maroc Comité du Maroc /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Comité du Maroc" or dc.contributor adj "Comité du Maroc")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 141/758
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k97878865/f141.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k97878865/f141.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k97878865/f141.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k97878865
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k97878865