Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1935-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1935 01 janvier 1935
Description : 1935/01/01 (T12,A13,N138)-1935/12/31... 1935/01/01 (T12,A13,N138)-1935/12/31 (T12,A13,N149).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9746657b
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/10/2016
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- TABLE DES MATIÈRES
- AGRICULTURE
- ARTS
- AVIATION
- .......... Page(s) .......... 23
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 37
- .......... Page(s) .......... 122
- .......... Page(s) .......... 188
- .......... Page(s) .......... 206
- .......... Page(s) .......... 231
- .......... Page(s) .......... 234
- .......... Page(s) .......... 237
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- .......... Page(s) .......... 241
- .......... Page(s) .......... 245
- .......... Page(s) .......... 246
- .......... Page(s) .......... 247
- .......... Page(s) .......... 248
- .......... Page(s) .......... 251
- .......... Page(s) .......... 253
- .......... Page(s) .......... 254
- .......... Page(s) .......... 257
- .......... Page(s) .......... 258
- .......... Page(s) .......... 260
- CHASSES
- CHEMINS DE FER
- .......... Page(s) .......... 116
- CINÉMA
- .......... Page(s) .......... 123
- ETHNOGRAPHIE
- FOIRES ET EXPOSITIONS
- .......... Page(s) .......... 8
- .......... Page(s) .......... 27
- .......... Page(s) .......... 37
- .......... Page(s) .......... 79
- .......... Page(s) .......... 49
- .......... Page(s) .......... 63
- .......... Page(s) .......... 67
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 133
- .......... Page(s) .......... 135
- .......... Page(s) .......... 148
- HISTOIRE
- MARINE
- MATIÈRES PREMIÈRES
- MÉDECINE ET HYGIÈNE
- MINES
- .......... Page(s) .......... 150
- NÉCROLOGIE
- .......... Page(s) .......... 41
- .......... Page(s) .......... 60
- .......... Page(s) .......... 63
- .......... Page(s) .......... 77
- .......... Page(s) .......... 61
- .......... Page(s) .......... 118
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- .......... Page(s) .......... 228
- POLITIQUE COLONIALE ÉTRANGÈRE
- POLITIQUE COLONIALE FRANÇAISE
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 58
- .......... Page(s) .......... 61
- .......... Page(s) .......... 70
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 57
- .......... Page(s) .......... 136
- .......... Page(s) .......... 194
- .......... Page(s) .......... 196
- .......... Page(s) .......... 213
- PORTS
- ROUTES
- .......... Page(s) .......... 195
- TOURISME ET SPORTS
- .......... Page(s) .......... 15
- .......... Page(s) .......... 24
- .......... Page(s) .......... 44
- .......... Page(s) .......... 50
- .......... Page(s) .......... 75
- .......... Page(s) .......... 76
- .......... Page(s) .......... 80
- .......... Page(s) .......... 90
- .......... Page(s) .......... 147
- .......... Page(s) .......... 151
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- .......... Page(s) .......... 154
- .......... Page(s) .......... 160
- .......... Page(s) .......... 224
- TRAVAUX PUBLICS
- VARIA
N° 138. — JANVIER 1935. LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ 7
AUX NO UVELLES-HÉBRIDES
ERROMANGO
L'ILE MARTYRE
par E. AUBERT DE LA RUE
Tout le monde a lu " ERROM AN GO " de Pierre
Benoit. Tout le monde voudra lire" ERROMAN GO"
Ile martyre, vue et photographiée par M. Aubert de
la Rüe, le savant naturaliste qui vient d'y faire un
séjour prolongé.
DEPUIS îles que la littérature s'est emparée des
îles du Pacifique, combien d'entre elles
en est-il qui ne soient devenues, dans
l'imagination de beaucoup, de véritables paradis
terrestres, au charme incomparable et au climat
enchanteur ? La légende flatteuse qui entoure ces
îles fortunées, souvent entretenue, il est vrai, par
le snobisme de certains voyageurs, est parfois
bien éloignée de la réalité.
