Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1921-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1921 01 janvier 1921
Description : 1921/01/01 (A31,N1)-1921/12/31 (A31,N12). 1921/01/01 (A31,N1)-1921/12/31 (A31,N12).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97878865
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/07/2017
1
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE lit
1896 1901 1906 1911
Français ........... 934 3.559 4.611 6.380
Les immigrants qui se sont rendus sur les
bords de la Medjerda pour entrer dans l'adminis-
tration, dans les Compagnies de chemins de fer
ou minières, etc., l'ont fait de leur propre initia-
tive ou appelés par des parents ou des amis.
L'Etat tunisien n'a manifesté à ce sujet que le
désintéressement le plus olympique. Uniquement
guidé par des directives techniques et par l'obses-
sion du bon marché, il a toujours ignoré le peu-
plement français. Il n'a pas cherché à recruter en
France, comme il l'aurait pu, le personnel néces-
saire à l'entretien des voies de communication,
cantonniers ou poseurs, et il a préféré engager
des Siciliens ou des Tripolitains parce qu'ils coû-
taient moins cher. L'idée nationale est étrange-
ment absente de l'œuvre du Protectorat tunisien.
Lorsque l'on contemple celle-ci, on est tenté de
s'exclamer comme le renard de la fable devant
certain buste de héros : « Belle tête, mais de cer-
velle point. »
Particulièrement remarquable est le faible
nombre des agriculteurs français, d'autant plus
que la multiplication de ceux-ci ne rencontrait
pas de limitation matérielle dans la nature même
de la besogne à laquelle ils s'adonnaient. Parti-
culièrement regrettable aussi. Car, de toutes les
classes, c'est celle-là qui constitue pour un régime
politique quelconque le plus sûr des appuis et la
principale garantie de stabilité. Aux champs gît
l'agglomérat de cellules vitales où les cités dépen-
sières en hommes recrutent le plus clair de leurs
contingents. Pour une nation qui s'épanche au
dehors, ce sont dans la zone tempérée, ses agri-
culteurs qui lui attachent le plus solidement le
pays. Soldats, fonctionnaires, commerçants, etc.,
sont des passants. L'agriculteur, ou du moins
celui qui peine de ses mains sur une terre qu'il
possède, s'incorpore au contraire à la glèbe, et
le soc de charrue qu'il y enfonce est comme
un crampon d'acier qui y fixe sa race. Les
200.000 Français des villages et des campagnes
d'Algérie y sont l'inébranlable base de notre éla-
blissement et le gond même sur lequel tourne
notre situation dans l'Afrique du Nord.
Lorsque dans son rapport de 1899 à la Chambre
sur le budget de la Régence, le député André
Berthelot énonça que « le but du Protectorat est
d'implanter en Tunisie une population % de race
française », les augures de l'époque se regar-
dèrent scandalisés. Le Protectorat s'était, en effet,
attelé à une tâche diamétralement contraire,
celle de réaliser le royaume arabe imaginé vingt
ans plus tôt, pour l'Algérie, par Napoléon III.
Dans cette conception, on doit gouverner les indi-
gènes par les indigènes avec un minimum de
Français et, si l'on ne saurait éviter d'envoyer
quelques fonctionnaires, ils doivent être peu, triés
sur le volet et se borner à un rôle de direction et
de surveillance. Même sélection pour les commer-
çants et les agriculteurs. Une possession française
sans Français, une colonie sans colons, tel fut,
de 1881 à 1900, l'idéal de trop de personnes en
matière tunisienne. C'était rabaisser la Régence
au niveau de colonies d'exploitation comme le
Sénégal ou le Congo. Aussi, en 1901, après quatre
lustres, n'y avait-il encore là que 24.000 de nos
compatriotes. Les plus belles années, celles des
premiers élans, celles des terres libres et des
coudées franches furent ainsi perdues. Il n'y eut
pas vers les plaines de la Medjerda ou du Sahel
un rush comme en Algérie sous Bugeaud ou au
début de la République.
