Les nombreux Parisiens qui, en ces mois de novembre et décembre de l'an de Grâce 1929, se sont rendus au Théâtre Sarah-Bernhardt pour y voir jouer la Princesse lointaine d'Edmond ROSTAND, dans sa nouvelle version, remaniée par le poète sur la demande de Sarah BERNHARDT, se sont-ils douté que la fable reprise et chantée par ROSTAND se greffe comme une fleur discrète sur une des plus anciennes épopées colonisatrices de la France ?
Ce n'est point ici le lieu de refaire l'histoire des croisades et l'analyse des sentiments, peut-être plus complexes que ne les supposent les manuels élémentaires, qui portèrent les barons chrétiens, Français en tête, vers les Lieux-Saints.
Peu d'entreprises civilisatrices primitives ont été inspirées par des sentiments intéressés. Besoin de l'aventure ou rêve d'apostolat, ce sont les deux grands facteurs qui, dès le XIe siècle, jetèrent les Français dans les grandes épopées de conquête et d'assimilation méditerranéennes, dont le résultat fut la constitu- tion d'un véritable empire colonial, moins étendu que celui du xxe siècle, mais qu'on oublie trop souvent quand on fait l'histo- rique des origines de la colonisation française.
Se souvient-on assez qu'à la faveur de l'expansion normande d'abord, puis du mouvement religieux des croisades, le xie siècle vit naître, et le xn* se développer, dans la Méditerranée, un empire colonial français, qui allait de la Sicile, conquise sur Byzance et les Sarrazins de Tunis, à la Syrie, avec ses Etats- Francs, en passant par le royaume de Chypre et par l'Empire latin de Constantinople ?
Mais ce sont là, sans doute, précisions historiques un peu lourdes pour asseoir légende de poète.
Hélas! oui, légende, il le faut bien écrire, car, Gaston PARIS l'a démontré une fois de plus, et de façon dé-nitive semble-t-il, il n'y a aucune base solide à l'aventure de Geoffroy (ou Jaufre) RUDEL, troubadour, seigneur de Blaye, croisé en 1148, qui, de
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