Il est une île cependant qui n'a pas bénéficié de
cette faveur générale : je veux parler d'Erromango,
qu'un roman connu nous a présentée, au contraire,
sous l'aspect le plus noir. Mais la sinistre réputation
faite à cette île par le récit qui lui emprunte son
nom est-elle vraiment méritée ? Je ne le pense pas
et me souviens encore de l'impression favorable
que je ressentis en débarquant sur l'île Erromango,
une première fois en février, puis en avril 1934,
allant et revenant alors de Tanna et d'Aneytum,
terres voisines formant avec elle le groupe méri-
dional des Nouvelles-Hébrides. Par la suite, je
devais apprécier mieux encore le charme d'Erro-
mango, en y retournant une troisième fois, en sep-
tembre dernier.
Ayant été chargé d'explorer successivement
toutes les différentes îles de l'archipel néo-hébridais,
j'avais réservé Erromango pour la fin, désirant pro-
fiter de la saison fraîche pour parcourir les îles
du groupeNord telles que Malekula, Santo, Pente-
côte, Aoba, Ambrym et bien d'autres, qui sont
les plus chaudes.
Cette longue randonnée achevée, je viens de
prendre passage,ainsi que ma femme qui m'a suivi
dans ce voyage d'exploration, à bord du Makambo,
petit vapeur anglais assurant toutes les six semaines
environ la communication avec Erromango et les
îles du groupe Sud. Après avoir quitté Port-Vila
hier dans la matinée, nous contemplons à présent
la masse montagneuse et découpée de l'île Erro-
mango qui nous est apparue ce matin au lever du
jour. Il fait assez frais et beau ; une grosse houle,
soulevée par l'alizé du Sud-Est qui souffle avec rage
depuis plus d'un mois, nous fait violemment tan-
guer. Ce vent régnant rend, à cette époque de
l'année, le débarquement parfois assez délicat en
certains endroits des Nouvelles-Hébrides; mais en
ce qui concerne l'île Erromango, maintenant pro-
che, nous n'avons rien à craindre, car le navire
doit mouiller à la baie Dillon, généralement bien
abritée.
De configuration accidentée et entourée de côtes
escarpées, Erromango ressemble en cela à beaucoup
d'îles de l'archipel, mais se distingue par contre à
maints égards du reste de Nouvelles-Hébrides. Le
climat y est moins humide et plus frais, la végéta-
tion moins luxuriante et le caractère tropical moins
accentué.
La côte occidentale de l'île, vers laquelle nous nous
dirigeons maintenant, formée de hautes falaises
coralliennes étagées en gradins, est verdoyante
mais sans excès. Rien ici de comparable à la forêt
dense qui à Malekula ou Pentecôte, par exemple,
s'avance jusqu'au rivage, si escarpé soit-il. Ici, de
belles prairies parsemées d'arbres couvrent le som-
met des falaises contre lesquelles se plaque une
brousse buissonneuse qui souvent laisse voir les
escarpements grisâtres du corail. Pas de cocoteraies
le long de cette côte, contrairement à toutes les
autres îles de l'archipel dont le copra est la princi-
pale, sinon l'unique ressource. Les seuls cocotiers
que j'aperçois, en petit nombre, sont dans le fond
de la baie Dillon en arrière de laquelle s'ouvre une
profonde entaille. C'est la vallée très encaissée de la
Bunka ou rivière de Williams qui pénètre loin dans
l'intérieur des terres et dans le fond de laquelle la
végétation tropicale reprend ses droits.
La rivière de Williams, en face de laquelle le
.11{ akam bo vient de laisser tomber l'ancre, est très
large à son embouchure, et la mer y pénètre. Sa
faible profondeur ne permet pourtant pas aux
embarcations de la remonter bien loin. A moins
d'un kilomètre en amont, son lit se resserre, devient
irrégulier et les seuils rocheux le rendent imprati-
cable même aux pirogues.