Rares et riches débarquèrent en Tunisie quel-
ques agriculteurs bourgeois, quelques gérants de
Sociétés. Ils achetèrent de vastes surfaces : en
1892, sur 433.000 hectares entre des mains fran-
çaises , 416.000 appartenaient à 116 proprié-
taires. Ces espaces, pratiquement illimités, eni-
vrèrent pendant longtemps l'opinion. Celle-ci
s'endormit en songeant, non sans un stérile
orgueil, que ces colons-là, ce n'était pas de l'émi-
gration ordinaire, à la mode allemande ou ita-
lienne, faite de misères, de pauvretés, de décou-
ragements et de contraintes. Ils n'étaient point
chassés de leur pays par la difficulté d'y vivre et
ne couraient pas après une existence moins misé-
rable. Presque tous munis de capitaux, c'étaient
des colonisateurs instruits, des colons de « pre-
mière classe » comme le proclamait autrefois le
Résident général Massicault. Et ces gens-là sa-
vaient ce qu'ils voulaient, comprenaient ce qu'ils
voyaient, disaient carrément ce qu'ils pensaient.
Lorsqu'en 1894, le Directeur de l'agriculture de
la Régence, Bourde, rompant avec les errements
antérieurs, s'avisa que malgré le rapport de Bur-
deau contre la colonisation officielle d'Algérie
(1890), ce dernier pays continuait à recruter avec
fruit des petits colons, il fut frappé de voir qu'à
116 propriétaires de Tunisie établis d'eux-mêmes
en quatorze ans sur 416.000 hectares, s'opposaient
39.000 Français installés en Algérie par l'adminis-
tration en 218 centres, sur 435.000 hectares, de
1871 à 1886 (en, moyenne 40 hectares par famille
travaillant son propre lot à la sueur de son front).
D'un côté 116 feux, de l'autre 40.000 âmes. Le
contraste était poignant. Donc; Paul Bourde pensa
que ce qui était réalisé par l'Etat dans les anti-
ques Numidie et Maurétanie Césarienne pouvait
l'être encore mieux dans l'ex-province romaine
d'Afrique.
Mais les colons de première classe ne tenaient
pas à être confondus sur le sol tunisien avec de
simples ruraux qu'ils proclamaient devoir y
courir à la ruine. Manants rustres et pauvres
hères, vivant chichement, eussent détruit le
prestige du nom français auprès des indigènes et
atteint par contre-coup leur position personnelle.
D'autre part, la petite colonisation eut coûté au
budget des sommes mieux employées à faciliter
l'essor économique. On répondit fort congrûment
à Paul Bourde qu'avant d'attirer des colons, il
fallait étendre le réseau des chemins de fer et des
routes, changer le système fiscal qui entravait la
production, obtenir la libre admission de celle-ci
dans la Métropole et introduire le suffrage uni-
* -*■
L'AFRIQUE FRANÇAISE, - N* 4. --- ---- --- -
DE L'AFRIQUE FRANÇAISE lit
1896 1901 1906 1911
Français ........... 934 3.559 4.611 6.380
Les immigrants qui se sont rendus sur les
bords de la Medjerda pour entrer dans l'adminis-
tration, dans les Compagnies de chemins de fer
ou minières, etc., l'ont fait de leur propre initia-
tive ou appelés par des parents ou des amis.
L'Etat tunisien n'a manifesté à ce sujet que le
désintéressement le plus olympique. Uniquement
guidé par des directives techniques et par l'obses-
sion du bon marché, il a toujours ignoré le peu-
plement français. Il n'a pas cherché à recruter en
France, comme il l'aurait pu, le personnel néces-
saire à l'entretien des voies de communication,
cantonniers ou poseurs, et il a préféré engager
des Siciliens ou des Tripolitains parce qu'ils coû-
taient moins cher. L'idée nationale est étrange-
ment absente de l'œuvre du Protectorat tunisien.
Lorsque l'on contemple celle-ci, on est tenté de
s'exclamer comme le renard de la fable devant
certain buste de héros : « Belle tête, mais de cer-
velle point. »
Particulièrement remarquable est le faible
nombre des agriculteurs français, d'autant plus
que la multiplication de ceux-ci ne rencontrait
pas de limitation matérielle dans la nature même
de la besogne à laquelle ils s'adonnaient. Parti-
culièrement regrettable aussi. Car, de toutes les
classes, c'est celle-là qui constitue pour un régime
politique quelconque le plus sûr des appuis et la
principale garantie de stabilité. Aux champs gît
l'agglomérat de cellules vitales où les cités dépen-
sières en hommes recrutent le plus clair de leurs
contingents. Pour une nation qui s'épanche au
dehors, ce sont dans la zone tempérée, ses agri-
culteurs qui lui attachent le plus solidement le
pays. Soldats, fonctionnaires, commerçants, etc.,
sont des passants. L'agriculteur, ou du moins
celui qui peine de ses mains sur une terre qu'il
possède, s'incorpore au contraire à la glèbe, et
le soc de charrue qu'il y enfonce est comme
un crampon d'acier qui y fixe sa race. Les
200.000 Français des villages et des campagnes
d'Algérie y sont l'inébranlable base de notre éla-
blissement et le gond même sur lequel tourne
notre situation dans l'Afrique du Nord.
