REVUE INTERNATIONALE DES PRODUITS COLONIAUX 269
Pour juger des hommes ou des oeuvres, nous manquons à la fois du
recul et de la liberté nécessaires, mais, à l'extérieur de la France,
dans le Monde, il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que s'impose
l'œuvre des décorateurs français, et tout particulièrement celle d'un
artiste qui avait acquis de nos jours, une réputation universelle, je
veux nommer Jacques Ruhlmann.
Ce très grand artiste, qui est de tous ses collègues et amis, unani-
mement regretté, était passionné de son métier et de son art.
Pendant 25 ans, il a donné l'exemple. Son œuvre a eu un reten-
tissement considérable sur toute l'architecture intérieure de ce temps,
et nul mieux que lui n'a mis en valeur les bois précieux.
Pour les amis de Ruhlmann, pour les critiques d'art, pour les con-
naisseurs, ce fut un moment bien émotionnant que celui de cette
exposition ouverte le 26 octobre 1934 au Pavillon de Marsan, et dans
laquelle il fut permis de voir rassemblés 140 meubles et sièges origi-
naux splendides, conçus, composés, réalisés par J. Ruhlmann durant
une période de 25 années.
C' est sans doute J. Ruhlmann qui, le premier, a donné à des meu-
bles de dilettantes, parfaitement élégants, la parure sombre et ma-
gnifique de l'ébène Macassar. Il a employé avec un goût raffiné le
bois de violette, l'amarante, la loupe d'amboine et le palissandre.
A l'exemple des plus classiques de nos grands artistes du meuble,
il a combiné l'ivoire avec l'ébène, avec le palissandre, l'amarante ou
1 amboine. En présence de ces œuvres réunies, en hommage pour une
belle carrière, Frantz Jourdain a pu écrire :
« J'espère que bientôt les œuvres si pleines de goût, d'originalité,
« d'élégance, d'harmonie et de perfection technique, du prestigieux
« décorateur moderne J. Ruhlmann, iront voisiner au Louvre avec le
« bureau de Riesener, l'un des plus impeccables chefs-d' œuvre du
« génie français ».
Après un tel maître qui nous a été enlevé trop jeune, à la veille de
cette exposition de 1937 pour laquelle déjà il formait des projets et
qui aurai t été pour J. Ruhlmann un nouveau triomphe., il ne convient
pas de désespérer. Vingt noms de grands artistes du meuble viennent
à mon esprit lorsque j'envisage la contribution actuelle des décorateurs
qui, depuis plus de trente années, se sont efforcés de renouer, de renou-
veler une tradition.
Tous ces artistes connaissent parfaitement et aiment les bois précieux,
et je voudrais vous dire, Messieurs, qu'ils sont pour vous des clients
peut-être modestes, mais bien intéressants, parce que c'est eux qui
donnent le ton. Je voudrais vous dire, et votre accueil m'y encourage,
que ces artistes amis des bois précieux, seraient très heureux si, aux
critiques parfois acerbes, déplacées et presque toujours imméritées qui
leur sont adressées, vous opposiez les preuves évidentes, manifestes de
votre sympathie. J'en connais beaucoup, Messieurs, parmi mes col-
lègues, qui seraient très fiers si les Chambres Syndicales des Bois
Précieux leur décernaient une récompense pour l'emploi parfait et
nouveau d'un bois de qualité.
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