Contournant la levée de galets qui marque au
Nord l'entrée, la pétrolette du bord, nous condui-
sant à terre avec nos bagages, s'engage dans la
rivière et nous dépose près des premières cases du
petit village indigène de la baie Dillon, tapi sous
les arbres le long d'une étroite bande de terrain res-
serrée entre la montagne et l'eau. C'est là que nous
rencontrons M. Martin, le seul colon de l'île, venu
chercher son courrier et qui très aimablement nous
offre de descendre chez lui. Quand je dis descendre,
c'est une façon de parler, sa maison se trouvant
à plus de 200 mètres d'altitude dans la montagne
et à près d'une heure de marche d'ici. Venu d'Aus-
tralie, depuis bientôt trente ans, pour entreprendre
l'élevage du mouton sur Erromango, il est le seul
colon hébridais qui se soit établi à l'intérieur des
terres ; partout ailleurs, sauf aux alentours de Port-
Vila, les colons se sont installés exclusivement le
long des côtes.
Un mauvais chemin de campagne, très raide,
aux nombreux lacets, tout ce que l'île possède en
fait de route, va de la baie Dillon à la ferme. Nous
le grimpons à pied, tandis que nos bagages nous
suivent sur un chariot à bœufs, pittoresque atte-
lage conduit par un Canaque. Erromango, terre privi-
légiée, est l'une des îles très rares, même dans le
Pacifique, où l'automobile soit encore complète-
ment inconnue.
Le rebord du plateau, que nous atteignons en
sortant de la petite forêt d'acacias qui couvre les
versants de la vallée et ombrage la route, est à
250 mètres de hauteur. Ici pour la première fois
peut-être depuis que nous sommes aux Nouvelles-
Hébrides, nous respirons un air frais et vif, comme
il est rare d'en rencontrer sous les tropiques à
moins de s'élever à de hautes altitudes. A nos
pieds, la vue est très belle sur la vallée aux pentes
escarpées que nous venons de quitter et sur la mer
qui moutonne au large. Tournant le dos à l'Océan,
nous avons devant nous les vastes plateaux
d'Erromango, qui s'étendent à perte de vue, cou-
verts de prairies dont les hautes herbes ondulent
sous les violentes rafales du vent.
La marche n'est plus bien longue maintenant ;
quelques vallonnements à franchir où courent
des fils de fer barbelés délimitant de grands parcs
qui permettent de rassembler les moutons, ordi-
nairement en liberté sur l'île à l'époque de la tonte,
précisément en ce moment qui correspond à la fin
de la saison fraîche.
Deux ou trois portails de bois barrent successive-
ment le chemin. Il nous fait soigneusement les refer-
mer afin que le bétail ne puisse se sauver. Voici
enfin la station de M. Martin, cachée dans un repli
de terrain, non loin d'une petite rivière qui serpente
dans les prairies où plusieurs chevaux paissent tran-
quillement, tandis qu'une nuée de moutons se
sauve à notre approche. Non loin, tout un troupeau
de vaches et des bœufs superbes se reposent à
l'ombre des acacias, l'arbre par excellence des pla-
teaux d'Erromango. Le nom indigène de l'endroit
est Unapang.
Ce paysage est si européen d'aspect, la tempéra-
ture tellement agréable, qu'un effort d'imagination
est presque nécessaire pour réaliser que nous
sommes à quelque vingt mille kilomètres de
France, aux Nouvelles-Hébrides, archipel que
beaucoup considèrent comme l'une des contrées
les plus sauvages, les plus malsaines et les plus
pénibles du globe. On chercherait en vain, dans ce
décor champêtre et riant, un seul arbre d'aspect
tropical 1
Encore quelques pas, et nous voici au but. Les
hurlements de toute une meute de chiens signalent
notre arrivée. Ce sont des bergers d'Australie
chargés de rabattre périodiquement les troupeaux
de moutons vers la ferme. La maison d'habitation
et ses dépendances sont en bois suivant la coutume
hébridaise. Les seuls arbres tropicaux de toute la
région, de grands manguiers touffus, quelques
cocotiers élancés, des massifs violacés de bouguain-
villiers se trouvent ici, plantés par le propriétaire
du lieu autour de sa demeure et font presque figure
de plantes exotiques.
