- 175 -
au-dessus, qui étaient délaissées alors, valent maintenant 3 fr. 20 à 3 fr. 40
le kilogramme.
Malheureusement le commerce des colonies françaises n'a pour ainsi
dire pas profité de cette plus-value et jusqu'ici cet avantage a été réservé
aux Hollandais et aux Anglais qui ont su, chacun dans leur sphère, les
premiers à Batavia, Samarang, Soerabaja, Macassar, etc., les seconds à la
presqu'île Malacca, dans plusieurs villes des Indes, en Birmanie, voire
même en Egypte, organiser méthodiquement la préparation et la conser-
vation de ces sortes de peaux, alors que dans nos colonies ces procédés y
sont pour ainsi dire méconnus.
Sauf à Tourane, à Haïphong et dans quelques villes de l'Indo-Chine, on
peut dire que depuis vingt ans le conditionnement des peaux de buffles n'a
pas été sensiblement amendé'; et si nous nous en rapportons aux relations
de plusieurs explorateurs, les naturels du Laos ou de l'intérieur du Siam ne
prennent pas actuellement encore la peine de dépouiller les animaux
destinés à l'alimentation, la peau est découpée avec la viande, comme
nous le faisons nous-même en Europe pour le porc.
Devant cette situation, j'ai pensé qu'ayant montré le premier le parti
avantageux que l'on peut tirer de la peau de buffle, il était de mon devoir
d'indiquer aux négociants, aux importateurs, les principaux défauts que le
tanneur rencontre dans son emploi et que quelques soins pourraient éviter.
, Le travail qui va suivre n'a aucun caractère scientifique, ce n'est même
pas un mémoire complet ; car, sur une question de si grande envergure, une
étude intégrale exigerait plusieurs années ; elle devrait être faite à l'aide
de matériaux recueillis en Asie, en Océanie, en Afrique, coordonnée ensuite
au moyen de nombreux renseignements puisés dans les différentes contrées,
en tenant compte de l'habitat, du climat, des saisons, des mœurs des habi-
tants : toutes causes, nous les savons, qui influent sur la préparation, le
négoce des produits d'un pays au point d'en modifier sensiblement la (
qualité et qui à fortiori agissent sur la peau, matière de complexion délicate,
s'il en est une.
Dans ces quelques pages je ne traiterai que de peaux défectueuses,
gâtées, détériorées, Tôle bien ingrat qui de prime abord donnera au lecteur,
étranger à notre corporation, une conception peu flatteuse des matières pre-
mières que nous mettons en œuvre ; dès lors, n'est-il pas à craindre que notre
réputation commerciale soit un peu compromise ! Cependant à la réflexion
on admettra, il me semble, que quand on veut enrayer une épidémie, on opère
au grand jour ; .connaissant donc les fautes commises, on pourra facilement
les éviter dans un avenir assez rapproché. C'est le progrès qui nous trace
notre voie, aucune hésitation n'est permise ici.
Faire la description du buffle, retracer ses mœurs, énumérer ses apti-
tudes, paraîtra bien superflu dans ces notes destinées plus particulièrement
aux coloniaux; aussi, me contenterai-je d'une esquisse rapide, indispensable
pour nos concitoyens; car, on ne le répétera jamais assez, peu de personnes,
aux colonies et dans la métropole, se font une idée exaète du buffle et de
l'importance que le commerce des peaux de cette catégorie peut occuper
dans nos possessions asiatiques. 1 -
Ces quelques indications sommaires sur ce mammifère serviront de
prélude à l'examen des principaux défauts dûs à la mauvaise préparation
des peaux ; puis nous verrons les dégâts causés par les insectes, qui se
développent faute de certaines précautions et vivent aux dépens de la
marchandise ; enfin j'indiquerai les moyens élémentaires à employer pour
éviter ces détériorations.
5
