Titre : Le Monde colonial illustré : revue mensuelle, commerciale, économique, financière et de défense des intérêts coloniaux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459430v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1929 01 janvier 1929
Description : 1929/01/01 (A7,N65)-1929/01/31. 1929/01/01 (A7,N65)-1929/01/31.
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Description : Collection numérique : Protectorats et mandat... Collection numérique : Protectorats et mandat français
Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique... Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9745735s
Source : CIRAD, 2016-192274
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/10/2016
N° 65. — JANVIER 1929 LE MONDE COLONIAL ILLUSTRÉ 3
LA SANTE DU COLON EUROPÉEN ET DE L'INDIGÈNE
L'auteur de cet article, le docteur Joyeux, est bien connu
pour ses travaux de parasitologie et de pathologie exo-
tique (1). Après avoir été quelques années médecin aux
colonies, il est aujourd'hui agrégé à la Faculté de
médecine de Paris.
La médecine et l'hygiène tropicales ont fait
d'énormes progrès depuis une cinquantaine d'années.
Sous l'impulsion des précurseurs : A. Laveran pour
la France, P. Manson pour l'Angleterre, de nombreuses
découvertes ont été réalisées, qui ont élucidé le mode
de transmission de la plupart des maladies sévissant
aux pays chauds, et, par cela même, ont fait connaître
le moyen de les éviter. Pour beaucoup d'entre elles,
En Afrique occidentale française. — Malades attendant la consultation. Les indigènes commencent à se rendre compte de
l'intérêt qu'ils ont à suivre les conseils des médecins blancs. C'est donc volontiers qu'ils viennent se faire soigner. (Collection du Dr Joyeux.)
on connaît des remèdes spécifiques permettant de les
guérir à coup sûr. Ces affections devraient donc, en
principe, avoir disparu ; si nous les observons encore
aujourd'hui, c'est parce que les mesures prophylac-
tiques sont souvent difficiles à prendre dans les pays
primitifs, le personnel médical est en nombre insuffi-
sant, les médicaments sont mesurés avec parcimonie,
et, cause première de cette organisation imparfaite,
les sommes inscrites aux budgets sanitaires de nos
colonies ne sont pas assez élevées. Cependant, il
serait injuste de méconnaître les résultats obtenus.
L'hygiène et la civilisation se sont développées parallè-
lement. Elles sont loin, bien entendu, d'avoir atteint
le même degré dans toutes nos colonies ; mais, même
en envisageant les plus arriérées de celles-ci, on peut
dire que les conditions de vie actuelles ne sauraient
être comparées à ce qu'elles étaient autrefois. Le jeune
Européen, jouissant d'une bonne santé, n'étant affecté
d'aucune tare organique, peut parfaitement se desti-
ner sans appréhension à la carrière coloniale, s'il a la
ferme résolution de ne commettre aucune imprudence
et d'observer les règles de l'hygiène, ce qui n'est d'ail-
leurs pas extrêmement pénible : se protéger contre
le soleil, contre les insectes transmetteurs de maladies,
notamment les moustiques, absorber régulièrement
de la quinine, manger et surtout boire avec modéra-
tion, ne consommer que des aliments sains, éviter les
travaux fatigants, les veillées, les excès de toute sorte,
ne pas faire de trop longs séjours et venir se reposer
en France de temps à autre, enfin suivre les conseils
des médecins ayant l'expérience de la vie coloniale.
En ne s'écartant pas de ce programme si simple, on
réduit au minimum les risques de maladie, et, à
moins d'accident imprévu, d'épidémies qui se font
de plus en plus rares, on est à peu près certain de se
maintenir en bonne santé. Or, il est évident que la
santé du colon est la première condition de réussite
pour l'entreprise qu'il dirige. Elle périclite s'il est
malade : les indigènes, non surveillés, en profitent
pour négliger leur tâche, parfois pour commettre des
larcins aux dépens de leur patron. La situation s'ag-
grave encore lorsque ce dernier est obligé de rentrer
précipitamment en France sur l'avis du médecin,
sans avoir eu le temps de mettre ses affaires en ordre.
S'il est au compte d'une société commerciale ou autre
(1) Précis de médecine coloniale (Masson et Cle) ; Hygiène
de l'Européen aux colonies (Armand Colin).
celle-ci pourra faire des difficultés pour le réengager,
ne se souciant pas d'avoir un employé sur lequel on
ne peut compter. Le premier devoir du colonial est
donc de veiller sur sa santé.
