Titre : L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité de l'Afrique française et du Comité du Maroc
Auteur : Comité de l'Afrique française. Auteur du texte
Auteur : Comité du Maroc (Paris). Auteur du texte
Éditeur : Comité de l'Afrique française (Paris)
Date d'édition : 1939-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32683501s
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1939 01 janvier 1939
Description : 1939/01/01 (A49,N1)-1939/12/31 (A49,N12). 1939/01/01 (A49,N1)-1939/12/31 (A49,N12).
Description : Collection numérique : Numba, la bibliothèque... Collection numérique : Numba, la bibliothèque numérique du Cirad
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3201337f
Source : CIRAD, 2017-132476
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2019
94
BULLETIN DU COMITÉ
justification. Cette illusion commode à l’irréso
lution, avait fait accepter le démembrement de
la Tchécoslovaquie.
Le coup de force de mars, nié encore à Berlin
la veille de son accomplissement, a été à la fois
pour les Anglais un outrage, comme tout men
songe qui suppose trop de crédulité chez sa dupe,
et la révélation d’une poussée sans limites, comme
le « lebensraum » indéfini que réclame Hitler.
Les Eden, les Churchill, les Duff Cooper avaient
donc raison : la piraterie allemande n’était fondée
sur aucun principe, c’est-à-dire limitée par rien
sinon par la rencontre d’autres forces faisant
équilibre à la sienne. La réaction déterminée
par cette conviction a été prompte : une menace
s’esquissait contre la Pologne ; le 31 mars, M. Ne-
ville Chamberlain annonçait que l’Angleterre
garantissait ce pays contre toute agression. Il
faisait comprendre que cette garantie pourrait
s’étendre à d’autres Etats de l’Est européen. Le
4 avril, M. Beck arrivait à Londres pour lui donner
une forme contractuelle. Une campagne diplo
matique était déjà engagée par Londres pour
obtenir l’aide de la Russie aux Etats que pourrait
menacer l’Allemagne, et soutenir la Roumanie
assaillie par des demandes économiques faisant
penser à un crochetage. Après l’occupation de
l’Albanie, la garantie britannique était donnée
à la Grèce.
Cette renaissance de la vieille Angleterre anti
napoléonienne devant un péril analogue à celui
qui l’avait dressée, il y a un peu plus d’un siècle,
est malheureusement venu trop tard pour que
le danger soit facilement conjuré. Sans remonter
jusqu’à notre manque de réaction contre l’occu
pation de la Rhénanie par les forces allemandes
en 1936, on peut dire que l’abdication de sep
tembre en Tchécoslovaquie a coûté à la France
et à l’Angleterre bien plus que l’aide certaine
d’une armée admirablement équipée et postée
au centre de l’Europe. Elle leur a fait perdre' la
face et une grande partie de leur crédit dans
l’Europe orientale. On n’y est plus certain de ce
qu’elles peuvent et de ce qu’elles veulent, et dans
les Etats menacés on doute que le « coup » sur
l’Albanie soit le dernier attentat qui puisse être
perpétré sans déchaîner la guerre. La meilleure
réponse à ce doute serait l’adoption de la cons
cription par l’Angleterre.
Il se trouve même des Français pour l’éprouver
et craindre que le déplacement d’une grande
partie de la flotte allemande vers les eaux espa
gnoles n’ait pour objet l’occupation de Tanger,
qui deviendrait, à son tour, un fait accompli.
C’est singulièrement se méprendre sur ce qui est
encore possible. Un pareil acte tendrait à la
fermeture de la Méditerranée, il nous acculerait
plus que jamais au mur dont M. Daladier a récem
ment parlé et il provoquerait la guerre dans les
deux heures, le temps d'un passage de Gibraltar à
Tanger.
Mais le grand danger est à l’heure actuelle
dans des doutes de ce genre sur la résolution
de la France et de l’Angleterre. Il nous fait
comprendre la timidité qu’ont des pays placés
comme la Y ougoslavie et la Roumanie pour accepter
une garantie franco-anglaise, tout en la désirant
profondément. Si la Pologne, plus forte, et la
Turquie, plus éloignée, l’ont prise ou vont sans
doute la prendre — la première a même rendu
cette garantie réciproque —, d’autres Etats
craignent de se compromettre et de s’attirer les
coups de l’axe en ne trouvant contre lui qu’une
aide problématique. Quelques-uns peuvent même
se demander si, un certain asservissement poli
tique étant inévitable, mieux ne vaut pas se faire
payer une résignation nécessaire en obtenant
la réalisation de certaines vieilles revendications
territoriales contre le voisin. La mainmise sur
l’Albanie avait sans doute moins pour objet de
faire ceindre une nouvelle couronne au roi d’Italie
que de développer ces craintes mêlées d’appétits.
