Titre : L'Océanie française : bulletin mensuel du Comité de l'Océanie française
Auteur : Comité de l'Océanie française. Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Océanie française (Paris)
Date d'édition : 1928-11-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32828039d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 novembre 1928 01 novembre 1928
Description : 1928/11/01 (A24,N100)-1928/12/31 (A24,N105). 1928/11/01 (A24,N100)-1928/12/31 (A24,N105).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3206382t
Source : CIRAD, 2019-18526
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 31/03/2019
L’OCÉANIE FRANÇAISE
9
nous restâmes confondus par la présence de
ces véhicules dans un îlot si petit, qui semblait
destiné à ne jamais connaître derrière son ré
cif de corail que les choses du temps des Po
ol aré.
A Apia, la capitale des anciennes Samoas
alllemandes, actuellement sous mandat zélan-
dais, se trouve, au sommet du mont boisé qui
domine la ville, la tombe de Stevenson. L’illus
tre romancier avait voulu qu’on l’enterrât en
ce lieu où il pensait n’être troublé que par le
frémissement des palmes, au souffle de l’alizé,
et le grondement de la houle sur le récif. Il
n’avait point prévu qu’un jour ces bruits océa
niens seraient couverts par les sons discor
dants des klaxons, des sirènes et tout le brou
haha d’un port.
Dans toutes les îles, que ce soit dans les
nôtres ou aux Samoas, aux Fidjis, aux Tongas,
l’indigène d’autrefois disparaît peu à peu pour
faire place à un nouvel individu, habillé comme
l’Européen, parlant sa langue et ayant pris ses
défauts. Ceux qui veulent voir des fêtes pure
ment indigènes feront bien de se presser, car
elles deviennent de plus en plus rares.
*
**
Faut-il avec les planteurs et les commerçants
se féliciter de ce nouveau régime qui laisse
espérer plus de main-d’œuvre? Faut-il au con
traire partager la mélancolie de ceux qui dé
plorent la fin d’un passé poétique et regret
tent pour les indigènes le temps de la vie sans
besoins?
Je n'aborderai pas ce grave problème, car à
quoi bon épiloguer? Désirable ou non, le con
tact du blanc et de l'indigène ne pouvait être
évité; il y a mieux à faire qu’à parler du passé,
la situation présente appelle d'urgentes mesures
si l’on veut mettre les races indigènes à même
de résister aux conditions nouvelles de leur
existence. N’oublions pas que 1 , chaque jour, la
population des indigènes diminue, cpie celle des
Chinois augmente et que certaines îles sont pres
que dépeuplées : telles les Marquises où l’on
ne compte plus que 2.001) individus pour tout
le groupe, et la Calédonie où il ne reste que
25.000 Canaques.
*
**
Quel rôle la France est-elle appelée à jouer
dans le Pacifique de demain?
Nos établissements d'Océanie, bien que comp
tant plus de 100 îles, ne totalisent pas 4.000
kilomètres carrés et n’ont guère plus de 30.000
habitants; leur commerce ne dépasse pas 100
millions et tout au plus peut-on espérer le
voir doubler ou tripler dans l’avenir.
La Calédonie et les Hébrides (1) forment, il
est vrai, un groupe plus important et plus
riche. De puissantes compagnies aux capitaux
français, se basant sur les prodigieux résul
tats obtenus par les colons, ont entrepris de
nouvelles exploitations à Mallikolo et à Sanlo;
déjà, les grands vapeurs des Messageries ou de
la Société Ballande viennent, tous les deux mois,
charger à Yila et au canal du Segond, des mil
liers de tonnes de coton, de coprah, de cacao
et de café qui prennent le chemin de France.
Les richesses agricoles de la Calédonie sont
moins importantes que celles des Hébrides, mais
le sous-sol de l’île contient, outre les gisements
de nickel, de chrome et de charbons exploités,
de très riches minerais de fer et de cuivre qui
trouveront peut-être d’ici peu des acheteurs
dans les pays voisins.
Quoi qu’il en soit, nos possessions ne sau
raient rivaliser avec l’Australie, la Nouvelle-
Zélande, la Californie, les Indes néerlandaises,
le Japon, dont les populations se chiffrent par
millions et le commerce par milliards.
