Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1940 01 janvier 1940
Description : 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31. 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592271
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
10
AU GROUP
UN VOYAGE
AU MUSÉE DE L'HOMME
LE 23 novembre 1939, M. Georges Mandel, ministre des Colonies, inaugurait
au musée de l'Homme la première d'une série d'expositions consacrées
à nos territoires d'outre-mer. Fermé depuis le 1er septembre, le musée
rouvrait ainsi ses portes, sur la volonté fermement exprimée de son énergique
directeur, le Dr Paul Rivet : l'exposition de l'Afrique Noire Française comprend
presque uniquement des objets rapportés par les missions du musée de l'Homme
qui ont travaillé en Afrique au cours de ces dernières années.
Une large place a été réservée aux çollections recueillies chez les Dogon du
Soudan français par les deuxième et troisième missions Griaule et par la mission
Paulme-Lifchitz. Les masques en bois que l'on trouve dans cette région sont por-
tés par les hommes lors de danses masquées qui interviennent dans le rituel
funéraire (obsèques et levée du deuil) lorsque le défunt est un individu du sexe
masculin. Les masques et les vêtements en fibres végétales qui les accompagnent
sont conservés dans des abris éloignés du village, cavernes ou auvents rocheux
connus des seuls initiés, car le contact de ces objets est rigoureusement interdit
aux femmes et aux jeunes garçons. Les masques figurent pour la plupart des ani-
maux de la brousse : lièvre, singe noir, caïman, antilope, etc. ; ou des membres
étrangers à la population mâle du village : masque « jeune fille », masque « vieille
femme », masque « brigand » et aussi le masque « maison à étages », que sur-
monte une planche ajourée, haute de six mètres ; parfois encore, le masque
évoque l'image d'un génie ou d'un être mythique. A la mort d'un homme du village,
les masques viennent danser sur la place publique. Ils entendent par là honorer
le défunt, qu'on remercie du travail accompli durant sa vie : « Tu as cultivé le
mil, tu as chassé le gibier»... Il faut aussi prévenir le mort des embûches qu'il doit
surmonter pour atteindre le « séjour frais » que Dieu réserve aux justes, alors
que les méchants sont brûlés dans le feu de l'enfer.
A côté des masques, nous trouvons au musée de l'Homme un ensemble de ser-
rures d'un type courant dans tout le Soudan ; ces serrures ont été recueillies
chez les Dogon dans un rayon qui ne dépasse pas quelques kilomètres. Elles sont
toutes en bois sculpté et gravé au couteau. Le motif décoratif le plus fréquent est
celui formé par deux personnages surmontant le plat de la serrure ; toutefois,
aux deux personnages stylisés peuvent être substituées deux cornes encadrant
parfois un oiseau ou un cavalier ; parfois aussi, les deux statuettes font place à un
personnage unique, debout ou assis ; celui-ci n'est bientôt plus figuré que par
une tête à longue barbe, qui elle-même aboutit à un motif purement géométrique :
rectangle, carré ou triangle.
Du Soudan français, nous passons à la Guinée. Le musée de l'Homme nous offre
une série très complète de statuettes du pays kissi, recueillies par l'infatigable *
travailleur qu'était Georges Waterlot, décédé cet été. Les statuettes, en pierre
tendre, sont sculptées par une caste spéciale d'artisans, qui en garde le privi-
lège. A la mort d'un homme, l'artiste prépare une statuette, qu'il enterre la nuit
à quelque distance du village. Peu de temps après, il annonce à la famille du défunt
que celui-ci lui est apparu en songe, réclamant à boire et à manger en désignant
lui-même le lieu de sa sépulture. Des fouilles effectuées à l'endroit indiqué mettent
au jour la statuette, image du mort auquel on offre aussitôt le sang d'un poulet et
quelques gouttes de bouillie de mil.
De la Côte d'Ivoire, le professeur Labouret, lors de son dernier voyage, a rap-
porté des masques, des sièges et plusieurs portes en bois sculpté.