Il est difficile pour les Puissances Occidentales
de remonter certaines pentes et de contrecarrer
le plan que l’on peut avec le plus de vraisemblance
prêter à l’adversaire.
Neutraliser tout l’Est, que l’on retrouverait
ensuite à loisir, pour tenter, à l’Ouest, une liqui
dation impériale, tel semble être plus que jamais
ce plan. Pour le moment, les revendications colo
niales sont en sommeil ; on déclare que l’on ne
souhaite que la paix mais en ajoutant « équitable »
et on sait ce que cela signifie pour ceux qui parlent
de « lebensraum ». C’est en Méditerranée que l’on
voudrait, sans doute, porter les premiers coups,
la supériorité de la défensive pouvant, d’abord,
faire marquer le pas à une attaque sur les fron
tières continentales. Ne pourrait-on se servir
de l’Espagne ; on ne saurait dire que les sons de
cloche qui nous viennent de ce pays soient en
tièrement satisfaisants et donnent tort à la réserve
avec laquelle nous avons toujours considéré ici
la politique de non-intervention et l’espoir si
répandu de voir la fin de la guerre civile espagnole
commencer la pacification générale. Pendant que
l’on essaierait de rendre peu praticable l’entrée
de l’Ouest, une expédition motorisée partant de
Libye menacerait celle de l’Est. C’est une possibilité
qui inquiète beaucoup d’Anglais depuis la con
centration de forces italiennes dans ce pays.
Elle est soulignée par les bétonnages que font les
Italiens sur la frontière de Tunisie, sans doute
pour retarder la contre-offensive à attendre de
la part des Français, trop bien assis et forts dans
l’Afrique du Nord-Ouest pour que l’on puisse
les y attaquer directement. Le Duce, quand il
déclare qu’il ne veut pas être enfermé dans
la Méditerranée, pense peut-être à la fermer aux
autres par les deux bouts.
C’est sans doute beaucoup d’imagination, mais
il serait imprudent de n’en pas prêter aux deux
chefs totalitaires. Ils trouveront sans doute encore
nombre d’arêtes dans le poisson méditerranéen.
L’Italie a beau avoir d’excellentes bases, la
suprématie navale de ses adversaires rendra, quoi
qu’on prétende, bien précairel’approvisionnement
de ses troupes engagées en Afrique. D’autre part,
l’Allemagne n’est pas sûre de l’Est : la Pologne se
raidit et n’attendra certainement pas passivement
son tour de guillotine.
BULLETIN DU COMITÉ
justification. Cette illusion commode à l’irréso
lution, avait fait accepter le démembrement de
la Tchécoslovaquie.
Le coup de force de mars, nié encore à Berlin
la veille de son accomplissement, a été à la fois
pour les Anglais un outrage, comme tout men
songe qui suppose trop de crédulité chez sa dupe,
et la révélation d’une poussée sans limites, comme
le « lebensraum » indéfini que réclame Hitler.
Les Eden, les Churchill, les Duff Cooper avaient
donc raison : la piraterie allemande n’était fondée
sur aucun principe, c’est-à-dire limitée par rien
sinon par la rencontre d’autres forces faisant
équilibre à la sienne. La réaction déterminée
par cette conviction a été prompte : une menace
s’esquissait contre la Pologne ; le 31 mars, M. Ne-
ville Chamberlain annonçait que l’Angleterre
garantissait ce pays contre toute agression. Il
faisait comprendre que cette garantie pourrait
s’étendre à d’autres Etats de l’Est européen. Le
4 avril, M. Beck arrivait à Londres pour lui donner
une forme contractuelle. Une campagne diplo
matique était déjà engagée par Londres pour
obtenir l’aide de la Russie aux Etats que pourrait
menacer l’Allemagne, et soutenir la Roumanie
assaillie par des demandes économiques faisant
penser à un crochetage. Après l’occupation de
l’Albanie, la garantie britannique était donnée
à la Grèce.