Mais si, au point de vue économique, elles
ne peuvent jouer qu’un rôle modeste, elles ont,
par contre,' au point de vue politique, une cer
taine importance par suite de leur distribution
à la surface de l’Océan, qui confère, à certai
nes de leurs rades une valeur stratégique indis
cutable et place, dans notre zone d’influence,
une vaste partie du Pacifique (1).
Nos îles forment d'importants maillons de
la chaîne qui relie l’Australie et la Californie,
de celte gigantesque barrière qui semble tenir
à distance le blocus du peuple jaune. En cas
de conflit dans le Pacifique, leur neutralité
serait un facteur très important, car on ima
gine aisémenL les services que rendraient, à
l’un ou à l’autre des belligérants, des bases aux
Marquises, à Papeete, à Nouméa, aux Hébrides.
Notre présence en Océanie est un élément de
garantie pour la paix du monde, car elle ne
menace personne, et ne peut être la source
de conflits.
De plus, ce n’est pas notre moindre charge,
ni notre moindre honneur, de couvrir de no
tre pavillon ces îles merveilleuses que le monde
entier nous envie. Il est bon de savoir qu’en
Amérique, il est peu de bibliothèques qui ne
contiennent des œuvres de Stevenson, de Mel
ville et d'O’Brien sur les « South Seas Is-
lands », à côté desquelles il n’est pas rare de
trouver le « Mariage » de Loti et le « Noa-
Noa » de Gauguin.
Ainsi, à tous points de vue, la France est
une puissance du Pacifique, et rien de ce qui
se passe dans cet Océan ne doit nous être
indifférent. Nous devons être reconnaissants aux
illustres marins qui nous y ont conquis ou con
servé des possessions, et ont ainsi permis que
(1) C’est à dessein que je n’ai pas fait allusion à la valeur de
Papeete comme port marchand. car les espoirs fondés sur l’ou
verture du canal de Panama ne se sont pas réalisés 11 en eût
peut-être été autrement, si des travaux convenables avaient été
exécutés à temps. Dans l’avenir, le nombre des escales de grands
navires restera modéré: tout au plus une vingtaine par mois.
(t) Bien que les Hébrides soient sous le régime du Condomi
nium, nous les considérons comme françaises, en raison de la
prédominance écrasante de nos intérêts.
9
nous restâmes confondus par la présence de
ces véhicules dans un îlot si petit, qui semblait
destiné à ne jamais connaître derrière son ré
cif de corail que les choses du temps des Po
ol aré.
A Apia, la capitale des anciennes Samoas
alllemandes, actuellement sous mandat zélan-
dais, se trouve, au sommet du mont boisé qui
domine la ville, la tombe de Stevenson. L’illus
tre romancier avait voulu qu’on l’enterrât en
ce lieu où il pensait n’être troublé que par le
frémissement des palmes, au souffle de l’alizé,
et le grondement de la houle sur le récif. Il
n’avait point prévu qu’un jour ces bruits océa
niens seraient couverts par les sons discor
dants des klaxons, des sirènes et tout le brou
haha d’un port.
Dans toutes les îles, que ce soit dans les
nôtres ou aux Samoas, aux Fidjis, aux Tongas,
l’indigène d’autrefois disparaît peu à peu pour
faire place à un nouvel individu, habillé comme
l’Européen, parlant sa langue et ayant pris ses
défauts. Ceux qui veulent voir des fêtes pure
ment indigènes feront bien de se presser, car
elles deviennent de plus en plus rares.
*
**
Faut-il avec les planteurs et les commerçants
se féliciter de ce nouveau régime qui laisse
espérer plus de main-d’œuvre? Faut-il au con
traire partager la mélancolie de ceux qui dé
plorent la fin d’un passé poétique et regret
tent pour les indigènes le temps de la vie sans
besoins?
