102 REVUE DES CULTURES COLONIALES
préalablement disposées, soit par des écrans temporaires, quelquefois par un
revêtement de terre grasse des tiges et des branches, etc.
M. de Jouffroy d'Abbans, ancien consul de France à Singapore, très autorisé
dans toutes les questions de Gutta, me citait que les jeunes et petits sujets
replantés étaient longtemps misérables ou périssaient, tandis qu'au contraire
ceux plus hauts et mieux constitués résistaient bien : il attribuait cette différence
à des actions thermiques défavorables aux environs du sol, ayant quelque
analogie avec mes observations météorologiques du Nord de l'Afrique et des
climats steppiens.
L'expérience seule pourrait élucider ce point; mais, à première vue, l'actino-
métrie paraîtrait jouer un rôle plus actif dans ces régions subéquatoriales que
des chutes thermiques, à moins de conditions particulières dues à l'altitude.
Il peut y avoir d'autres causes. En principe, la loi de Lacédémone doit être
strictement appliquée dans les pays chauds, c'est-à-dire l'éliminalion de tout
organisme mal constitué et sans résistance, ou sans une éducation complète
pour vivre abandonné à lui-même.
Il y a des exemples de cette nature en Algérie, comme dans toute l'Afrique du
Nord, sans en excepter l'Égypte basse et haute : on y voit de grands Ficus, de
végétation formidable, qui n'auraient pas supporté les premiers temps de la
plantation s'ils avaient été confiés au sol trop jeunes et mal constitués.
Les arbres à gutta échappent moins que tous autres à cette loi générale.
Le plant issu de bouture a, au début de son développement, un système radi-
culaire beaucoup mieux établi que celui de semis, en ce sens qu'il possède de
suite, au lieu d'un simple pivot, un grand nombre de racines qui concourent
immédiatement à sa fixation au sol et à la rapidité de ses pousses.
On sait que la bouture, qui en résumé a son axe formé, donne des résultats
plus prompts comme végétation que le semis. Or, en matière économique, gagner
du temps, c'est gagner de l'argent : aussi, dans le cas présent, la bouture enracinée
d'Isonandra a ce grand avantage de former rapidement un buisson, de se prêter à
une taille en têtard ou au rabatage en cépée.
Ce traitement cultural, qui consiste à ne pas élever la plante en arbre, à la
rabattre sur son axe, est préconisé, quoique n'ayant pas fait ses preuves, pour la
cueillette facile des feuilles et la coupe des nouveaux rameaux. En effet, l'exploi-
tation périodique des jeunes pousses avancerait l'époque du rendement en ce
sens que l'on n'aurait plus besoin d'attendre le développement complet d'un
arbre, c'est-à-dire son état adulte pour récolter : l'abatage serait ainsi évité.
Ce principe de cultures buissonnantes et à récoltes au moins bisannuelles, à
partir d'un certain âge, est basé sur cette observation que, dans les arbres à
gutta, le latex était plus largement diffusé dans les feuilles et dans les faisceaux
fibro-vasculaires de l'écorce et dans la moelle des jeunes tiges que dans les
écorces et les branches des vieux arbres.
L'extraction de la gutta des feuilles est une industrie actuellement en vogue :
les exploitants déterminent à première vue la richesse guttifère de la feuille par
l'abondance du latex qui en découle en la déchirant quand elle est fraîche, ou
par la quantité et la qualité des filaments coagulés qui relient les deux lèvres de
la plaie quand la feuille est sèche.
La taille en buisson, en têtard ou en cépée, provoquerait donc la sortie de
nombreux rameaux ; mais pour l'assurer, il y a des principes arboricoles qui,
quoique généraux, doivent varier avec les circonstances spécifiques et climaté-