Le musée de l'Homme expose dans une vitrine de la section Côte d'Ivoire des
balances, des pelles et des poids destinés au commerce de la poudre d'or. Les
poids, fabriqués par le procédé de la cire perdue, offrent des motifs variés et
Le Groupe colonial du Touring-Club de
France a repris ses travaux, au siège social du
Touring-Club.
Il envoie ses vœux à tous ses membres, à ceux
qui ont quitté leur foyer pour la défense de la Patrie,
et à tous ses lecteurs sur la fidélité de qui il sait
pouvoir compter. Il apportera toujours ses soins
à faire mieux connaître ici, dans ces pages appré-
ciées, l'image et les ressources d'un Empire qui,
à l'heure du danger, s'est dressé d'un élan magni-
fique aux côtés de la Métropole.
Et, puisque les savants et les ethnographes sont
au premier rang de ceux qui préparent, par leurs
découvertes, les voyages fructueux des touristes
du temps de paix, nous convions nos lecteurs, au-
jourd'hui, à une visite du Musée de l'Homme qui
vient de rouvrir ses portes.
délicats : ce sont tantôt des hommes, des oiseaux, des poissons, des insectes ;
tantôt des armes ou des instruments de musique ; tantôt enfin, de simples motifs
géométriques, où la croix gammée (« pied de singe », l'appellent les indigènes)
reparaît fréquemment. Les poids qui reproduisent le même motif peuvent peser
plus ou moins lourd : « les poids du chef ne sont pas ceux du pauvre », dit un
proverbe. Ce trafic de la poudre d'or atteignit à un moment donné une importance
considérable, encore attestée dans le nom d'une monnaie anglaise, la guinée.
Des forêts de la Côte d'Ivoire, nous voici transportés aux sables du Niger, où,
dans une lumière éclatante, apparaissent sous un harnachement matelassé multi-
colore les cavaliers de la garde des sultans, lointains parents de nos croisés. Le
film de « La Croisière noire » nous a rendu familières les images anachro-
niques de ces magnifiques costumes sous lesquels cavaliers et chevaux dispa-
raissent, à l'épreuve des flèches, sinon des balles. L'origine de ces armures
remonterait au « cataphracte » romain ou byzantin, couvert d'une armure d'é-
cailles ou de mailles, ancêtre des chevaliers de nos régions et dont le cavalier
soudanais demeure un survivant attardé.
C'est du Niger également, ou du Cameroun septentrional, que nous viennent
ces calebasses décorées où les femmes entassent le linge, les grains ou les pro-
visions du marché. Cueillie mûre, la calebasse, dont l'aspect rappelle celui d'un
potiron, est immergée dans une mare jusqu'à complète putréfaction de l'intérieur ;
elle est alors ouverte et placée au soleil ; l'écorce se dessèche, durcit et peut
ensuite être travaillée comme du bois. La calebasse est décorée sur sa face exté-
rieure, à l'aide d'une pointe en fer rougie au feu, de motifs stylisés ou géomé-
triques. Les femmes qui se servent de celles-ci sont des Foulbé au teint clair, au
nez droit, à la coiffure savante ; elles marchent à petits pas, entravées par l'é-
toffe qui, serrée sous les bras, descend jusqu'aux chevilles, elles-mêmes alour-
dies par d'épais anneaux de bronze.
