Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1940-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1940 01 janvier 1940
Description : 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31. 1940/01/01 (A18,N199)-1940/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97592271
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/12/2016
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APRÈS LE BAROUD
AVEC LES
« TIRAIOURS »
AU REPOS
Dans le jardin ensoleillé du séminaire, les tirail-
leurs se sont groupés devant le photographe du
Monde Colonial Illustré, l'air martial et le sourire
aux lèvres.
Voici le cloître plein d'ombre de Chevilly, qui
n'est plus hanté parles soutanes des séminaristes,
mais où passent parfois des capotes kaki.
Quelques Pères et Frères du Saint-Esprit sont
restés à Chevilly ; ils assurent l'entretien des
locaux et des soldats hébergés. Au premier rang,
au centre, le supérieur Père Charles Rémy,
ancien missionnaire au Gabon de 1906 à 1931
VINGT minutes de route de banlieue sous un clair soleil d'hiver, et nous
sommes à Chevilly. Le jour est vraiment bien choisi pour aller visiter les
soldats coloniaux hébergés par les Pères du Saint-Esprit. 1
Oui, il faut se souvenir que, dès le début de la guerre, Monseigneur Le Hunsec,
supérieur général des Pères du Saint-Esprit, se rendait chez M. Mandel, ministre
des Colonies, qui se trouvait préoccupé de fournir une demeure aux soldats
coloniaux convalescents et permissionnaires ; le vieil évêque africain qui avait
vu se vider les cellules de Chevilly à la mobilisation, pensait qu'aucune meilleure
utilisation ne pouvait être trouvée des vastes bâtiments du Séminaire. ~j
La réalisation fut rapide et, dès octobre, des soldats noirs étaient hébergés.
Dès notre arrivée, le colonel Fauché, qui commande le centre d'hébergement,
nous laisse une liberté complète pour pénétrer la vie des tirailleurs et des artil-
leurs, sénégalais et malgaches, qui vivent actuellement à Chevilly.
Entrons dans la salle de lecture, plutôt salle de récréation. Une équipe de
joueurs de dames pousse des pions et se lève brusquement à l'entrée des civils
que nous sommes, imités aussitôt par les autres soldats groupés au fond de la
salle.
Voilà une partie de loto ; les voix peuhles et bambara appellent en un fran-
çais... d'outre-mer les nombres lus sur les cartons. A côté, on joue aux cartes et
le jeu consiste simplement à fournir de la couleur, sans plus.
Un phono tourne sans arrêt et exhale des sons moins que mélodieux. Ce phono
n'a plus de moteur. On me montre la manivelle qui pend lamentablement, tandis
que le doigt patient d'un tirailleur entraîne les disques.
Avis au lecteur qui posséderait un phono en chômage.
UnBambara à la tête hilare admire béatement les pages féminines d'une grande
revue illustrée, tandis qu'à deux pas un autre est penché sur... une « Revue de
Paris. »
Approchons-nous de deux écrivains qui, malgré leur patient travail, accueillent
avec un très large sourire les cigarettes qui s'offrent à eux.
— Comment t'appelles-tu ?
— Tiowo Kamano.
— Quel est ton pays ?
— La Guinée Française, Conakry.
— Qu'est-ce que tu fais dans le civil ?
— Cultivateur.
— Beaucoup de bananes en Guinée ! Est-ce que tu cultives la banane ?
30446.
— Oui beaucoup de bananes, mais moi cultive pas la banane, moi cultive
riz, mil.
— Quelle famille as-tu là-bas ?
— Mon frère et ma mère.
— Veux-tu que j'envoie le journal où il y aura des photos d'ici à ta famille ?
Sur son acquiescement, je donne un papier à Tiowo Kamano qui y inscrit
l'adresse de son frère, M. Payaca Kamano, et qui ajoute quelques mots, pensant,
sans le dire, qu'en envoyant des photos là-bas je pourrais bien y joindre ce
message :
« Je salue bien maman, je vous souhaite une bonne santé et tout le bonheur
possible ».
A côté de lui, Popeye Léno, cultivateur lui aussi en Guinée, donne l'adresse
de son frère Koma Gomano et ces mots : « Il y a en bonne santé rien de mal.
Je vous souhaite très bien, je salue mon enfant ».
Vos messages sont partis, Tiowo Kamano et Popeye Léno.
Un Soudanais est moins confiant et ne veut pas donner l'adresse de sa famille
si je ne lui donne pas la mienne ; le palabre est long et se trouve interrompu
par un Côte d'Ivoirien qui m'aborde la main grande ouverte. Il est aussi « cultiva-
teur » ; et il pense que je dois savoir où on peut trouver de ces instruments où
l'on regarde avec les deux yeux, où on met des verres et où on voit Paris. Il
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ 2
N° 199 ......... JANVIER 1940
APRÈS LE BAROUD
AVEC LES
« TIRAIOURS »
AU REPOS
Dans le jardin ensoleillé du séminaire, les tirail-
leurs se sont groupés devant le photographe du
Monde Colonial Illustré, l'air martial et le sourire
aux lèvres.