Reste à envisager l'état sanitaire des peuples habi-
tant nos colonies. Ceux-ci ont également bénéficié des
progrès de la civilisation européenne ; les épidémies se
font de plus en plus rares et l'on a compris, théori-
quement au moins, l'intérêt primordial qui s'attache
aux œuvres d'assistance médicale indigène. C'est une
obligation morale pour nous de faire participer nos
protégés aux bienfaits de la science européenne. C'est
aussi notre intérêt bien compris. En effet, la mise en
valeur de nos possessions exige une main-d'œuvre
abondante. Les revues et journaux coloniaux sont rem-
plis de projets et d'études techniques : création de
ports, de chemins de fer, de routes, exploitation de
mines, de produits à culture rémunératrice. Rien de
tout cela ne peut être fait sans ouvriers, nous enten-
dons par là des hommes vigoureux, en bonne santé,
et non des malingres ne fournissant qu'un travail
dérisoire.
Malheureusement, la main-d'œuvre est loin d'être
partout abondante, en particulier dans nos vastes
territoires d'Afrique tropicale. La population est
clairsemée : le jeune colonial qui arrive pour la pre-
mière fois dans ces régions s'étonne de parcourir
de grandes distances, sur des routes peu fréquentées,
sans trouver trace d'habitation. Ceci n'est d'ailleurs
pas spécial aux colonies françaises, il en est de même
dans presque tout le continent africain : les sociétés
minières du Transvaal empruntent des travailleurs
à la colonie portugaise du Mozambique, laquelle en a
fourni également à l'île Sao-Tomé, située en face de
l'embouchure du Congo. De même, des ouvriers
d'Indochine sont envoyés en Nouvelle-Calédonie
et dans d'autres îles océaniennes. Nous pourrions
multiplier ces exemples, qui prouvent combien la main-
d'œuvre, insuffisante en beaucoup de pays, est avide-
ment recherchée. Or, le médecin est le technicien de
la main-d'œuvre comme l'ingénieur est celui des
machines. C'est lui qui a la charge de veiller sur la
santé des travailleurs. Par des vaccinations prati-
quées sur une grande échelle, il arrête les épidémies
de variole ; les nouvelles médications arsenicales
font disparaître rapidement le pian, blanchissent les
syphilitiques, enrayent la fièvre récurrente. La maladie
du sommeil est maintenant curable, même dans les
périodes avancées ; on peut probablement la traiter
préventivement ; la lutte contre cette terrible affection
n'est plus qu'une question d'argent et d'organisation.
On sait également combattre le paludisme, par la
destruction des moustiques (anophèles) qui le trans-
mettent et par l'absorption de quinine qui met l'orga-
nisme en état de résistance. Malheureusement, la
prophylaxie de cette maladie se heurte à de grosses
difficultés tenant à l'impossibilité de détruire pratique-
ment les larves d'anophèles en certains pays, et aussi
au prix élevé de la quinine qui empêche de la distribuer
à profusion. D'autres produits moins coûteux sont à
l'essai. C'est également le médecin qui veillera à
l'hygiène générale des ouvriers ; par une nourriture
appropriée, il empêchera le Béribéri de se déclarer
et prendra des mesures pour obtenir des travailleurs
le maximum de résistance. Ii' faut tenir compte, en
effet, que l'indigène, surtout le noir, ne fournit,
dans son village, qu'un travail facile, entrecoupé de
longues flâneries. Au service de l'Européen, il est
astreint à une besogne régulière et continue, beau-
coup plus pénible pour lui ; d'où nécessité d'une nourri-
ture plus substantielle et d'un confort plus grand.
Ceci est particulièrement vrai pour les ouvriers dont
nous parlions ci-dessus, qui sont recrutés dans leur
pays natal et vont travailler au loin. Ils se trouvent
dans la même situation qu'un enfant quittant sa
famille pour aller au collège, ou un jeune homme en-
trant à la caserne.
Enfin, il est évident que l'on ne doit pas se borner
à soigner les ouvriers occupés sur les chantiers ; il
faut également penser à ceux qui les remplaceront
plus tard, c'est-à-dire à leurs enfants, et, par là même,
aux femmes qui les procréent et les élèvent. Un des
côtés les plus intéressants de l'assistance médicale
indigène est la puériculture, ainsi que la lutte contre la
mortalité infantile, malheureusement très forte dans
beaucoup de pays chauds.