Cette renaissance de la vieille Angleterre anti
napoléonienne devant un péril analogue à celui
qui l’avait dressée, il y a un peu plus d’un siècle,
est malheureusement venu trop tard pour que
le danger soit facilement conjuré. Sans remonter
jusqu’à notre manque de réaction contre l’occu
pation de la Rhénanie par les forces allemandes
en 1936, on peut dire que l’abdication de sep
tembre en Tchécoslovaquie a coûté à la France
et à l’Angleterre bien plus que l’aide certaine
d’une armée admirablement équipée et postée
au centre de l’Europe. Elle leur a fait perdre' la
face et une grande partie de leur crédit dans
l’Europe orientale. On n’y est plus certain de ce
qu’elles peuvent et de ce qu’elles veulent, et dans
les Etats menacés on doute que le « coup » sur
l’Albanie soit le dernier attentat qui puisse être
perpétré sans déchaîner la guerre. La meilleure
réponse à ce doute serait l’adoption de la cons
cription par l’Angleterre.
Il se trouve même des Français pour l’éprouver
et craindre que le déplacement d’une grande
partie de la flotte allemande vers les eaux espa
gnoles n’ait pour objet l’occupation de Tanger,
qui deviendrait, à son tour, un fait accompli.
C’est singulièrement se méprendre sur ce qui est
encore possible. Un pareil acte tendrait à la
fermeture de la Méditerranée, il nous acculerait
plus que jamais au mur dont M. Daladier a récem
ment parlé et il provoquerait la guerre dans les
deux heures, le temps d'un passage de Gibraltar à
Tanger.
Mais le grand danger est à l’heure actuelle
dans des doutes de ce genre sur la résolution
de la France et de l’Angleterre. Il nous fait
comprendre la timidité qu’ont des pays placés
comme la Y ougoslavie et la Roumanie pour accepter
une garantie franco-anglaise, tout en la désirant
profondément. Si la Pologne, plus forte, et la
Turquie, plus éloignée, l’ont prise ou vont sans
doute la prendre — la première a même rendu
cette garantie réciproque —, d’autres Etats
craignent de se compromettre et de s’attirer les
coups de l’axe en ne trouvant contre lui qu’une
aide problématique. Quelques-uns peuvent même
se demander si, un certain asservissement poli
tique étant inévitable, mieux ne vaut pas se faire
payer une résignation nécessaire en obtenant
la réalisation de certaines vieilles revendications
territoriales contre le voisin. La mainmise sur
l’Albanie avait sans doute moins pour objet de
faire ceindre une nouvelle couronne au roi d’Italie
que de développer ces craintes mêlées d’appétits.
Il est difficile pour les Puissances Occidentales
de remonter certaines pentes et de contrecarrer
le plan que l’on peut avec le plus de vraisemblance
prêter à l’adversaire.
Neutraliser tout l’Est, que l’on retrouverait
ensuite à loisir, pour tenter, à l’Ouest, une liqui
dation impériale, tel semble être plus que jamais
ce plan. Pour le moment, les revendications colo
niales sont en sommeil ; on déclare que l’on ne
souhaite que la paix mais en ajoutant « équitable »
et on sait ce que cela signifie pour ceux qui parlent
de « lebensraum ». C’est en Méditerranée que l’on
voudrait, sans doute, porter les premiers coups,
la supériorité de la défensive pouvant, d’abord,
faire marquer le pas à une attaque sur les fron
tières continentales. Ne pourrait-on se servir
de l’Espagne ; on ne saurait dire que les sons de
cloche qui nous viennent de ce pays soient en
tièrement satisfaisants et donnent tort à la réserve
avec laquelle nous avons toujours considéré ici
la politique de non-intervention et l’espoir si
répandu de voir la fin de la guerre civile espagnole
commencer la pacification générale. Pendant que
l’on essaierait de rendre peu praticable l’entrée
de l’Ouest, une expédition motorisée partant de
Libye menacerait celle de l’Est. C’est une possibilité
qui inquiète beaucoup d’Anglais depuis la con
centration de forces italiennes dans ce pays.
Elle est soulignée par les bétonnages que font les
Italiens sur la frontière de Tunisie, sans doute
pour retarder la contre-offensive à attendre de
la part des Français, trop bien assis et forts dans
l’Afrique du Nord-Ouest pour que l’on puisse
les y attaquer directement. Le Duce, quand il
déclare qu’il ne veut pas être enfermé dans
la Méditerranée, pense peut-être à la fermer aux
autres par les deux bouts.
C’est sans doute beaucoup d’imagination, mais
il serait imprudent de n’en pas prêter aux deux
chefs totalitaires. Ils trouveront sans doute encore
nombre d’arêtes dans le poisson méditerranéen.
L’Italie a beau avoir d’excellentes bases, la
suprématie navale de ses adversaires rendra, quoi
qu’on prétende, bien précairel’approvisionnement
de ses troupes engagées en Afrique. D’autre part,
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