Portes et fenêtres sont munies de grillage métal-
lique, non tant à cause des moustiques, rares en
général et même totalement inconnus pendant la
plus grande partie de l'année, mais pour se préser-
ver des mouches, innombrables en été, par suite de
la proximité des étables et du bétail.
Ici les conserves, dont on fait généralement une
si grande consommation aux Hébrides, sont pros-
crites. Les ressources de la ferme et du jardin
suffisent, et rarement dans l'archipel j'ai trouvé
table aussi bien garnie. Des viandes excellentes, des
œufs, du lait, du beurre frais et la plupart des
légumes d'Europe. Les fruits non plus ne manquent
pas. Mandarines et oranges d'Erromango sont
réputées dans les îles, et ces dernières ont même
été exportées à un certain moment en Australie.
Celles-ci, vertes extérieurement, sont plus grosses
et plus juteuses que celles auxquelles nous sommes
accoutumées, mais moins parfumées et plus filan-
dreuses.
J'assiste à la tonte des moutons que pratiquent
les deux aides australiens de l'éleveur et quelques
Canaques. Les belles toisons s'empilent rapidement
dans le hangar où la laine, pressée en gros ballots,
partira par le prochain bateau pour l'Australie.
Une première excursion nous conduit dans le
Nord de l'île, en un point assez élevé pour avoir
une bonne vue d'ensemble du pays. De là, il est
aisé de saisir dans ses grandes lignes la topographie
relativement simple d'Erromango. Un puissant
massif montagneux occupe la partie Nord de l'île
tandis qu'un autre se dresse dans le Sud. L'un et
l'autre, profondément entamés par l'érosion, ont
une altitude voisine de 900 mètres. Entre eux
s'étend une vaste dépression qui occupe tout le
centre de l'île, allant de la baie Dillon à celle de
Cook.
Erromango, autrefois peuplée, a vu,pendant ces
cent dernières années, au contact des blancs, sa
population diminuer dans des proportions effa-
rantes. Décimés par les excès des sandaliers (1),
qui venaient dans le courant du siècle dernier à la
recherche du bois précieux, par ceux des recruteurs
qui s'y procuraient la main-d'œuvre nécessaire aux
exploitations agricoles du Queensland, les Canaques
sont maintenant moins de 400 (exactement 380 en
septembre 1934), soit moins de 1 par kilomètre
carré). Erromango mérite, on le voit, le surnom
d'île martyre qui lui est parfois attribué. Cette
dépopulation se poursuit d'ailleurs de nos jours,
sans raison apparente, ainsi que sur la plupart des
îles du Pacifique, et chaque recensement enregistre
un nombre d'habitants plus faible que le précédent.
Dans quelques décades, selon toute vraisemblance,
les Canaques d'Erromango ne seront plus qu'un
souvenir.
Cette population restreinte, parfaitement paci-
fique, a perdu, sous l'influence des missionnaires,
toute originalité et tout pittoresque. Je trouve du
reste, à beaucoup d'égards, les indigènes d'Erro-
mango moins sympathiques que ceux des tribus
païennes et sauvages qui subsistent dans l'intérieur
de l'île de Tana, toute proche, où elles résistent
courageusement à l'empreinte des missions. Les
quelques centaines de Canaques d'Erromango,
de pure race mélanésienne, se répartissent en plu-
sieurs petits villages situés tous sans exception
au voisinage de la côte. Ici l'intérieur du pays et
les montagnes sont absolument déserts, contraire-
ment à la plupart des autres îles de l'archipel.