On voit combien sont étroitement liés, dans nos
colonies, le problème de la santé publique et celui
de la mise en valeur du pays. Européens transplantés
sous les tropiques, indigènes obligés de s'adapter à
de nouvelles conditions sociales, sont, par ce fait,
en état de moindre résistance physique ; c'est seule-
ment en observant les préceptes de l'hygiène, en rece-
vant des soins médicaux dans de bonnes conditions,
que les uns et les autres pourront fournir leur rende-
ment maximum, dans l'intérêt général de notre œuvre
colonisatrice.
Dr JOYEUX,
Agrégé à la Faculté de médecine,
Ancien médecin colonial.
LA CONFERENCE AFRICAINE
DE LA FIÈVRE JAUNE
On sait qu'une conférence intercoloniale africaine de la
fièvre jaune s'est réunie à Dakar, en avril 1928, sur l'ini-
tiative de M. Carde, gouverneur général de l'Afrique occi-
dentale française.
Le volume contenant les travaux de la conférence vient
de paraître chez l'éditeur Fournier. Il sera consulté avec
profit par tous ceux qui s'intéressent à l'avenir économique
de notre domaine africain, car de grands progrès ont été
réalisés dans l'étude de la fièvre jaune, et l'avenir peut désor-
mais être envisagé avec confiance.
L'épidémie de fièvre jaune ne survient qu'à de longs
intervalles, et elle opère par de singuliers procédés. Elle
éclate et disparaît d'une façon mystérieuse ; si les premiers
cas commencent en mai, ses manifestations durent pen-
dant six longs mois, jusqu'en décembre ; elle distille ses
coups, frappant une localité, puis une autre, créant dans
une ville des foyers successifs, tout cela avec des intervalles
de repos qui sont autant de fallacieux espoirs de sa dispa-
rition ; dans certaines maisons, elle provoque des héca-
tombes familiales ; contrairement aux autres maladies
pestilentielles, elle semble surtout frapper les Européens ;
sa marche est tragique : après quelques jours de fièvre,
le malade ressent une amélioration, on espère : ce n'est que
le mieux de la mort, qui survient par anurie ou par hémor-
ragies d'une abondance impressionnante.
Heureusement que nous ne sommes plus, aujourd'hui,
désarmés, comme dans les temps passés.
En effet, depùis le début de ce siècle, deux importantes
découvertes ont été réalisées.
Les membres de la mission américaine de Cuba, de la
mission française du Brésil ont démontré comment se fai-
sait la propagation de la fièvre jaune. Le malade est un
réservoir de virus dans lequel un moustique, le Stegomyia,
vient puiser du sang infecté pour l'inoculer ensuite aux
individus sains. Cette première acquisition a réglé pour
toujours la prophylaxie de la fièvre jaune : isolement du
malade pour empêcher que les Stegomyia ne viennent s'in-
fecter sur lui ; destruction des Stegomyia sous toutes leurs
formes ; protection des individus sains contre les piqûres
du moustique.
Les exposés présentés à la Conférence montrent com-
ment les mesures qui découlent de ces trois principes sont
appliquées dans chaque colonie et comment elles contri-
buent à limiter le mal.
Mais, jusqu'ici, ces mesures avaient été appliquées iso-
lément dans chaque colonie. Le grand mérite de la réunion
de Dakar aura été d'établir un lien étroit entre tous les
pays de la côte d'Afrique intéressés à la question, de coor-
donner et d'unifier les efforts, de réaliser un front unique
contre l'ennemi commun.
La deuxième découverte est récente ; elle est due aux
membres de la Commission américaine de Lagos : on trou-
vera son histoire dans le magistral exposé du docteur
Beeuwkes, directeur de la Commission ; il a assuré lui-même
la traduction française de son travail : on l'a intégralement
reproduite pour mieux conserver sa pensée.
Les recherches des membres de la Commission améri-
caine ont permis de trouver un animal parfaitement récep-
tif à la fièvre jaune, jusqu'alors vainement recherché, le
Macacus rhesus, un singe de l'Inde.
Désormais, tous les laboratoires possédant des Macacus,
auxquels sera envoyé un fragment congelé du foie d'un
singe mort de fièvre jaune, pourront étudier la maladie,
et déjà, en Angleterre et en France, de remarquables tra-
vaux ont abouti à la production de vaccins et de sérums
efficaces pour les singes.
Propagation de la fièvre jaune par le Stegomyia, décou-
verte d'un animal d'expérience réceptif à la fièvre jaune,
telles sont les deux grandes acquisitions récentes de nos
connaissances de la maladie. Elles donnent, sans conteste,'
l'espoir qu'elle disparaîtra bientôt de nos possessions afri-
caines, et que ses à-coups économiques ne seront bientôt
plus à redouter.