Du Niger, le musée de l'Homme nous ramène vers le Dahomey, plus proche
de la côte. Voici des pièces historiques : le trône aux dimensions imposantes,
dont le siège s'incurve légèrement au-dessus de ses quatre piliers, fut celui de
Béhanzin, roi d'Abomey et ennemi malheureux du colonel Dodds. A côté nous
est offerte l'image de Béhanzin lui-même, tel que l'imaginaient ses sujets : un être
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 199 ......... JANVIER 1940
AU GROUP
UN VOYAGE
AU MUSÉE DE L'HOMME
LE 23 novembre 1939, M. Georges Mandel, ministre des Colonies, inaugurait
au musée de l'Homme la première d'une série d'expositions consacrées
à nos territoires d'outre-mer. Fermé depuis le 1er septembre, le musée
rouvrait ainsi ses portes, sur la volonté fermement exprimée de son énergique
directeur, le Dr Paul Rivet : l'exposition de l'Afrique Noire Française comprend
presque uniquement des objets rapportés par les missions du musée de l'Homme
qui ont travaillé en Afrique au cours de ces dernières années.
Une large place a été réservée aux çollections recueillies chez les Dogon du
Soudan français par les deuxième et troisième missions Griaule et par la mission
Paulme-Lifchitz. Les masques en bois que l'on trouve dans cette région sont por-
tés par les hommes lors de danses masquées qui interviennent dans le rituel
funéraire (obsèques et levée du deuil) lorsque le défunt est un individu du sexe
masculin. Les masques et les vêtements en fibres végétales qui les accompagnent
sont conservés dans des abris éloignés du village, cavernes ou auvents rocheux
connus des seuls initiés, car le contact de ces objets est rigoureusement interdit
aux femmes et aux jeunes garçons. Les masques figurent pour la plupart des ani-
maux de la brousse : lièvre, singe noir, caïman, antilope, etc. ; ou des membres
étrangers à la population mâle du village : masque « jeune fille », masque « vieille
femme », masque « brigand » et aussi le masque « maison à étages », que sur-
monte une planche ajourée, haute de six mètres ; parfois encore, le masque
évoque l'image d'un génie ou d'un être mythique. A la mort d'un homme du village,
les masques viennent danser sur la place publique. Ils entendent par là honorer
le défunt, qu'on remercie du travail accompli durant sa vie : « Tu as cultivé le
mil, tu as chassé le gibier»... Il faut aussi prévenir le mort des embûches qu'il doit
surmonter pour atteindre le « séjour frais » que Dieu réserve aux justes, alors
que les méchants sont brûlés dans le feu de l'enfer.
A côté des masques, nous trouvons au musée de l'Homme un ensemble de ser-
rures d'un type courant dans tout le Soudan ; ces serrures ont été recueillies
chez les Dogon dans un rayon qui ne dépasse pas quelques kilomètres. Elles sont
toutes en bois sculpté et gravé au couteau. Le motif décoratif le plus fréquent est
celui formé par deux personnages surmontant le plat de la serrure ; toutefois,
aux deux personnages stylisés peuvent être substituées deux cornes encadrant
parfois un oiseau ou un cavalier ; parfois aussi, les deux statuettes font place à un
personnage unique, debout ou assis ; celui-ci n'est bientôt plus figuré que par
une tête à longue barbe, qui elle-même aboutit à un motif purement géométrique :
rectangle, carré ou triangle.
Du Soudan français, nous passons à la Guinée. Le musée de l'Homme nous offre
une série très complète de statuettes du pays kissi, recueillies par l'infatigable *
travailleur qu'était Georges Waterlot, décédé cet été. Les statuettes, en pierre
tendre, sont sculptées par une caste spéciale d'artisans, qui en garde le privi-
lège. A la mort d'un homme, l'artiste prépare une statuette, qu'il enterre la nuit
à quelque distance du village. Peu de temps après, il annonce à la famille du défunt
que celui-ci lui est apparu en songe, réclamant à boire et à manger en désignant
lui-même le lieu de sa sépulture. Des fouilles effectuées à l'endroit indiqué mettent
au jour la statuette, image du mort auquel on offre aussitôt le sang d'un poulet et
quelques gouttes de bouillie de mil.
De la Côte d'Ivoire, le professeur Labouret, lors de son dernier voyage, a rap-
porté des masques, des sièges et plusieurs portes en bois sculpté.