Ce matin, au lever du jour, vers six heures, nous
nous mettons en route pour le Sud, avec pour but
le mont Vetemancum, l'un des sommets du massif
volcanique méridional de l'île. Le thermomètre est
descendu pendant la nuit à 14°, comme il arrive
assez fréquemment de mai à octobre. La matinée
est très fraîche et la journée s'annonce superbe. La
coupure de la rivière Williams, entamant le
plateau sur une profondeur de 250 mètres, nous
oblige à descendre dans le fond de la vallée et à
franchir la rivière sur une digue de gros galets
basaltiques aménagée par les indigènes de la baie
Dillon, dont certains ont leurs plantations de taros,
d'ignames et de maïs, ainsi que leurs bananeraies
sur la rive opposée. L'autre versant, très raide, est
d'une escalade pénible, sans la moindre Lrise. Il fait
de nouveau très bon, dès que nous retrouvons le
plateau. Pauvre en arbres, de ce côté, il est formé
d'une succession de croupes, assez pelées par
endroits. Ailleurs, des prairies desséchées ont une
teinte beige indéfinissable où l'on a peine à discerner
les moutons à demi-sauvages qui sont là en très
grand nombre. Nous ne voyons cependant qu'une
faible partie des quelques milliers de têtes disper-
sées tout le long de la côte occidentale d'Erromango.
Seuls, les bas-fonds, encombrés d'un fouillis
d'arbustes, de grands roseaux et de fougères arbo-
rescentes, sont demeurés verts en cette saison.
Nous suivons un petit sentier, qu'empruntent les
indigènes pour aller de la baie Dillon au petit village
canaque proche de l'embouchure de la rivière du
Sud.
En approchant du pied de la montagne, le sentier
nous quitte, prenant une autre direction. C'est
brusquement un changement complet de végéta-
(1) C'est ainsi que l'on désignait les exploitants de bois de
santal.
AUX NO UVELLES-HÉBRIDES
ERROMANGO
L'ILE MARTYRE
par E. AUBERT DE LA RUE
Tout le monde a lu " ERROM AN GO " de Pierre
Benoit. Tout le monde voudra lire" ERROMAN GO"
Ile martyre, vue et photographiée par M. Aubert de
la Rüe, le savant naturaliste qui vient d'y faire un
séjour prolongé.
DEPUIS îles que la littérature s'est emparée des
îles du Pacifique, combien d'entre elles
en est-il qui ne soient devenues, dans
l'imagination de beaucoup, de véritables paradis
terrestres, au charme incomparable et au climat
enchanteur ? La légende flatteuse qui entoure ces
îles fortunées, souvent entretenue, il est vrai, par
le snobisme de certains voyageurs, est parfois
bien éloignée de la réalité.
Il est une île cependant qui n'a pas bénéficié de
cette faveur générale : je veux parler d'Erromango,
qu'un roman connu nous a présentée, au contraire,
sous l'aspect le plus noir. Mais la sinistre réputation
faite à cette île par le récit qui lui emprunte son
nom est-elle vraiment méritée ? Je ne le pense pas
et me souviens encore de l'impression favorable
que je ressentis en débarquant sur l'île Erromango,
une première fois en février, puis en avril 1934,
allant et revenant alors de Tanna et d'Aneytum,
terres voisines formant avec elle le groupe méri-
dional des Nouvelles-Hébrides. Par la suite, je
devais apprécier mieux encore le charme d'Erro-
mango, en y retournant une troisième fois, en sep-
tembre dernier.
Ayant été chargé d'explorer successivement
toutes les différentes îles de l'archipel néo-hébridais,
j'avais réservé Erromango pour la fin, désirant pro-
fiter de la saison fraîche pour parcourir les îles
du groupeNord telles que Malekula, Santo, Pente-
côte, Aoba, Ambrym et bien d'autres, qui sont
les plus chaudes.