Je n'aborderai pas ce grave problème, car à
quoi bon épiloguer? Désirable ou non, le con
tact du blanc et de l'indigène ne pouvait être
évité; il y a mieux à faire qu’à parler du passé,
la situation présente appelle d'urgentes mesures
si l’on veut mettre les races indigènes à même
de résister aux conditions nouvelles de leur
existence. N’oublions pas que 1 , chaque jour, la
population des indigènes diminue, cpie celle des
Chinois augmente et que certaines îles sont pres
que dépeuplées : telles les Marquises où l’on
ne compte plus que 2.001) individus pour tout
le groupe, et la Calédonie où il ne reste que
25.000 Canaques.
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Quel rôle la France est-elle appelée à jouer
dans le Pacifique de demain?
Nos établissements d'Océanie, bien que comp
tant plus de 100 îles, ne totalisent pas 4.000
kilomètres carrés et n’ont guère plus de 30.000
habitants; leur commerce ne dépasse pas 100
millions et tout au plus peut-on espérer le
voir doubler ou tripler dans l’avenir.
La Calédonie et les Hébrides (1) forment, il
est vrai, un groupe plus important et plus
riche. De puissantes compagnies aux capitaux
français, se basant sur les prodigieux résul
tats obtenus par les colons, ont entrepris de
nouvelles exploitations à Mallikolo et à Sanlo;
déjà, les grands vapeurs des Messageries ou de
la Société Ballande viennent, tous les deux mois,
charger à Yila et au canal du Segond, des mil
liers de tonnes de coton, de coprah, de cacao
et de café qui prennent le chemin de France.
Les richesses agricoles de la Calédonie sont
moins importantes que celles des Hébrides, mais
le sous-sol de l’île contient, outre les gisements
de nickel, de chrome et de charbons exploités,
de très riches minerais de fer et de cuivre qui
trouveront peut-être d’ici peu des acheteurs
dans les pays voisins.
Quoi qu’il en soit, nos possessions ne sau
raient rivaliser avec l’Australie, la Nouvelle-
Zélande, la Californie, les Indes néerlandaises,
le Japon, dont les populations se chiffrent par
millions et le commerce par milliards.
Mais si, au point de vue économique, elles
ne peuvent jouer qu’un rôle modeste, elles ont,
par contre,' au point de vue politique, une cer
taine importance par suite de leur distribution
à la surface de l’Océan, qui confère, à certai
nes de leurs rades une valeur stratégique indis
cutable et place, dans notre zone d’influence,
une vaste partie du Pacifique (1).
Nos îles forment d'importants maillons de
la chaîne qui relie l’Australie et la Californie,
de celte gigantesque barrière qui semble tenir
à distance le blocus du peuple jaune. En cas
de conflit dans le Pacifique, leur neutralité
serait un facteur très important, car on ima
gine aisémenL les services que rendraient, à
l’un ou à l’autre des belligérants, des bases aux
Marquises, à Papeete, à Nouméa, aux Hébrides.
Notre présence en Océanie est un élément de
garantie pour la paix du monde, car elle ne
menace personne, et ne peut être la source
de conflits.
De plus, ce n’est pas notre moindre charge,
ni notre moindre honneur, de couvrir de no
tre pavillon ces îles merveilleuses que le monde
entier nous envie. Il est bon de savoir qu’en
Amérique, il est peu de bibliothèques qui ne
contiennent des œuvres de Stevenson, de Mel
ville et d'O’Brien sur les « South Seas Is-
lands », à côté desquelles il n’est pas rare de
trouver le « Mariage » de Loti et le « Noa-
Noa » de Gauguin.
Ainsi, à tous points de vue, la France est
une puissance du Pacifique, et rien de ce qui
se passe dans cet Océan ne doit nous être
indifférent. Nous devons être reconnaissants aux
illustres marins qui nous y ont conquis ou con
servé des possessions, et ont ainsi permis que
(1) C’est à dessein que je n’ai pas fait allusion à la valeur de
Papeete comme port marchand. car les espoirs fondés sur l’ou
verture du canal de Panama ne se sont pas réalisés 11 en eût
peut-être été autrement, si des travaux convenables avaient été
exécutés à temps. Dans l’avenir, le nombre des escales de grands
navires restera modéré: tout au plus une vingtaine par mois.
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nium, nous les considérons comme françaises, en raison de la
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