6
LA SANTE DU COLON EUROPÉEN ET DE L'INDIGÈNE
L'auteur de cet article, le docteur Joyeux, est bien connu
pour ses travaux de parasitologie et de pathologie exo-
tique (1). Après avoir été quelques années médecin aux
colonies, il est aujourd'hui agrégé à la Faculté de
médecine de Paris.
La médecine et l'hygiène tropicales ont fait
d'énormes progrès depuis une cinquantaine d'années.
Sous l'impulsion des précurseurs : A. Laveran pour
la France, P. Manson pour l'Angleterre, de nombreuses
découvertes ont été réalisées, qui ont élucidé le mode
de transmission de la plupart des maladies sévissant
aux pays chauds, et, par cela même, ont fait connaître
le moyen de les éviter. Pour beaucoup d'entre elles,
En Afrique occidentale française. — Malades attendant la consultation. Les indigènes commencent à se rendre compte de
l'intérêt qu'ils ont à suivre les conseils des médecins blancs. C'est donc volontiers qu'ils viennent se faire soigner. (Collection du Dr Joyeux.)
on connaît des remèdes spécifiques permettant de les
guérir à coup sûr. Ces affections devraient donc, en
principe, avoir disparu ; si nous les observons encore
aujourd'hui, c'est parce que les mesures prophylac-
tiques sont souvent difficiles à prendre dans les pays
primitifs, le personnel médical est en nombre insuffi-
sant, les médicaments sont mesurés avec parcimonie,
et, cause première de cette organisation imparfaite,
les sommes inscrites aux budgets sanitaires de nos
colonies ne sont pas assez élevées. Cependant, il
serait injuste de méconnaître les résultats obtenus.
L'hygiène et la civilisation se sont développées parallè-
lement. Elles sont loin, bien entendu, d'avoir atteint
le même degré dans toutes nos colonies ; mais, même
en envisageant les plus arriérées de celles-ci, on peut
dire que les conditions de vie actuelles ne sauraient
être comparées à ce qu'elles étaient autrefois. Le jeune
Européen, jouissant d'une bonne santé, n'étant affecté
d'aucune tare organique, peut parfaitement se desti-
ner sans appréhension à la carrière coloniale, s'il a la
ferme résolution de ne commettre aucune imprudence
et d'observer les règles de l'hygiène, ce qui n'est d'ail-
leurs pas extrêmement pénible : se protéger contre
le soleil, contre les insectes transmetteurs de maladies,
notamment les moustiques, absorber régulièrement
de la quinine, manger et surtout boire avec modéra-
tion, ne consommer que des aliments sains, éviter les
travaux fatigants, les veillées, les excès de toute sorte,
ne pas faire de trop longs séjours et venir se reposer
en France de temps à autre, enfin suivre les conseils
des médecins ayant l'expérience de la vie coloniale.
En ne s'écartant pas de ce programme si simple, on
réduit au minimum les risques de maladie, et, à
moins d'accident imprévu, d'épidémies qui se font
de plus en plus rares, on est à peu près certain de se
maintenir en bonne santé. Or, il est évident que la
santé du colon est la première condition de réussite
pour l'entreprise qu'il dirige. Elle périclite s'il est
malade : les indigènes, non surveillés, en profitent
pour négliger leur tâche, parfois pour commettre des
larcins aux dépens de leur patron. La situation s'ag-
grave encore lorsque ce dernier est obligé de rentrer
précipitamment en France sur l'avis du médecin,
sans avoir eu le temps de mettre ses affaires en ordre.
S'il est au compte d'une société commerciale ou autre
(1) Précis de médecine coloniale (Masson et Cle) ; Hygiène
de l'Européen aux colonies (Armand Colin).
celle-ci pourra faire des difficultés pour le réengager,
ne se souciant pas d'avoir un employé sur lequel on
ne peut compter. Le premier devoir du colonial est
donc de veiller sur sa santé.
