LES PRAIRIES MALGACHES 5
vraiment digne de ce nom. Ce fait est curieux, paradoxal et, soit dit en
passant, il ne semble pas du tout donner raison à ceux qui prétendent que les
feux de brousse améliorent, renouvellent les pâturages, puisque la région
centrale, par suite de sa population dense et de sa saison sèche très marquée,
est justement celle où l'entretien des pâturages par la méthode des feux a été
le plus anciennement, le plus universellement pratiqué. Il doit avoir des causes
intéressantes à connaître et pour les rechercher, regardons de plus près
cette bizarre prairie, les plantes qui la composent et les sols qui la
portent.
L'aspect de cette, prairie est lamentablement uniforme. Toutes les graminées
qui la composent forment des touffes espacées et ont des rhizomes courts,
souterrains, vivaces et des chaumes raides et annuels. C'est en effet, la seule
forme de végétation capable de résister à un régime de feux périodiques, car
ce régime exclut nécessairement toutes les plantes annuelles, dont les graines
sont détruites par les flammes, et toutes les plantes vivaces à rhizome superfi-
ciel ou à tiges vivaces. Le sol est partout compact, dur et imperméable. Sans
aucun doute possible il est constitué par la zone inférieure des argiles latériti-
que l'érosion a mise à nu et dépouillé, de sa couverture de terres meubles et
humifères. L'aspect dans l'ensemble est tout à fait celui de la prairie à kifafa,
que nous venons d'étudier et, comme cette dernière, la prairie du centre n'est
manifestement rièn autre que le stade ultime de la dénudation. Ses espèces,
toutes sélectionnées par les feux, montrent qu'elle n'en est qu'une conséquence
directe. Elle n'est, en somme, qu'un exemple très net du résultat final auquel
aboutit forcément, à la longue, la pratique des feux.
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Toutes les graminées de la prairie du centre ont le port du kifafa (Aristidea
, ascensionis et sa forme multicaulis), espèce qui abonde d'ailleurs encore ici.
Elles sont même si semblables que les indigènes les confondent souvent sous les
noms génériques de bozaka ou de kitay (bois à brûler) — car, dans ce pays
privé de tout bois, ils n'ont souvent rien autre pour préparer leurs aliments—ou
sous ceux de sefana, horona ou kifafa auxquels ils ajoutent des qualificatifs divers
(fotsy, lahy, vavy, drano), d'ailleurs variables, pour une même espèce, suivant
les lieux. Avec l'Aristidea déjà cite, ces espèces sont : Peunisetum tritiaoides
Bak. plus commun dans les endroits frais; Trichopterix stipOides Hack.,
Sporobolus subulatus Rcick., Sporobolus indicus Kunth., (Ahigongona,
Tsiana) ; Trachypogon polymorphus HaGk., Andropogon schoenanthus L.,
distingué par les indigènes sous le nom de Fiahina; Andropogon hirtiflorus
Kunth., et Ctenium elegans Kunth., plus commun dans les endroits pierreux.
Ces espèces, à elles seules, - constituent plus de 70 0/0 de la prairie centrale.
Les autres 30 0/0 sont constitués par des espèces plus rares, mais de pbrt
semblable. Toutes ces plantes ont les mêmes feuilles coriaces et dures, même
quand elles sont jeunes, les mêmes chaumes raides et ligneux, et les bœufs
n'en peuvent brouter que les très jeunes pousses. Au point de vue fourrage et
nourriture du bétail, il n'y a pas de graminées plus ingrates, plus mauvaises,
plus inutilisables. k
Les prairies de la région centrale n'ont idoiie absolument aucune valeur en
tant que pâturages. Mais ces prairies, n'est-il pas possible de les modifier? N'y
a-t-il aucun moyen dé créer des pâturages dans ce pays physiquement constitué