Cette longue randonnée achevée, je viens de
prendre passage,ainsi que ma femme qui m'a suivi
dans ce voyage d'exploration, à bord du Makambo,
petit vapeur anglais assurant toutes les six semaines
environ la communication avec Erromango et les
îles du groupe Sud. Après avoir quitté Port-Vila
hier dans la matinée, nous contemplons à présent
la masse montagneuse et découpée de l'île Erro-
mango qui nous est apparue ce matin au lever du
jour. Il fait assez frais et beau ; une grosse houle,
soulevée par l'alizé du Sud-Est qui souffle avec rage
depuis plus d'un mois, nous fait violemment tan-
guer. Ce vent régnant rend, à cette époque de
l'année, le débarquement parfois assez délicat en
certains endroits des Nouvelles-Hébrides; mais en
ce qui concerne l'île Erromango, maintenant pro-
che, nous n'avons rien à craindre, car le navire
doit mouiller à la baie Dillon, généralement bien
abritée.
De configuration accidentée et entourée de côtes
escarpées, Erromango ressemble en cela à beaucoup
d'îles de l'archipel, mais se distingue par contre à
maints égards du reste de Nouvelles-Hébrides. Le
climat y est moins humide et plus frais, la végéta-
tion moins luxuriante et le caractère tropical moins
accentué.
La côte occidentale de l'île, vers laquelle nous nous
dirigeons maintenant, formée de hautes falaises
coralliennes étagées en gradins, est verdoyante
mais sans excès. Rien ici de comparable à la forêt
dense qui à Malekula ou Pentecôte, par exemple,
s'avance jusqu'au rivage, si escarpé soit-il. Ici, de
belles prairies parsemées d'arbres couvrent le som-
met des falaises contre lesquelles se plaque une
brousse buissonneuse qui souvent laisse voir les
escarpements grisâtres du corail. Pas de cocoteraies
le long de cette côte, contrairement à toutes les
autres îles de l'archipel dont le copra est la princi-
pale, sinon l'unique ressource. Les seuls cocotiers
que j'aperçois, en petit nombre, sont dans le fond
de la baie Dillon en arrière de laquelle s'ouvre une
profonde entaille. C'est la vallée très encaissée de la
Bunka ou rivière de Williams qui pénètre loin dans
l'intérieur des terres et dans le fond de laquelle la
végétation tropicale reprend ses droits.
La rivière de Williams, en face de laquelle le
.11{ akam bo vient de laisser tomber l'ancre, est très
large à son embouchure, et la mer y pénètre. Sa
faible profondeur ne permet pourtant pas aux
embarcations de la remonter bien loin. A moins
d'un kilomètre en amont, son lit se resserre, devient
irrégulier et les seuils rocheux le rendent imprati-
cable même aux pirogues.
Contournant la levée de galets qui marque au
Nord l'entrée, la pétrolette du bord, nous condui-
sant à terre avec nos bagages, s'engage dans la
rivière et nous dépose près des premières cases du
petit village indigène de la baie Dillon, tapi sous
les arbres le long d'une étroite bande de terrain res-
serrée entre la montagne et l'eau. C'est là que nous
rencontrons M. Martin, le seul colon de l'île, venu
chercher son courrier et qui très aimablement nous
offre de descendre chez lui. Quand je dis descendre,
c'est une façon de parler, sa maison se trouvant
à plus de 200 mètres d'altitude dans la montagne
et à près d'une heure de marche d'ici. Venu d'Aus-
tralie, depuis bientôt trente ans, pour entreprendre
l'élevage du mouton sur Erromango, il est le seul
colon hébridais qui se soit établi à l'intérieur des
terres ; partout ailleurs, sauf aux alentours de Port-
Vila, les colons se sont installés exclusivement le
long des côtes.
Un mauvais chemin de campagne, très raide,
aux nombreux lacets, tout ce que l'île possède en
fait de route, va de la baie Dillon à la ferme. Nous
le grimpons à pied, tandis que nos bagages nous
suivent sur un chariot à bœufs, pittoresque atte-
lage conduit par un Canaque. Erromango, terre privi-
légiée, est l'une des îles très rares, même dans le
Pacifique, où l'automobile soit encore complète-
ment inconnue.