Voici le cloître plein d'ombre de Chevilly, qui
n'est plus hanté parles soutanes des séminaristes,
mais où passent parfois des capotes kaki.
Quelques Pères et Frères du Saint-Esprit sont
restés à Chevilly ; ils assurent l'entretien des
locaux et des soldats hébergés. Au premier rang,
au centre, le supérieur Père Charles Rémy,
ancien missionnaire au Gabon de 1906 à 1931
VINGT minutes de route de banlieue sous un clair soleil d'hiver, et nous
sommes à Chevilly. Le jour est vraiment bien choisi pour aller visiter les
soldats coloniaux hébergés par les Pères du Saint-Esprit. 1
Oui, il faut se souvenir que, dès le début de la guerre, Monseigneur Le Hunsec,
supérieur général des Pères du Saint-Esprit, se rendait chez M. Mandel, ministre
des Colonies, qui se trouvait préoccupé de fournir une demeure aux soldats
coloniaux convalescents et permissionnaires ; le vieil évêque africain qui avait
vu se vider les cellules de Chevilly à la mobilisation, pensait qu'aucune meilleure
utilisation ne pouvait être trouvée des vastes bâtiments du Séminaire. ~j
La réalisation fut rapide et, dès octobre, des soldats noirs étaient hébergés.
Dès notre arrivée, le colonel Fauché, qui commande le centre d'hébergement,
nous laisse une liberté complète pour pénétrer la vie des tirailleurs et des artil-
leurs, sénégalais et malgaches, qui vivent actuellement à Chevilly.
Entrons dans la salle de lecture, plutôt salle de récréation. Une équipe de
joueurs de dames pousse des pions et se lève brusquement à l'entrée des civils
que nous sommes, imités aussitôt par les autres soldats groupés au fond de la
salle.
Voilà une partie de loto ; les voix peuhles et bambara appellent en un fran-
çais... d'outre-mer les nombres lus sur les cartons. A côté, on joue aux cartes et
le jeu consiste simplement à fournir de la couleur, sans plus.
Un phono tourne sans arrêt et exhale des sons moins que mélodieux. Ce phono
n'a plus de moteur. On me montre la manivelle qui pend lamentablement, tandis
que le doigt patient d'un tirailleur entraîne les disques.
Avis au lecteur qui posséderait un phono en chômage.
UnBambara à la tête hilare admire béatement les pages féminines d'une grande
revue illustrée, tandis qu'à deux pas un autre est penché sur... une « Revue de
Paris. »
Approchons-nous de deux écrivains qui, malgré leur patient travail, accueillent
avec un très large sourire les cigarettes qui s'offrent à eux.
— Comment t'appelles-tu ?
— Tiowo Kamano.
— Quel est ton pays ?
— La Guinée Française, Conakry.
— Qu'est-ce que tu fais dans le civil ?
— Cultivateur.
— Beaucoup de bananes en Guinée ! Est-ce que tu cultives la banane ?
30446.
— Oui beaucoup de bananes, mais moi cultive pas la banane, moi cultive
riz, mil.
— Quelle famille as-tu là-bas ?
— Mon frère et ma mère.
— Veux-tu que j'envoie le journal où il y aura des photos d'ici à ta famille ?
Sur son acquiescement, je donne un papier à Tiowo Kamano qui y inscrit
l'adresse de son frère, M. Payaca Kamano, et qui ajoute quelques mots, pensant,
sans le dire, qu'en envoyant des photos là-bas je pourrais bien y joindre ce
message :
« Je salue bien maman, je vous souhaite une bonne santé et tout le bonheur
possible ».
A côté de lui, Popeye Léno, cultivateur lui aussi en Guinée, donne l'adresse
de son frère Koma Gomano et ces mots : « Il y a en bonne santé rien de mal.
Je vous souhaite très bien, je salue mon enfant ».
Vos messages sont partis, Tiowo Kamano et Popeye Léno.
Un Soudanais est moins confiant et ne veut pas donner l'adresse de sa famille
si je ne lui donne pas la mienne ; le palabre est long et se trouve interrompu
par un Côte d'Ivoirien qui m'aborde la main grande ouverte. Il est aussi « cultiva-
teur » ; et il pense que je dois savoir où on peut trouver de ces instruments où
l'on regarde avec les deux yeux, où on met des verres et où on voit Paris. Il
LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ 2
N° 199 ......... JANVIER 1940
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