Reste à envisager l'état sanitaire des peuples habi-
tant nos colonies. Ceux-ci ont également bénéficié des
progrès de la civilisation européenne ; les épidémies se
font de plus en plus rares et l'on a compris, théori-
quement au moins, l'intérêt primordial qui s'attache
aux œuvres d'assistance médicale indigène. C'est une
obligation morale pour nous de faire participer nos
protégés aux bienfaits de la science européenne. C'est
aussi notre intérêt bien compris. En effet, la mise en
valeur de nos possessions exige une main-d'œuvre
abondante. Les revues et journaux coloniaux sont rem-
plis de projets et d'études techniques : création de
ports, de chemins de fer, de routes, exploitation de
mines, de produits à culture rémunératrice. Rien de
tout cela ne peut être fait sans ouvriers, nous enten-
dons par là des hommes vigoureux, en bonne santé,
et non des malingres ne fournissant qu'un travail
dérisoire.
Malheureusement, la main-d'œuvre est loin d'être
partout abondante, en particulier dans nos vastes
territoires d'Afrique tropicale. La population est
clairsemée : le jeune colonial qui arrive pour la pre-
mière fois dans ces régions s'étonne de parcourir
de grandes distances, sur des routes peu fréquentées,
sans trouver trace d'habitation. Ceci n'est d'ailleurs
pas spécial aux colonies françaises, il en est de même
dans presque tout le continent africain : les sociétés
minières du Transvaal empruntent des travailleurs
à la colonie portugaise du Mozambique, laquelle en a
fourni également à l'île Sao-Tomé, située en face de
l'embouchure du Congo. De même, des ouvriers
d'Indochine sont envoyés en Nouvelle-Calédonie
et dans d'autres îles océaniennes. Nous pourrions
multiplier ces exemples, qui prouvent combien la main-
d'œuvre, insuffisante en beaucoup de pays, est avide-
ment recherchée. Or, le médecin est le technicien de
la main-d'œuvre comme l'ingénieur est celui des
machines. C'est lui qui a la charge de veiller sur la
santé des travailleurs. Par des vaccinations prati-
quées sur une grande échelle, il arrête les épidémies
de variole ; les nouvelles médications arsenicales
font disparaître rapidement le pian, blanchissent les
syphilitiques, enrayent la fièvre récurrente. La maladie
du sommeil est maintenant curable, même dans les
périodes avancées ; on peut probablement la traiter
préventivement ; la lutte contre cette terrible affection
n'est plus qu'une question d'argent et d'organisation.
On sait également combattre le paludisme, par la
destruction des moustiques (anophèles) qui le trans-
mettent et par l'absorption de quinine qui met l'orga-
nisme en état de résistance. Malheureusement, la
prophylaxie de cette maladie se heurte à de grosses
difficultés tenant à l'impossibilité de détruire pratique-
ment les larves d'anophèles en certains pays, et aussi
au prix élevé de la quinine qui empêche de la distribuer
à profusion. D'autres produits moins coûteux sont à
l'essai. C'est également le médecin qui veillera à
l'hygiène générale des ouvriers ; par une nourriture
appropriée, il empêchera le Béribéri de se déclarer
et prendra des mesures pour obtenir des travailleurs
le maximum de résistance. Ii' faut tenir compte, en
effet, que l'indigène, surtout le noir, ne fournit,
dans son village, qu'un travail facile, entrecoupé de
longues flâneries. Au service de l'Européen, il est
astreint à une besogne régulière et continue, beau-
coup plus pénible pour lui ; d'où nécessité d'une nourri-
ture plus substantielle et d'un confort plus grand.
Ceci est particulièrement vrai pour les ouvriers dont
nous parlions ci-dessus, qui sont recrutés dans leur
pays natal et vont travailler au loin. Ils se trouvent
dans la même situation qu'un enfant quittant sa
famille pour aller au collège, ou un jeune homme en-
trant à la caserne.
Enfin, il est évident que l'on ne doit pas se borner
à soigner les ouvriers occupés sur les chantiers ; il
faut également penser à ceux qui les remplaceront
plus tard, c'est-à-dire à leurs enfants, et, par là même,
aux femmes qui les procréent et les élèvent. Un des
côtés les plus intéressants de l'assistance médicale
indigène est la puériculture, ainsi que la lutte contre la
mortalité infantile, malheureusement très forte dans
beaucoup de pays chauds.
On voit combien sont étroitement liés, dans nos
colonies, le problème de la santé publique et celui
de la mise en valeur du pays. Européens transplantés
sous les tropiques, indigènes obligés de s'adapter à
de nouvelles conditions sociales, sont, par ce fait,
en état de moindre résistance physique ; c'est seule-
ment en observant les préceptes de l'hygiène, en rece-
vant des soins médicaux dans de bonnes conditions,
que les uns et les autres pourront fournir leur rende-
ment maximum, dans l'intérêt général de notre œuvre
colonisatrice.