Le rebord du plateau, que nous atteignons en
sortant de la petite forêt d'acacias qui couvre les
versants de la vallée et ombrage la route, est à
250 mètres de hauteur. Ici pour la première fois
peut-être depuis que nous sommes aux Nouvelles-
Hébrides, nous respirons un air frais et vif, comme
il est rare d'en rencontrer sous les tropiques à
moins de s'élever à de hautes altitudes. A nos
pieds, la vue est très belle sur la vallée aux pentes
escarpées que nous venons de quitter et sur la mer
qui moutonne au large. Tournant le dos à l'Océan,
nous avons devant nous les vastes plateaux
d'Erromango, qui s'étendent à perte de vue, cou-
verts de prairies dont les hautes herbes ondulent
sous les violentes rafales du vent.
La marche n'est plus bien longue maintenant ;
quelques vallonnements à franchir où courent
des fils de fer barbelés délimitant de grands parcs
qui permettent de rassembler les moutons, ordi-
nairement en liberté sur l'île à l'époque de la tonte,
précisément en ce moment qui correspond à la fin
de la saison fraîche.
Deux ou trois portails de bois barrent successive-
ment le chemin. Il nous fait soigneusement les refer-
mer afin que le bétail ne puisse se sauver. Voici
enfin la station de M. Martin, cachée dans un repli
de terrain, non loin d'une petite rivière qui serpente
dans les prairies où plusieurs chevaux paissent tran-
quillement, tandis qu'une nuée de moutons se
sauve à notre approche. Non loin, tout un troupeau
de vaches et des bœufs superbes se reposent à
l'ombre des acacias, l'arbre par excellence des pla-
teaux d'Erromango. Le nom indigène de l'endroit
est Unapang.
Ce paysage est si européen d'aspect, la tempéra-
ture tellement agréable, qu'un effort d'imagination
est presque nécessaire pour réaliser que nous
sommes à quelque vingt mille kilomètres de
France, aux Nouvelles-Hébrides, archipel que
beaucoup considèrent comme l'une des contrées
les plus sauvages, les plus malsaines et les plus
pénibles du globe. On chercherait en vain, dans ce
décor champêtre et riant, un seul arbre d'aspect
tropical 1
Encore quelques pas, et nous voici au but. Les
hurlements de toute une meute de chiens signalent
notre arrivée. Ce sont des bergers d'Australie
chargés de rabattre périodiquement les troupeaux
de moutons vers la ferme. La maison d'habitation
et ses dépendances sont en bois suivant la coutume
hébridaise. Les seuls arbres tropicaux de toute la
région, de grands manguiers touffus, quelques
cocotiers élancés, des massifs violacés de bouguain-
villiers se trouvent ici, plantés par le propriétaire
du lieu autour de sa demeure et font presque figure
de plantes exotiques.
Portes et fenêtres sont munies de grillage métal-
lique, non tant à cause des moustiques, rares en
général et même totalement inconnus pendant la
plus grande partie de l'année, mais pour se préser-
ver des mouches, innombrables en été, par suite de
la proximité des étables et du bétail.
Ici les conserves, dont on fait généralement une
si grande consommation aux Hébrides, sont pros-
crites. Les ressources de la ferme et du jardin
suffisent, et rarement dans l'archipel j'ai trouvé
table aussi bien garnie. Des viandes excellentes, des
œufs, du lait, du beurre frais et la plupart des
légumes d'Europe. Les fruits non plus ne manquent
pas. Mandarines et oranges d'Erromango sont
réputées dans les îles, et ces dernières ont même
été exportées à un certain moment en Australie.
Celles-ci, vertes extérieurement, sont plus grosses
et plus juteuses que celles auxquelles nous sommes
accoutumées, mais moins parfumées et plus filan-
dreuses.
J'assiste à la tonte des moutons que pratiquent
les deux aides australiens de l'éleveur et quelques
Canaques. Les belles toisons s'empilent rapidement
dans le hangar où la laine, pressée en gros ballots,
partira par le prochain bateau pour l'Australie.