Lorsque dans son rapport de 1899 à la Chambre
sur le budget de la Régence, le député André
Berthelot énonça que « le but du Protectorat est
d'implanter en Tunisie une population % de race
française », les augures de l'époque se regar-
dèrent scandalisés. Le Protectorat s'était, en effet,
attelé à une tâche diamétralement contraire,
celle de réaliser le royaume arabe imaginé vingt
ans plus tôt, pour l'Algérie, par Napoléon III.
Dans cette conception, on doit gouverner les indi-
gènes par les indigènes avec un minimum de
Français et, si l'on ne saurait éviter d'envoyer
quelques fonctionnaires, ils doivent être peu, triés
sur le volet et se borner à un rôle de direction et
de surveillance. Même sélection pour les commer-
çants et les agriculteurs. Une possession française
sans Français, une colonie sans colons, tel fut,
de 1881 à 1900, l'idéal de trop de personnes en
matière tunisienne. C'était rabaisser la Régence
au niveau de colonies d'exploitation comme le
Sénégal ou le Congo. Aussi, en 1901, après quatre
lustres, n'y avait-il encore là que 24.000 de nos
compatriotes. Les plus belles années, celles des
premiers élans, celles des terres libres et des
coudées franches furent ainsi perdues. Il n'y eut
pas vers les plaines de la Medjerda ou du Sahel
un rush comme en Algérie sous Bugeaud ou au
début de la République.
Rares et riches débarquèrent en Tunisie quel-
ques agriculteurs bourgeois, quelques gérants de
Sociétés. Ils achetèrent de vastes surfaces : en
1892, sur 433.000 hectares entre des mains fran-
çaises , 416.000 appartenaient à 116 proprié-
taires. Ces espaces, pratiquement illimités, eni-
vrèrent pendant longtemps l'opinion. Celle-ci
s'endormit en songeant, non sans un stérile
orgueil, que ces colons-là, ce n'était pas de l'émi-
gration ordinaire, à la mode allemande ou ita-
lienne, faite de misères, de pauvretés, de décou-
ragements et de contraintes. Ils n'étaient point
chassés de leur pays par la difficulté d'y vivre et
ne couraient pas après une existence moins misé-
rable. Presque tous munis de capitaux, c'étaient
des colonisateurs instruits, des colons de « pre-
mière classe » comme le proclamait autrefois le
Résident général Massicault. Et ces gens-là sa-
vaient ce qu'ils voulaient, comprenaient ce qu'ils
voyaient, disaient carrément ce qu'ils pensaient.
Lorsqu'en 1894, le Directeur de l'agriculture de
la Régence, Bourde, rompant avec les errements
antérieurs, s'avisa que malgré le rapport de Bur-
deau contre la colonisation officielle d'Algérie
(1890), ce dernier pays continuait à recruter avec
fruit des petits colons, il fut frappé de voir qu'à
116 propriétaires de Tunisie établis d'eux-mêmes
en quatorze ans sur 416.000 hectares, s'opposaient
39.000 Français installés en Algérie par l'adminis-
tration en 218 centres, sur 435.000 hectares, de
1871 à 1886 (en, moyenne 40 hectares par famille
travaillant son propre lot à la sueur de son front).
D'un côté 116 feux, de l'autre 40.000 âmes. Le
contraste était poignant. Donc; Paul Bourde pensa
que ce qui était réalisé par l'Etat dans les anti-
ques Numidie et Maurétanie Césarienne pouvait
l'être encore mieux dans l'ex-province romaine
d'Afrique.
Mais les colons de première classe ne tenaient
pas à être confondus sur le sol tunisien avec de
simples ruraux qu'ils proclamaient devoir y
courir à la ruine. Manants rustres et pauvres
hères, vivant chichement, eussent détruit le
prestige du nom français auprès des indigènes et
atteint par contre-coup leur position personnelle.
D'autre part, la petite colonisation eut coûté au
budget des sommes mieux employées à faciliter
l'essor économique. On répondit fort congrûment
à Paul Bourde qu'avant d'attirer des colons, il
fallait étendre le réseau des chemins de fer et des
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