Le musée de l'Homme expose dans une vitrine de la section Côte d'Ivoire des
balances, des pelles et des poids destinés au commerce de la poudre d'or. Les
poids, fabriqués par le procédé de la cire perdue, offrent des motifs variés et
Le Groupe colonial du Touring-Club de
France a repris ses travaux, au siège social du
Touring-Club.
Il envoie ses vœux à tous ses membres, à ceux
qui ont quitté leur foyer pour la défense de la Patrie,
et à tous ses lecteurs sur la fidélité de qui il sait
pouvoir compter. Il apportera toujours ses soins
à faire mieux connaître ici, dans ces pages appré-
ciées, l'image et les ressources d'un Empire qui,
à l'heure du danger, s'est dressé d'un élan magni-
fique aux côtés de la Métropole.
Et, puisque les savants et les ethnographes sont
au premier rang de ceux qui préparent, par leurs
découvertes, les voyages fructueux des touristes
du temps de paix, nous convions nos lecteurs, au-
jourd'hui, à une visite du Musée de l'Homme qui
vient de rouvrir ses portes.
délicats : ce sont tantôt des hommes, des oiseaux, des poissons, des insectes ;
tantôt des armes ou des instruments de musique ; tantôt enfin, de simples motifs
géométriques, où la croix gammée (« pied de singe », l'appellent les indigènes)
reparaît fréquemment. Les poids qui reproduisent le même motif peuvent peser
plus ou moins lourd : « les poids du chef ne sont pas ceux du pauvre », dit un
proverbe. Ce trafic de la poudre d'or atteignit à un moment donné une importance
considérable, encore attestée dans le nom d'une monnaie anglaise, la guinée.
Des forêts de la Côte d'Ivoire, nous voici transportés aux sables du Niger, où,
dans une lumière éclatante, apparaissent sous un harnachement matelassé multi-
colore les cavaliers de la garde des sultans, lointains parents de nos croisés. Le
film de « La Croisière noire » nous a rendu familières les images anachro-
niques de ces magnifiques costumes sous lesquels cavaliers et chevaux dispa-
raissent, à l'épreuve des flèches, sinon des balles. L'origine de ces armures
remonterait au « cataphracte » romain ou byzantin, couvert d'une armure d'é-
cailles ou de mailles, ancêtre des chevaliers de nos régions et dont le cavalier
soudanais demeure un survivant attardé.
C'est du Niger également, ou du Cameroun septentrional, que nous viennent
ces calebasses décorées où les femmes entassent le linge, les grains ou les pro-
visions du marché. Cueillie mûre, la calebasse, dont l'aspect rappelle celui d'un
potiron, est immergée dans une mare jusqu'à complète putréfaction de l'intérieur ;
elle est alors ouverte et placée au soleil ; l'écorce se dessèche, durcit et peut
ensuite être travaillée comme du bois. La calebasse est décorée sur sa face exté-
rieure, à l'aide d'une pointe en fer rougie au feu, de motifs stylisés ou géomé-
triques. Les femmes qui se servent de celles-ci sont des Foulbé au teint clair, au
nez droit, à la coiffure savante ; elles marchent à petits pas, entravées par l'é-
toffe qui, serrée sous les bras, descend jusqu'aux chevilles, elles-mêmes alour-
dies par d'épais anneaux de bronze.
Du Niger, le musée de l'Homme nous ramène vers le Dahomey, plus proche
de la côte. Voici des pièces historiques : le trône aux dimensions imposantes,
dont le siège s'incurve légèrement au-dessus de ses quatre piliers, fut celui de
Béhanzin, roi d'Abomey et ennemi malheureux du colonel Dodds. A côté nous
est offerte l'image de Béhanzin lui-même, tel que l'imaginaient ses sujets : un être
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ
N° 199 ......... JANVIER 1940
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.08%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.08%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 16/26
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k97592271/f16.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k97592271/f16.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k97592271/f16.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k97592271
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k97592271
Facebook
Twitter