Une première excursion nous conduit dans le
Nord de l'île, en un point assez élevé pour avoir
une bonne vue d'ensemble du pays. De là, il est
aisé de saisir dans ses grandes lignes la topographie
relativement simple d'Erromango. Un puissant
massif montagneux occupe la partie Nord de l'île
tandis qu'un autre se dresse dans le Sud. L'un et
l'autre, profondément entamés par l'érosion, ont
une altitude voisine de 900 mètres. Entre eux
s'étend une vaste dépression qui occupe tout le
centre de l'île, allant de la baie Dillon à celle de
Cook.
Erromango, autrefois peuplée, a vu,pendant ces
cent dernières années, au contact des blancs, sa
population diminuer dans des proportions effa-
rantes. Décimés par les excès des sandaliers (1),
qui venaient dans le courant du siècle dernier à la
recherche du bois précieux, par ceux des recruteurs
qui s'y procuraient la main-d'œuvre nécessaire aux
exploitations agricoles du Queensland, les Canaques
sont maintenant moins de 400 (exactement 380 en
septembre 1934), soit moins de 1 par kilomètre
carré). Erromango mérite, on le voit, le surnom
d'île martyre qui lui est parfois attribué. Cette
dépopulation se poursuit d'ailleurs de nos jours,
sans raison apparente, ainsi que sur la plupart des
îles du Pacifique, et chaque recensement enregistre
un nombre d'habitants plus faible que le précédent.
Dans quelques décades, selon toute vraisemblance,
les Canaques d'Erromango ne seront plus qu'un
souvenir.
Cette population restreinte, parfaitement paci-
fique, a perdu, sous l'influence des missionnaires,
toute originalité et tout pittoresque. Je trouve du
reste, à beaucoup d'égards, les indigènes d'Erro-
mango moins sympathiques que ceux des tribus
païennes et sauvages qui subsistent dans l'intérieur
de l'île de Tana, toute proche, où elles résistent
courageusement à l'empreinte des missions. Les
quelques centaines de Canaques d'Erromango,
de pure race mélanésienne, se répartissent en plu-
sieurs petits villages situés tous sans exception
au voisinage de la côte. Ici l'intérieur du pays et
les montagnes sont absolument déserts, contraire-
ment à la plupart des autres îles de l'archipel.
Ce matin, au lever du jour, vers six heures, nous
nous mettons en route pour le Sud, avec pour but
le mont Vetemancum, l'un des sommets du massif
volcanique méridional de l'île. Le thermomètre est
descendu pendant la nuit à 14°, comme il arrive
assez fréquemment de mai à octobre. La matinée
est très fraîche et la journée s'annonce superbe. La
coupure de la rivière Williams, entamant le
plateau sur une profondeur de 250 mètres, nous
oblige à descendre dans le fond de la vallée et à
franchir la rivière sur une digue de gros galets
basaltiques aménagée par les indigènes de la baie
Dillon, dont certains ont leurs plantations de taros,
d'ignames et de maïs, ainsi que leurs bananeraies
sur la rive opposée. L'autre versant, très raide, est
d'une escalade pénible, sans la moindre Lrise. Il fait
de nouveau très bon, dès que nous retrouvons le
plateau. Pauvre en arbres, de ce côté, il est formé
d'une succession de croupes, assez pelées par
endroits. Ailleurs, des prairies desséchées ont une
teinte beige indéfinissable où l'on a peine à discerner
les moutons à demi-sauvages qui sont là en très
grand nombre. Nous ne voyons cependant qu'une
faible partie des quelques milliers de têtes disper-
sées tout le long de la côte occidentale d'Erromango.
Seuls, les bas-fonds, encombrés d'un fouillis
d'arbustes, de grands roseaux et de fougères arbo-
rescentes, sont demeurés verts en cette saison.
Nous suivons un petit sentier, qu'empruntent les
indigènes pour aller de la baie Dillon au petit village
canaque proche de l'embouchure de la rivière du
Sud.
En approchant du pied de la montagne, le sentier
nous quitte, prenant une autre direction. C'est
brusquement un changement complet de végéta-
(1) C'est ainsi que l'on désignait les exploitants de bois de
santal.
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