Dr JOYEUX,
Agrégé à la Faculté de médecine,
Ancien médecin colonial.
LA CONFERENCE AFRICAINE
DE LA FIÈVRE JAUNE
On sait qu'une conférence intercoloniale africaine de la
fièvre jaune s'est réunie à Dakar, en avril 1928, sur l'ini-
tiative de M. Carde, gouverneur général de l'Afrique occi-
dentale française.
Le volume contenant les travaux de la conférence vient
de paraître chez l'éditeur Fournier. Il sera consulté avec
profit par tous ceux qui s'intéressent à l'avenir économique
de notre domaine africain, car de grands progrès ont été
réalisés dans l'étude de la fièvre jaune, et l'avenir peut désor-
mais être envisagé avec confiance.
L'épidémie de fièvre jaune ne survient qu'à de longs
intervalles, et elle opère par de singuliers procédés. Elle
éclate et disparaît d'une façon mystérieuse ; si les premiers
cas commencent en mai, ses manifestations durent pen-
dant six longs mois, jusqu'en décembre ; elle distille ses
coups, frappant une localité, puis une autre, créant dans
une ville des foyers successifs, tout cela avec des intervalles
de repos qui sont autant de fallacieux espoirs de sa dispa-
rition ; dans certaines maisons, elle provoque des héca-
tombes familiales ; contrairement aux autres maladies
pestilentielles, elle semble surtout frapper les Européens ;
sa marche est tragique : après quelques jours de fièvre,
le malade ressent une amélioration, on espère : ce n'est que
le mieux de la mort, qui survient par anurie ou par hémor-
ragies d'une abondance impressionnante.
Heureusement que nous ne sommes plus, aujourd'hui,
désarmés, comme dans les temps passés.
En effet, depùis le début de ce siècle, deux importantes
découvertes ont été réalisées.
Les membres de la mission américaine de Cuba, de la
mission française du Brésil ont démontré comment se fai-
sait la propagation de la fièvre jaune. Le malade est un
réservoir de virus dans lequel un moustique, le Stegomyia,
vient puiser du sang infecté pour l'inoculer ensuite aux
individus sains. Cette première acquisition a réglé pour
toujours la prophylaxie de la fièvre jaune : isolement du
malade pour empêcher que les Stegomyia ne viennent s'in-
fecter sur lui ; destruction des Stegomyia sous toutes leurs
formes ; protection des individus sains contre les piqûres
du moustique.
Les exposés présentés à la Conférence montrent com-
ment les mesures qui découlent de ces trois principes sont
appliquées dans chaque colonie et comment elles contri-
buent à limiter le mal.
Mais, jusqu'ici, ces mesures avaient été appliquées iso-
lément dans chaque colonie. Le grand mérite de la réunion
de Dakar aura été d'établir un lien étroit entre tous les
pays de la côte d'Afrique intéressés à la question, de coor-
donner et d'unifier les efforts, de réaliser un front unique
contre l'ennemi commun.
La deuxième découverte est récente ; elle est due aux
membres de la Commission américaine de Lagos : on trou-
vera son histoire dans le magistral exposé du docteur
Beeuwkes, directeur de la Commission ; il a assuré lui-même
la traduction française de son travail : on l'a intégralement
reproduite pour mieux conserver sa pensée.
Les recherches des membres de la Commission améri-
caine ont permis de trouver un animal parfaitement récep-
tif à la fièvre jaune, jusqu'alors vainement recherché, le
Macacus rhesus, un singe de l'Inde.
Désormais, tous les laboratoires possédant des Macacus,
auxquels sera envoyé un fragment congelé du foie d'un
singe mort de fièvre jaune, pourront étudier la maladie,
et déjà, en Angleterre et en France, de remarquables tra-
vaux ont abouti à la production de vaccins et de sérums
efficaces pour les singes.
Propagation de la fièvre jaune par le Stegomyia, décou-
verte d'un animal d'expérience réceptif à la fièvre jaune,
telles sont les deux grandes acquisitions récentes de nos
connaissances de la maladie. Elles donnent, sans conteste,'
l'espoir qu'elle disparaîtra bientôt de nos possessions afri-
caines, et que ses à-coups économiques ne seront bientôt
plus à redouter.
6
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.36%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.36%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 7/30
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k9745735s/f7.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k9745735s/f7.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k9745735s/f7.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k9745735s
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://numba.cirad.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k9745735s
Facebook
Twitter